Valls invite les élus "forts et unis" à réviser la Constitution

par Emile Picy et Elizabeth Pineau PARIS (Reuters) - Manuel Valls a présenté vendredi aux députés le projet de loi de révision constitutionnelle, invitant les élus à être "forts et unis" face aux risques terroristes dont il a rappelé l'ampleur. Le chef du gouvernement a jugé légitimes les débats qui entourent depuis des semaines la seconde partie du texte, celle relative à la déchéance de nationalité pour terrorisme, qui divise tant à gauche qu'à droite. "Toute révision de cette nature, parce qu’elle touche au fondement de ce que nous sommes, demande de lui consacrer la durée nécessaire", a-t-il estimé. "Ce moment exceptionnel nous met tous face aux plus importantes responsabilités. Il exige de nous de la hauteur de vue." Manuel Valls a ponctué son discours d'avertissements quant à l'ampleur des risques, rappelant que 11 attentats avaient été déjoués en 2015 et que le nombre de personnes impliquées dans le djihad en France venait de franchir la barre des 2.000. "Parmi eux, 1.012 se sont rendus sur place depuis la France, 597 s'y trouvent toujours, c'est-à-dire 57% de plus que le 1er janvier 2015", a-t-il précisé. "La menace terroriste est là, elle va durer", a ajouté le Premier ministre. "Face à cela, ce que nous réclament les Français, c’est de tout faire pour leur protection ; c’est l’unité. Une unité sans faille". LE "SERMENT DU 16 NOVEMBRE" Manuel Valls a rappelé aux députés "le serment du 16 novembre", qui avait vu les élus applaudir le discours prononcé par François Hollande devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles trois jours après les sanglants attentats, qui ont fiat 130 morts. Ce jour-là, le chef de l'Etat avait annoncé le projet de loi de révision de la Constitution, présenté le 23 décembre en conseil des ministres. Dans son article 1, le texte constitutionnalise l'état d'urgence tandis que son article 2 propose la déchéance de la nationalité française pour les personnes condamnées pour terrorisme. Le projet de loi, qui est accompagné de deux projets de lois ordinaires d'application qui seront examinés ultérieurement, a subi depuis plusieurs modifications. A la demande du groupe socialiste de l'Assemblée, toute référence à l'interdiction de l'apatridie a été supprimée, ce qui signifie un retour à "la déchéance pour tous", binationaux et mononationaux. De plus, le texte d'application précise que la déchéance sera une peine "complémentaire" prononcée le cas échéant par un juge antiterroriste ou pénal et non par l'autorité administrative. "Aujourd’hui, comme à ses origines, la déchéance de nationalité est la réponse collective des Français vis-à-vis d’autres Français qui ont choisi de porter gravement atteinte à la vie de la Nation", a fait valoir Manuel Valls. "Ce n’est pas une manière de distinguer, mais au contraire d’affirmer ce qui nous unit." Le sujet, qui fait débat dans la majorité comme dans l'opposition, est à l'origine du départ du gouvernement de la ministre de la Justice, Christiane Taubira. L'article premier du texte, qui constitutionnalise l'état d'urgence, provoque moins de remous. "Inscrire l’état d’urgence dans la norme suprême, c’est subordonner son application au droit", a dit Manuel Valls. "C’est la définition même, essentielle, de l’Etat de droit." L'examen du projet de loi se poursuivra lundi et mardi, l'Assemblée devant se prononcer mercredi par un vote solennel sur l'ensemble du texte. Le Sénat, où la droite est majoritaire, l'examinera en séance publique vers la mi-mars. Le texte, qui devra être au final approuvé dans les mêmes termes par les deux assemblées, fera sans doute l'objet de navettes. Son adoption finale requiert une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés du Parlement réuni en Congrès. L'objectif d'une révision est réalisable si la droite et le centre acceptent massivement de voter et si les socialistes parviennent à contenir le nombre de voix dissidentes. (Edité par Yves Clarisse)