Victime d’un violent guet-apens homophobe, cet élu témoigne pour sensibiliser face à ce fléau

Luc Di Gallo, un adjoint au maire de Montreuil a témoigné avoir été victime d’un guet-apens homophobe le 2 juin.
Luc Di Gallo, un adjoint au maire de Montreuil a témoigné avoir été victime d’un guet-apens homophobe le 2 juin.

AGRESSION - « Le 2 juin dernier au soir, j’ai été victime d’une violente agression homophobe. » Ainsi début le témoignage accompagné d’une photo qu’a publié sur Twitter Luc Di Gallo, adjoint au maire de Montreuil (Seine-Saint-Denis), ce mercredi 21 juin. « J’ai mis plusieurs jours pour trouver la force de me confier publiquement. Voilà ce qui m’est arrivé », écrit-il dans un thread relayé des centaines de fois.

L’élu raconte avoir été victime d’un guet-apens homophobe, piège parfois mortel qui vise régulièrement des hommes gays ou trans sur des applications ou des lieux de rencontre. C’est d’ailleurs après avoir été ciblé sur l’application de rencontre gay Grindr - interdite aux moins de 18 ans - que Luc Di Gallo a été agressé par quatre individus dans un parc de la ville et traité de « sale pédé ».

« Dans un moment de légèreté et de joie, en rentrant des repas de quartiers à Montreuil, vendredi 2 juin 2023 au soir, je me suis rendu à un rendez-vous fixé avec un homme via une application de rencontre homosexuelle appelée Grindr », raconte l’élu. Une scène somme toute banale, qui se déroule autour de 23 heures. « Ce soir-là, nous devions nous retrouver dans un premier temps au parc des Guillands à Montreuil. Arrivé sur place, un jeune homme m’attendait. Il portait un masque chirurgical au prétexte d’être allergique aux pollens, le rendant ainsi difficilement reconnaissable », poursuit l’élu sur Twitter.

« SALE PD, PÉDOPHILE »

Sauf qu’alors que les deux hommes discutent en marchant dans une allée du parc, la rencontre se mue en une agression. « Soudain, il a stoppé sa route dans un endroit très sombre. C’est là qu’il a crié : « SORTEZ » et trois personnes ont surgi de derrière des arbres, témoigne-t-il. Dans un mouvement très rapide, il a passé son bras autour de mon cou afin de me maîtriser. Les trois autres se sont jetés sur moi pour me rouer de coups de poing à la figure. L’un d’eux a crié ’SALE PD, PÉDOPHILE’. »

La suite de la scène est tout aussi violente. « J’ai crié en vain ’AU SECOURS’ en espérant une réaction des personnes présentes tout près dans le parc. À ce moment-là, celui qui devait être mon partenaire d’un moment s’est mis à serrer mon cou encore plus fort pour que je me taise, écrit l’élu. Il m’a demandé de m’allonger au sol, face contre terre. Il m’a dit ’PARLE PAS, CRIE PAS, BOUGE PAS’. J’ai obéi ! Mais il a continué de serrer fort. J’étouffais...  Je ne savais plus quoi faire pour le satisfaire afin qu’il me laisse respirer. »

Ses agresseurs finiront par le lâcher, une fois dépouillé. « Dans un dernier geste humiliant avant de partir en courant avec toutes mes affaires de valeur, l’un d’eux m’a jeté mes clés au sol en disant « TIENS » comme s’il donnait un vieil os à un chien maltraité », raconte-t-il. Ils ont volé sa sacoche contenant ses deux téléphones portables, le badge de la mairie, de l’argent et ses cartes bancaires. Malgré plusieurs appels au secours, dans le parc pas encore vidé de ses passants, personne ne lui vient en aide.

