Véronique Piaser-Moyen, mère d’un bébé volé : "Que faisaient-ils des nourrissons morts ? Les chiens s’en chargeaient-ils ?"

Viols, agressions, deuils insurmontables, accidents de la vie : dans "Trauma", anonymes et célébrités reviennent pour Yahoo sur un traumatisme qui a bouleversé leur vie.

Véronique Piaser-Moyen et son conjoint étaient heureux. Tout allait bien dans leur vie jusqu’au jour où ils ont appris que leur fille, adoptée au Sri Lanka 33 ans plus tôt, était en réalité issue d’un trafic d’enfants. Pour Yahoo, cette mère de famille, auteure de l’ouvrage "Ma fille, je ne savais pas", a accepté de sortir du silence en racontant son histoire. Un témoignage poignant.

C’est le genre de nouvelle qui fait l’effet d’une bombe et qui peut bouleverser toute votre existence. Véronique Piaser-Moyen et son conjoint sont passés par là le jour où ils ont appris que leur fille, adoptée 33 ans plus tôt au Sri Lanka, était issue d’un trafic d’enfants. À partir de ce moment, leur monde s’est effondré. Depuis, ils enquêtent sur ce trafic de grande ampleur et tentent de faire reconnaître la responsabilité de l’État français dans ce drame. (Retrouvez l'intégralité de la vidéo en fin d'article).

"Dans cette maison, il se passait des choses pas claires"

Nous sommes en 1985 au Sri Lanka. Véronique Piaser-Moyen et son conjoint sont aux anges après avoir adopté leur petite fille, Titania, par l’intermédiaire d’une certaine "Madame Pereira", directrice d’agence. Le nourrisson a 15 jours. Tous les papiers sont aux normes. "Tout se passe bien, nous repartons en France, heureux, avec notre petite fille dans les bras", se rappelle-t-elle.

Le temps passe et 33 ans plus tard, légitimement, Titania exprime son souhait de rencontrer ses parents biologiques. Pour faciliter le processus, Véronique envoie le dossier d’adoption de sa fille à un ami sur place, Soulate. Il trouve une adresse, s’y rend et découvre l’inimaginable. "Il m’appelle et j’entends une phrase que je n’oublierai jamais. Il me dit : c’est un trafic d’enfants. Là tout s’écroule", raconte-t-elle encore empreint d’émotion.

"Ces gens-là n’auraient pas dû exister"

Sans le vouloir, elle et son mari se retrouvent impliqués dans cette histoire. Ils se donnent donc pour mission de comprendre réellement ce qu'il s’est passé, d’aller mettre le doigt sur les dysfonctionnements de ce système et surtout de retrouver la trace de la mère biologique. Ils prennent donc l’avion direction le Sri Lanka où ils vont très vite se confronter à l'administration locale, à la police et aux intermédiaires mafieux de l'époque.

Sur place, elle, son mari et Soulate se rendent chez la directrice d’agence Madame Pereira. Sous escorte policière, ils l’exhortent de lui donner le nom de la mère dans les plus brefs délais, sous peine de représailles et vont ensuite porter plainte au Criminal Investigation Department à Colombo. "On a fait tellement de foin qu’on a reçu très rapidement un coup de téléphone. C’était le mari de Madame Pereira qui nous a dit de nous rendre à Ratnapura".

Là-bas, elle et son mari font face à un officier d’état civil qui leur annonce la nouvelle. Titania n’est pas enregistrée sur l’état civil srilankais. Son acte de naissance est "un fake". Il finit tout de même par retrouver la piste de la mère grâce à des archives. "Il semblait très averti de ce qui s’était passé. À la fin de notre entrevue, il a qualifié Madame Pereira de sacré mafieuse".

"Le pire lui est tombé sur la tête, elle est bouleversée"

Finalement, les retrouvailles se passent. "On se retrouve face à une femme totalement sidérée. Quand ma fille se trouve face à sa mère biologique, il ne se passe rien. Elles se regardent et ne comprennent pas ce qui leur arrive, ce sont deux étrangères", explique-t-elle, précisant que la maman avait été prévenue de l’entrevue seulement 10 minutes plus tôt afin d’être sûre qu’elle s’y rende. Elle ne savait pas qu’elle allait rencontrer sa fille. Depuis cette rencontre, Titiana est bouleversée. "Le pire lui est tombé sur la tête", confie-t-elle.

"Que faisaient-ils des nourrissons morts ? Les chiens s’en chargeaient-ils ?"

D’après les informations recueillies par Véronique, Titiana a été volée à l’hôpital, le jour de sa naissance. La personne incriminée faisait visiblement le tour des campagnes de Ratnapura et récupérait des bébés dans son van au détour des sentiers. "Je pense qu’il y a dû avoir beaucoup de morts. Cela me hante. Qu’est-ce qu’ils faisaient des bébés décédés durant le trajet ? Car rappelons que ces enfants n’avaient pas d’existence légale puisqu’ils n’avaient pas été déclarés à l’état civil. Les jetaient-ils dans le fossé, en contrebas de la route ou bien les chiens s’en chargeaient-ils ?", se questionne-t-elle encore.

Aujourd’hui, à travers de nombreux témoignages, Véronique continue de dénoncer la terrible réalité de l’adoption internationale tout en rappelant le contexte économique complexe du pays. "1000 dollars pour le Sri Lanka, c’est peut-être 10 ans de salaire", a-t-elle expliqué confiant ne "pas s’être rendue compte" de l’importance d’une telle somme à l’époque. "Mais encore une fois était-ce à nous en 1985 d’aller enquêter sur la légalité de cette adoption alors que nos documents étaient validés par les institutions françaises, par le ministère des Affaires étrangères et par l’ambassade du Sri Lanka ?", conclu-t-elle.

Retrouvez en intégralité l'interview de Véronique Piaser-Moyen