Valérie Pécresse multiplie les clins d'œil à l'extrême droite pour se relancer

POLITIQUE - Au début du mois de novembre, Valérie Pécresse disait “détester” l’expression “grand remplacement”, “parce qu’elle donne le sentiment que tout est foutu”. À la fin de ce même mois, alors qu’Éric Ciotti faisait sauter les digues sémantiques qui séparent la droite et l’extrême droite elle consentait à se l’approprier. Ce dimanche 13 février au Zénith de Paris, la candidate LR à la présidence de la République a confirmé ce virage, jusqu’à reprendre dans un meeting au mot près -comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article- une formule utilisée par Éric Zemmour pour lancer le sien à Villepinte début décembre.

“Il n’y a pas de fatalité, ni au grand déclassement, ni au grand remplacement”, a lancé la présidente de la région Île-de-France, soit le recyclage du discours et des obsessions du fondateur de Reconquête!, dont elle reprend le diagnostic d’une France ”à la croisée des chemins”.

Accusée par l’ancien polémiste d’être une centriste proche d’Emmanuel Macron, Valérie Pécresse a visiblement eu à cœur de placer le curseur à la droite de la droite, quitte à aller piocher dans les pires références de l’extrême droite. “Je revendique l’assimilation. Je veux faire des Français de cœur et pas des Français de papier”, a-t-elle lancé plus loin.

L’extrême droite crie au plagiat

Français de papier? “Une grande constante du discours nationaliste”, expliquait à L’Obs en 2018 l’historien Gilles Richard, auteur de Histoire des droites en France (Ed. Perrin). Une “expression maurassienne” qui “renvoie à une identité purement administrative”, théorisée comme l’antonyme de l’expression “Français de souche”, soit la suite logique de l’utilisation de la théorie racialiste du “grand remplacement”.

Valérie Pécresse a ensuite évoqué la laïcité, en utilisant encore des mots que l’on pourrait retrouver dans les bouches de Marine Le Pen ou Éric Zemmour. “Je préviens, je n’accepterai jamais de soumettre la République: Marianne n’est pas une femme voilée”, a lancé la candidate LR, avant de fustiger plus loin “l’immigration débordante” dont la France serait victime. Un champ lexical qui, sans surprise, n’est pas passé inaperçu.

La candidate LR Valérie Pecresse photographiée lors de son meeting au Zénith de Paris ce dimanche 13 février.  (Photo: via Associated Press)
La candidate LR Valérie Pecresse photographiée lors de son meeting au Zénith de Paris ce dimanche 13 février. (Photo: via Associated Press)

D’abord à l’extrême droite, où on ironise sur l’air du plagiat. “Pécresse qui imite Zemmour. Cramé”, a commenté Stanislas Rigault, président de la Génération Z, quand l’élu RN Philippe Vardon raille “le désespoir” dans lequel se trouverait la candidate LR pour reprendre le concept du “grand remplacement”. De l’autre côté de son espace politique, la macronie a également dénoncé ces clins d’œil. “Courir derrière l’extrême droite en surjouant un texte ridiculement martial. Le fond, la forme : rien ne va”, a cinglé Ambroise Mejean, président des Jeunes avec Macron, qui pointe la “triste déchéance de la droite républicaine”.

Même tonalité du côté du député LREM Roland Lescure. “Aujourd’hui avec Valérie Pécresse au Zénith, les digues finissent de s’écrouler. Moi je préfère le grand dépassement”, a renchéri le porte-parole du parti présidentiel. “Quand on pense qu’en 2007 Nicolas Sarkozy se présentait comme un ‘petit Français de sang mêlé’”, a observé de son côté François de Rugy. À gauche, Anne Hidalgo a elle estimé que Valérie Pécresse avait franchi “un Rubicon de plus”.

Une prestation contrastée

Au-delà de ces références hasardeuses, Valérie Pécresse, chantre d’une “Nouvelle France”, n’a pas vraiment donné l’impression de maîtriser l’exercice. Particulièrement attendue, sa prestation qui, a duré une heure quinze, manquait cruellement de souffle, tant la candidate semblait jouer une partition qui n’était pas écrite pour elle.

Sur les réseaux sociaux, les commentaires assassins fusaient, bien que sur place le public répondait plutôt bien, comme l’a constaté notre reporter. “C’est le début d’une bascule”, veut croire Xavier Bertrand qui, sur BFMTV, affichait sa satisfaction après ce premier grand discours. Côté positif, Valérie Pécresse peut aussi se targuer d’avoir réuni plus de 6000 personnes et d’avoir fourni de belles images, ce qui est l’un des objectifs d’un meeting.

En amont de cet exercice, Ohtman Nasrou, porte-parole de la candidate, promettait du “souffle, de l’incarnation, de la ferveur, de l’espoir et sa vision pour la France”. Or, ce que l’on retient ce dimanche, c’est un sérieux déficit de charisme et des références que l’on pensait étrangères à la droite républicaine.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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