« Une Vie » avec Anthony Hopkins raconte l’histoire vraie d’un héros qui ne voulait pas en être un
CINÉMA - Sir Nicholas Winton ne se considérait pas comme un héros et il est important de s’en rappeler en allant voir son biopic avec Anthony Hopkins. Dans Une Vie, au cinéma depuis mercredi 21 février, le réalisateur James Hawes raconte l’histoire vraie d’un jeune britannique qui a permis de sauver 669 enfants à Prague, à l’aube de la Seconde guerre mondiale.
En 1938, la Tchécoslovaquie est partiellement occupée par l’Allemagne nazie. Des milliers de Juifs et d’opposants politiques fuient la région des Sudètes, tombée aux mains de Hitler, et se réfugient dans des camps de fortune à Prague. À cette époque, Nicholas Winton a 29 ans et mène une vie confortable à Londres où il est banquier. Sa mère, interprétée par Helena Bonham Carter, est une Juive allemande, naturalisée britannique et convertie au christianisme.
Le jeune homme, joué par Johnny Flynn dans les scènes de flash-back, décide d’aller à Prague pendant ses vacances pour rejoindre un ami qui aide les réfugiés. Après avoir vu de ses propres yeux leurs conditions de vie, il décide de se mobiliser pour mettre les enfants à l’abri.
Les trains de Nicholas Winton
Nicholas Winton a une idée folle : affréter des trains pour envoyer les enfants dans des familles d’accueil en Grande-Bretagne, le temps que leur propre famille soit hors de danger. Avec l’aide d’autres membres du Comité britannique pour les réfugiés de Tchécoslovaquie, Nicholas Winton organise l’opération « Kindertransport », littéralement « transport d’enfants » en Allemand.
Après être resté quelques semaines à Prague pour collecter les informations d’identité de chaque enfant, il rentre à Londres pour leur trouver des familles d’accueil et lever des fonds pour payer leur VISA. Doreen Warriner, Trevor Chadwick et d’autres humanitaires restent en Tchécoslovaquie et se chargent d’accompagner les enfants et d’aider au mieux les parents, qui savent qu’ils ne les reverront plus jamais.
Entre mars et septembre 1939, huit trains emmènent 669 enfants en sécurité vers l’Angleterre. Nicholas Winton les accueille en gare de Liverpool Street à Londres, avec les familles de volontaires. Le neuvième convoi devait transporter 250 enfants le 1er septembre 1939, le jour où Hitler a envahi la Pologne. La guerre était déclarée, les frontières fermées, et le train n’a jamais pu partir.
Séquence émotion
Dans le film, on découvre Nicholas Winton à bientôt 80 ans, hanté par la mémoire des enfants qu’il n’a pas pu sauver. Cinquante ans après l’opération Kindertransport, alors qu’il n’en a jamais parlé à part à sa femme et sa fille, il finit par montrer son cahier rempli d’archives à l’historienne Elisabeth Maxwell, spécialiste de la Shoah.
Ébahie par le nombre de vies qu’il a sauvées, elle prévient son mari, le magnat de la presse britannique Robert Maxwell, et un article paraît dans un de ses journaux le 28 février 1988. Nicholas Winton est alors invité dans l’émission That’s Life ! de la BBC où il découvre en direct qu’il est assis à côté de plusieurs enfants qu’il a sauvés.
Après la diffusion, des centaines d’autres réfugiés du « Kindertransport » contactent la chaîne. Lorsque Nicholas Winton retourne sur le plateau, la présentatrice demande : « Y a-t-il quelqu’un dans le public qui doit sa vie à Nicholas Winton ? Si c’est le cas, levez-vous ». La moitié de l’audience se lève autour de lui, qui reste sans voix et les larmes aux yeux.
Ce grand moment de télévision émeut toujours autant : l’extrait a été vu plus de 40 millions de fois sur YouTube et resurgit fréquemment sur les réseaux. Dans Une Vie, les deux séquences télévisées ont été recréées à l’identique et tirent tout autant les larmes que les archives de l’émission.
« Une Vie » n’est pas l’histoire d’un seul homme
Le film met en lumière comment l’impulsion d’une personne a contribué à en sauver 669. Mais il rappelle surtout l’humilité de Nicholas Winton et le courage de ceux qui l’ont aidé. Dès le début d’Une Vie, on comprend bien qu’en visitant les camps de réfugiés, le jeune homme avait les meilleures intentions du monde mais aucune expérience dans l’humanitaire, contrairement aux autres membres du Comité britannique pour les réfugiés de Tchécoslovaquie.
Après l’émission de la BBC, il est devenu, bien malgré lui, la bannière de l’héroïsme britannique pendant la Seconde guerre mondiale. La reine Elizabeth II l’a fait chevalier en 2003 pour services rendus à l’humanité. Un « train Winton » a symboliquement refait le trajet des enfants tchèques jusqu’à Londres en 2009. Sur le quai de la gare de Prague, il y a même une statue de lui, portant un petit garçon et accompagnant une autre fillette avec sa valise.
Mais Nicholas Winton n’a en réalité jamais accompagné d’enfants jusqu’à leur train en Tchécoslovaquie, contrairement à Trevor Chadwick et Doreen Warriner, comme on le voit dans le film. Son investissement dans le Kinderstransport est indéniable, mais il ne l’a pas fait au péril de sa vie.
Surnommé le « Schindler britannique », Sir Nicholas Winton a rappelé jusqu’à sa mort en juillet 2015, à l’âge de 106 ans qu’il n’était pas un héros. « Je n’étais pas héroïque parce que je n’ai jamais été en danger », disait-il encore au Guardian en 2014.
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