Vaccination obligatoire: pas de licenciement pour les salariés récalcitrants, le gouvernement inquiet

Pour le ministère du Travail, cette suspension du contrat de travail risque d'entraîner une moindre protection des salariés. (photo d'illustration) (Photo: Michel GILE via Getty Images)
Pour le ministère du Travail, cette suspension du contrat de travail risque d'entraîner une moindre protection des salariés. (photo d'illustration) (Photo: Michel GILE via Getty Images)

POLITIQUE - À marche forcée, le projet de loi sanitaire a été adopté par le Parlement dans la nuit du dimanche 25 au lundi 26 juillet. Mais des modifications importantes ont été faites juste avant le vote, dont l’une inquiète particulièrement le gouvernement. Initialement, le texte proposé par le gouvernement prévoyait un licenciement au bout de deux mois des salariés qui refuseraient la vaccination obligatoire.

Ce point, décrié par les syndicats et âprement discuté dans les deux chambres a finalement été supprimé en commission mixte paritaire. “Le Covid est temporaire, les licenciements sont définitifs”, a fait valoir durant les débats le rapporteur Les Républicains (LR) au Sénat Philippe Bas, pour justifier l’abandon du licenciement pour les réfractaires à la mesure.

Trouver une autre affectation si possible

Dans le projet de loi - qui doit encore obtenir l’aval du Conseil constitutionnel -, il n’y aura donc pas de licenciement pour les personnes qui ne respecteraient pas l’obligation vaccinale du fait de leur profession, mais une suspension du salaire.

La mesure concerne les personnels de santé désormais obligés de se faire vacciner pour exercer leur profession, mais aussi les employés des établissements recevant du public qui refuseraient de se plier aux consignes du pass sanitaire comme les théâtres, cinémas ou à partir du mois d’août les bars et les restaurants.

Plusieurs cas de figure ont été envisagés. Si un aucun accord n’était trouvé entre le salarié et son employeur et que la suspension devait perdurer plus de trois jours, le salarié sera convoqué pour examiner “les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation” même temporaire sur un poste non soumis à l’obligation vaccinale.

Si ces affectations ne sont pas possibles, d’autres options de rupture de contrat sont possibles, selon la nature de ce dernier. Par exemple pour un CDD, une rupture de contrat peut être envisagée, ce qui permettrait au salarié en cas d’accord entre les deux parties de toucher les indemnités de licenciement.

Un “no man’s land” juridique

Ce compromis devrait en partie soulager les syndicats, qui avaient dénoncé un “dérapage” après le vote de l’Assemblée nationale sur un possible licenciement. La suspension de salaire devrait cependant rester un point de crispation, comme l’attestent les inquiétudes exprimées par le ministère du Travail mais aussi chez certains représentants patronaux.

C’est le cas de François Asselin, le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, qui a fait part ce lundi matin sur franceinfo de ses craintes sur “une sorte de no man’s land” sans “sécurité économique ni sécurité juridique” pour les salariés comme leurs patrons.

“Je ne sais pas trop comment tout cela peut se gérer concrètement parce que vous avez d’un côté un salarié qui refuse de se faire vacciner, qui ne peut pas venir travailler et un employeur qui ne peut pas le faire travailler, une rémunération qui est suspendue et un employeur qui va se retrouver dans un vide organisationnel parce que pourra-t-il remplacer cette personne?”, a résumé François Asselin. Parmi ses interrogations, la question du remplacement du salarié sanctionné, mais aussi celle de son indemnisation.

Quels revenus pour les salariés sanctionnés?

Le salarié “n’a pas droit au chômage, il n’a pas le droit de travailler ailleurs”, s’inquiète le président de la Confédération des PME. Et de souligner un des avantages du licenciement, désormais impossible: “En attendant, le mérite du licenciement permet que chacun puisse être d’une part, couvert par ses indemnités auprès des Assedic pour le salarié et puis pour l’employeur, pouvoir repartir au niveau de l’organisation et recruter quelqu’un.”

Au gouvernement aussi, ce point en particulier inquiète et avait été souligné par les ministres pour défendre cette mesure très critiquée. “On ne protège pas le salarié en le suspendant sine die pendant des mois. Mieux vaut lui permettre de toucher une indemnité de licenciement et lui ouvrir des droits à l’assurance-chômage”, avait confié une source gouvernementale aux journal Les Échos lors des discussions en commission.

Le ministère du Travail a lui estimé que la suppression du motif de licenciement va entraîner une moindre protection des salariés car après la suspension du contrat de travail, une procédure disciplinaire pourra être engagée sans le délai de deux mois initialement prévu et sans la garantie d’indemnités de licenciement pour le salarié.

Malgré tout, le Premier ministre Jean Castex, le ministre de la Santé, Olivier Véran se sont félicité du vote de la loi. “Force est de constater qu’il y a un consensus large autour des annonces du président de la République et des mesures qui sont portées par le gouvernement”, s’est réjoui de son côté le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.

Interrogé sur les suspensions de salaire pour les personnels concernés par l’obligation de vaccination dans la loi, il s’est félicité de la “progressivité” des sanctions prévues dans le texte.

Il a donné rendez-vous aux salariés “plusieurs semaines avant le 15 novembre”, date de fin prévue de l’état d’urgence sanitaire et donc du dispositif du pass. “J’ai la conviction que, face à l’urgence de la situation, les salariés seront responsables en se faisant vacciner ou en respectant le pass sanitaire”, a-t-il estimé.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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