« Un dépôt de plainte n’est jamais évident pour une victime »

Si Luc Di Gallo souligne dans son témoignage « le professionnalisme des policiers du commissariat de Montreuil » qui ont recueilli sa plainte, il tient à préciser qu’un « dépôt de plainte n’est jamais évident pour une victime. » Et c’est en partie pour cette raison qu’il a tenu à témoigner publiquement de son agression. « Les policiers ne sont pas toujours formés pour recevoir correctement des plaintes pour homophobie. Ce n’était pas le cas ici. Je les sais mobilisés pour retrouver mes agresseurs. Je les en remercie », ajoute-t-il.

En revanche, l’élu dénonce notamment la manière dont l’examen pour évaluer son Incapacité Totale de Travail (ITT) avec un médecin de l’Unité Médico-Judiciaire se serait déroulé, le médecin en question « tenant des propos culpabilisants, déplacés & remettant en cause le caractère homophobe de l’agression », selon l’adjoint au maire.

Selon Mediapart, une plainte a donc été déposée pour « vol en réunion » et « violences commises en raison de l’orientation sexuelle de la victime ». Toujours selon le site d’investigation en ligne, le parquet de Bobigny n’aurait pas retenu à ce stade le caractère homophobe de l’agression, malgré le mode opératoire des agresseurs et les insultes. « Le caractère homophobe n’est pas établi à ce stade, et personne n’a été interpellé. Les investigations se poursuivent », a répondu le parquet à Mediapart.

« Guet-apens, des crimes invisibles »

Un film documentaire, « Guet-apens, des crimes invisibles » réalisé et diffusé par Mediapart en avril dernier, issu de plusieurs mois d’enquête sur ces guets-apens homophobes, il n’existerait aucune statistique sur ces cas, qui vont parfois jusqu’au meurtre.

En compilant la presse et les archives des associations LGBTQI+, les coréalisateurs ont comptabilisé 300 victimes de guet-apens homophobes depuis cinq ans, en très grande majorité des hommes gays ou bisexuels. Une victime par semaine. Pour l’année 2022, le chiffre s’élève même à une victime tous les trois jours. Pourtant, la justice n’a prononcé que onze condamnations pour guet-apens homophobes ces quatre dernières années.

« Tout comme moi et tant d’autres, j’ai été agressé, parce que je suis homosexuel. Dans tous les cas, c’est notre identité qui est visée et aucun prétexte ne saurait atténuer la violence de cette discrimination », écrit l’élu.

C’est aussi pour rendre visibles tous ces crimes et toutes ces autres victimes que Luc Di Gallo a décidé de parler. « J’ai envie de parler à toutes ces victimes invisibles ou invisibilisées et de leur dire qu’elles ne sont pas seules. J’ai envie de montrer que la honte est du côté des homophobes, écrit-il. J’ai envie de dire que l’homophobie n’est pas la normalité dans notre société, que ces guet-apens ne peuvent se produire dans l’indifférence. »

« Un avant et un après »

Pour lui, comme pour toutes les victimes rencontrées dans le documentaire de Mediapart, il y aura un « un avant et un après » l’agression. « La violence des coups, la violence de l’homophobie, la violence de la préméditation, la violence dûe à la peur de l’étouffement, la violence des regards à affronter quand on a le visage atteint, ma violence de l’exposition de sa vie privée, la violence des changements non désirés dans sa vie, la violence de la culpabilisation… Cette violence, j’en subis encore les conséquences aujourd’hui », affirme-t-il.

Et il ajoute : « Elle est même inscrite dans ma chair. Je sursaute quand quelqu’un parle derrière moi par surprise. Je ne supporte pas bien qu’un coiffeur me lave la tête, j’ai le sentiment qu’il va m’étrangler. Je sais que cela va passer mais cela va demander du temps. »

À voir également sur Le HuffPost :

« Quelle Époque » : Daphné Bürki rappelle à Dechavanne et Ardisson qu’« enculé » est une insulte homophobe

Out d’Or 2023 : Paloma (Drag Race France) élue personnalité LGBTQ+ de l’année