De Valeurs Actuelles à la note de Zemmour... Quand Macron nourrit le récit d'un intérêt à la droite dure

Emmanuel Macron photographié au téléphone lors d'un sommet du G7en juillet 2017 (illustration) (Photo: Picture alliance via Getty Images)
Emmanuel Macron photographié au téléphone lors d'un sommet du G7en juillet 2017 (illustration) (Photo: Picture alliance via Getty Images)

POLITIQUE - “Au fait, votre plan, faites-moi une note”. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron aurait demandé à Éric Zemmour de lui faire part de ses idées au sujet de l’immigration. La scène est racontée par le polémiste dans son livre La France n’a pas dit son dernier mot, dont Le Figaro Magazine publie ce vendredi 10 septembre les bonnes feuilles. Le 1er mai 2020 précisément, quand le chef de l’État a passé un coup de fil au chroniqueur de CNews après l’agression dont il avait fait l’objet dans les rues de Paris.

“Je lui dis qu’il y a toujours des individus bons ou méchants, peu importe, mais je crois aux inconscients collectifs qui nous dirigent, et l’inconscient collectif de ces populations musulmanes est de coloniser l’ancien colonisateur, de dominer l’infidèle au nom d’Allah”, écrit Éric Zemmour, qui assure que le président de la République a validé ce diagnostic, mais que “s’il parle comme (lui), on va à la guerre civile”. C’est à l’issue de cet échange, dont la narration donne la part belle à son auteur, qu’Emmanuel Macron aurait manifesté son intérêt pour le “plan” imaginé par Éric Zemmour sur le sujet de l’immigration.

L’Élysée botte en touche

Cette discussion a-t-elle vraiment eu lieu? Et dans les termes rapportés aujourd’hui par le candidat putatif? “Aucun commentaire”, botte en touche ce vendredi l’Élysée, refusant d’apporter un démenti ferme à la version d’Éric Zemmour.

Il faut dire que, depuis plusieurs années, le chef de l’État entretient une relation particulière avec la droite de la droite. Dès 2016, alors candidat pressenti, il s’était affiché aux côtés de Philippe de Villiers au Puy du Fou. Une sortie au cours de laquelle celui qui était encore ministre de François Hollande, accompagné du futur directeur adjoint de la rédaction de Valeurs actuelles, affirmait qu’il n’était “pas socialiste”.

Le début d’une connexion étrange entre le chantre du “progressisme” et toute une frange de la droite conservatrice. Le 30 octobre 2019, Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, racontait comment l’hebdomadaire controversé avait obtenu ses entrées à l’Élysée, lui permettant de publier un entretien fleuve du chef de l’État. “Quelques jours plus tôt, la présidence de la République nous ouvrait ses portes à l’invitation de Michel Houellebecq, qui y recevait la Légion d’honneur des mains d’Emmanuel Macron”, écrivait-il, précisant plus loin que le locataire de l’Élysée avait accordé trente minutes d’entretien informel aux journalistes de “VA”.

Et d’ajouter: “Alors que nous suggérions au président qu’il n’était jamais si convaincant qu’en se débarrassant de son logiciel libéral libertaire pour venir sur ‘notre terrain, celui de Valeurs actuelles’ il acquiesça : ‘C’est celui que je préfère’”.

La “triangulation” vers la droite dure

S’en était donc suivie une très longue interview d’Emmanuel Macron accordée au magazine préféré de la droite dure, et au cours de laquelle il avait livré un discours très droitier et décomplexé sur l’identité nationale. Ce qui avait désarçonné plusieurs de ses proches, Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée et Philippe Grangeon, son conseiller spécial de l’époque, ignorant tout de cet entretien jusqu’à sa publication.

Mais si une forme de malaise avait parcouru la macronie, plusieurs ministres ont eu le droit (au prix de polémiques) à leur entretien à Valeurs actuelles, publication perçue aujourd’hui comme l’un des principaux leviers médiatiques de la candidature d’Éric Zemmour.

Au-delà de ces relations avec un journal publiant des tribunes aux relents séditieux, l’exécutif a plusieurs fois nourri le récit d’un intérêt particulier accordé à la droite la plus dure, voire à l’extrême droite. Au mois de décembre 2020, Le Monde révélait que le conseiller mémoire d’Emmanuel Macron, Bruno Roger-Petit, avait déjeuné avec Marion Maréchal un mois plut tôt.

L’idée prêtée à ces clins d’œil appuyés à la droite de la droite, la “triangulation”. Une stratégie politique importée des États-Unis consistant à occuper le terrain de l’adversaire pour mieux l’affaiblir. Un jeu qui n’est pas sans risque, puisque la manœuvre peut se retourner contre celui qui y a recours. Ce qui pourrait être le cas avec l’anecdote rapportée par Éric Zemmour, à la condition que la polémique prenne.

Candidat à la primaire écologiste, le maire de Grenoble Éric Piolle a en tout cas saisi la balle au bond sur Twitter: “Emmanuel Macron a tant dérivé qu’il rend plausibles ces propos d’Éric Zemmour, délinquant récidiviste xénophobe et raciste. L’Élysee doit démentir par les mots, mais surtout par les actes. Que cessent ce flou et cette dérive sur les valeurs”.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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