Ma vie de bureau en Inde. Épisode 3 : gérer son temps

Pour comprendre la perception indienne du calendrier, remontons un peu le temps, justement. Les écrits académiques soulignent que les Indiens ont une conception polychronique du temps. Ils le perçoivent non pas de manière linéaire, comme les Occidentaux, mais comme un cycle. Par conséquent, les Indiens vivent dans le moment présent, car le temps ne possède ni début ni fin, il se répète éternellement. Une notion qui se retrouve d’ailleurs dans le mot hindi kal, qui signifie à la fois “hier” et “demain”.

À cette dimension philosophique et linguistique, il faudrait ajouter une couche d’histoire. La colonisation britannique, qui a duré près de deux siècles, a aussi influencé la perception temporelle des Indiens. Sans oublier l’économie : l’Inde est insérée dans les échanges mondiaux depuis les années 1990, et le pays s’est adapté aux codes internationaux des affaires, avec ses calendriers, rétroplannings, et autres réunions programmées. Alors, en pratique, à quoi ressemble la gestion du temps à l’indienne dans le cadre du travail ?

S’adapter à des horaires extensibles

Je me rappelle cette anecdote, qui date du premier confinement. Mon conjoint (indien) participait à une réunion en ligne… à 22 h 30, alors que la compagnie aérienne pour laquelle il travaille était littéralement à l’arrêt. J’ai ouvert des yeux ronds – mais pourquoi ne décalez-vous pas votre rendez-vous à demain matin, sachant qu’il n’y a aucune urgence ?

La réponse indienne n’a pas tardé : tout le monde étant disponible et chez soi, qu’apporterait le fait de repousser la réunion ? J’ai répondu : “Peut-être que certains de tes collègues voudraient passer du temps avec leur famille, regarder un film, lire un roman, que sais-je ? Non ?” Euh… Apparemment, non. Et je crois que personne n’a été gêné.

Car il est entendu par tous que les horaires de travail sont extensibles. Souvent, dans les grandes villes, les gens arrivent tard au bureau : commencer à 11 heures n’a rien de rare à Bombay, Delhi ou Bangalore. Il faut dire que certains citadins doivent passer deux heures dans les transports, coincés dans les embouteillages.

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