Venise, Amsterdam, Portofino... Victimes du surtourisme, des villes d'Europe prennent des mesures
"On a atteint une ligne rouge." Terrasses encombrées au bord des canaux, foule se pressant dans les ruelles pavées, noria des navires de croisière... la petite ville flamande de Bruges en Belgique cherche la parade à la fréquentation de masse qui exaspère ses habitants. Surnommé la "Venise du Nord", ce joyau de l'ouest de la Belgique marche sur les traces de son homologue italienne, mise en danger par le surtourisme.
Les conséquences du surtourisme sont multiples, comme la hausse du prix de l'immobilier dans les zones touristiques et les impacts néfastes sur l'environnement, sans parler d'un effet de "rejet" des touristes par les populations locales.
"Nous n'avons pas besoin de davantage de touristes, on en a assez. Il en faudrait peut-être même un peu moins", a commenté auprès de l'AFP Arnout Goegebuer, architecte brugeois de 55 ans réfugié à l'intérieur d'un café.
Pour faire face à cette problématique grandissante, l'office du tourisme incite un tourisme de qualité avec des séjours plus longs pour avoir le temps de sortir de la ville et explorer la région.
Péage pour les touristes à Venise?
La ville flamande aux 119.000 habitants n'a donc pas encore l'intention de prendre des mesures restrictives pour limiter le surtourisme. Contrairement à Venise qui, depuis 2019, interdit aux bateaux de croisière de circuler dans le centre de la Cité des Doges. Idem pour Amsterdam aux Pays-Bas où le conseil municipal a décidé fin juillet d'interdire dans les prochains mois les immenses paquebots dans son port.
Cette année, Venise devait d'ailleurs faire payer un droit d'entrée de 3 à 10 euros aux touristes pour accéder à la commune et ses mythiques canaux. Cette mesure a toutefois été repoussée à 2024.
En Croatie, la ville fortifiée de Dubrovnik - submergée par les fans de la série "Game of Thrones" et devenue l'emblème du surtourisme - a installé un compteur à son entrée avec une limite de 4000 visiteurs par jour. Dans un classement établi en août 2022 par le site de location Holidu, concurrent d'Airbnb, qui recensait les destinations européennes les plus fréquentées en nombre de touristes par rapport aux habitants, elle occupait la première devant Venise, Bruges et l'île de Rhodes.
Interdiction de s'arrêter de marcher à Portofino
La capitale catalane, Barcelone, est elle aussi touchée par ce flot de touristes, un phénomène accentué depuis la fin de la crise sanitaire. Plusieurs manifestations d'hostilité à l'égard des touristes ont été organisées par les habitants de la ville depuis 2017.
Il est désormais interdit de construire de nouveaux hôtels, des auberges de jeunesse ou des appartements locatifs dans le centre. Des quotas ont aussi été mis en place dans la vieille ville grâce à un décret approuvé par la mairie le 1er mars dernier et ce, jusqu'au 31 août prochain.
En mai dernier, la mairie de Portofino, un petit village italien de 400 habitants à une trentaine de kilomètres de Gênes, avait fait parler d'elle en publiant un arrêté qui interdisait aux touristes de s'arrêter de marcher dans certaines zones. La mesure mise en place jusqu'au 15 octobre obligera ceux qui n'auront pas le comportement adapté à payer une amende comprise entre 68 et 275 euros.
Dans le sud de l'Italie, le maire de Sorrente avait publié en 2022 un arrêté interdisant aux touristes de se balader torse nu une fois qu'ils ont quitté la plage.
Un système de réservation dans les Calanques et un plan du gouvernement
En-dehors des villes, le patrimoine et l'environnement sont aussi menacés par les assauts touristiques estivaux. Sur l'île italienne de Sardaigne, plusieurs plages ont instauré un numerus clausus avec un droit d'entrée entre 1 et 10 euros selon le moyen de transport utilisé pour s'y rendre.
Un système quelque peu similaire à celui utilisé depuis 2022 dans les calanques de Marseille, victimes d'érosion et fragilisées par le piétinement des visiteurs. Grâce à un système de réservation tout l'été, la calanque de Sugiton n'accueille qu'un maximum de 400 visiteurs par jour, quand le lieu pouvait en voir défiler en moyenne 1200 sans réservation auparavant, avec des pics de 2500 visiteurs quotidiens atteints en 2021.
D'autres lieux touristiques français, dont l'écosystème est mis en danger, ont instauré des quotas. C'est le cas par exemple de l'île de Bréhat, des îles de Porquerolles ou encore de Port-Cros et du Levant.
Dans cette optique, le gouvernement a annoncé fin mi-juin lancer un plan pour réguler les flux touristiques et notamment les pics de fréquentation. "La France est la première destination touristique au monde, mais nous manquons cruellement de données. Nous allons donc monter un observatoire national des sites touristiques majeurs pour créer une base d'information et des indicateurs partagés qui faciliteront le travail d'analyse des flux", a déclaré Olivia Grégoire, la ministre déléguée au Commerce dans un entretien au journal Le Figaro.
En France, 80% de l'activité touristique se concentre sur 20% de notre territoire, selon le gouvernement. Alors, un guide pratique sera rédigé d'ici la fin 2023 par un groupe de travail constitué d'acteurs d'horizons variés (institutionnels, chercheurs, fédérations professionnelles) pour définir les notions de "surtourisme", "surfréquentation" et "pics de fréquentation" afin de permettre une compréhension commune du phénomène.