"Une vie d'abstinence" : elle attaque Sanofi en justice pour les effets secondaires non mentionnés du Solian

Pendant plus de 15 ans, Moana s'est vu prescrire un antipsychotique produit par le laboratoire. Elle reproche à Sanofi de ne pas avoir informé sur les risques de dépendance à cette molécule.

Vivre sous "camisole chimique" sans pouvoir en échapper, c'est ce que dénonce Moana*. Cette quadragénaire, habitante de Perpignan, a pris pendant près de 16 ans du Solian, un antipsychotique prescrit dans les cas de schizophrénie et aux effets secondaires importants, dont le risque de dépendance et la possible apparition d'un syndrome de sevrage, dont elle ignorait tout.

"Dès que j'ai voulu arrêter, j'ai eu des symptômes d'addiction, et le sevrage était dangereux", explique Moana à BFMTV.com.

Ce jeudi, Moana assigne devant le tribunal judiciaire de Perpignan Sanofi, qui produit le Solian, pour tenter de faire reconnaître la responsabilité du laboratoire pour ne pas avoir mentionné comme effet secondaire le risque de sevrage. "Le combat du pot de fer contre le pot de terre", pour son avocat me Pascal Nakache.

"Une vie d'abstinence"

En 2004, Moana étudie dans une école de cinéma, et rêve de devenir réalisatrice. Son autre passion est l'équitation, elle participe à de nombreux championnats, est très souvent classée. "J'avais du mal à m'intégrer dans mon école, j'avais des difficultés à communiquer avec l'extérieur, j'étais dans ma bulle, mon médecin m'a donné 2-3 traitements puis un psychiatre m'a prescrit du Solian, en me disant que ça allait calmer mes angoisses."

Issue d'une famille dans le milieu médical, Moana se renseigne pour savoir si cet antipsychotique, avec pour molécule active l'amisulpride, peut engendrer une dépendance. "J'ai même contacté Sanofi qui m'a assuré qu'il n'y avait pas ce type de risque", insiste Moana.

Le Solian, comme tout antipsychotique, peut présenter des effets secondaires: somnolence, prise de poids, hyperglycémie, tremblements, nausées, sécheresse de la bouche mais aussi troubles sexuels. Il peut aussi favoriser la production de l'hormone provoquant la lactation. Chez les hommes, cela engendre le gonflement des seins et une impuissance. Ce qui a été le cas pour Moana, aujourd'hui femme transexuelle. Il est également recommandé de ne pas consommer d'alcool tant que le patient est sous traitement.

"De mes 20 ans à mes 46 ans, j'ai eu une vie sans aucun plaisir, une vie d'abstinence de tout."

"Si je buvais une goutte d'alcool lors des soirées étudiantes, je finissais aux urgences. Les relations sexuelles étaient impossibles pour moi, j'avais des troubles de la libido. Je ne pouvais pas aller vers les filles, je n'ai pas pu construire de famille. Je m'interroge aussi sur les interactions avec certains aliments. Le médicament a été un frein pour ma vie sociale, pour mon intégration. J'ai dû renoncer à ma passion la plus chère, celle de monter à cheval."

Une mention du risque de sevrage trop tardive pour Moana

Dès 2006, Moana tente d'arrêter le médicament, mais "n'y arrive pas". "J'avais des symptômes d'addiction, détaille-t-elle. Puis j'ai découvert qu'en 2020 que la notice du Solian avait été changée par Sanofi." Désormais, il est précisé dans cette notice que "le médicament ne doit pas être arrêté brutalement car cela peut provoquer l’apparition d’un phénomène de sevrage".

"Aujourd'hui, nous reprochons à Sanofi de ne pas avoir mentionné dès le départ le risque de sevrage", décrypte Me Pascal Nakache.

En 2020, après des années de suivi psychiatrique, Moana est finalement diagnostiquée autiste Asperger, "ce qui n'est pas une maladie psychique mais un handicap qui ne nécessite pas de prescription médicale". Quelques années plus tôt, en 2016, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) a adressé en mars 2016 une lettre aux professionnels de santé alors que les prescriptions, hors autorisation de mise sur le marché, et notamment dans les cas d'autisme, se banalisent.

Demande d'expertise

L'audience de ce jeudi portera sur la demande d'expertise déposée par Moana et son conseil pour faire évaluer les préjudices liés à la prise du Solian. "Nous en sommes au tout début du combat", conclut Me Pascal Nakache.

"Sanofi répond à cette nouvelle action conduite en s’opposant à cette demande d’expertise comme dans le cadre des précédentes procédures. Il appartiendra à la juridiction saisie, au regard des pièces produites, d’ordonner ou non une expertise", réagit le laboratoire contacté par BFMTV.com.

* Le prénom a été modifié

Article original publié sur BFMTV.com

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