Le vaccin muqueux, cet espoir du spray nasal anti-Covid

Photo d'illustration, une femme utilise un spray nasal le 5 février 2019 à Berlin, en Allemagne.  (Photo: Florian Gaertner via Getty Images)
Photo d'illustration, une femme utilise un spray nasal le 5 février 2019 à Berlin, en Allemagne. (Photo: Florian Gaertner via Getty Images)

COVID - C’est une piste sérieuse. La pandémie de Covid-19 a vu la technologie des vaccins à ARN messager (ceux des laboratoires Pfizer et Moderna, notamment) se développer à une allure folle, jusqu’alors jamais approuvé pour l’homme. Cependant, il existe un autre procédé vaccinal encore non-exploité dans la lutte contre l’épidémie: celui du vaccin muqueux.

Directeur de recherche émérite à l’Inserm, Cecil Czerkinsky en est un spécialiste. Interviewé par LeHuffPost, l’immunologiste explique que “ce sont des formulations que l’on administre principalement par le nez ou par voie orale”, souvent sous forme de spray, c’est-à-dire sans piqure.

Ce vaccin a pour fonction de renforcer l’immunité des muqueuses, notamment celle des voies aériennes supérieures (nasale et buccale), et idéalement pulmonaires. Pour comprendre l’intérêt de cette technologie de vaccin, il faut commencer par discerner le système immunitaire des muqueuses du système immunitaire général, aussi appelé systémique. “Il existe un système muqueux autonome, qui fonctionne pratiquement de manière indépendante du système immunitaire systémique, c’est-à-dire celui du sang ou des ganglions par exemple. Ce dernier étant celui qui est stimulé par les vaccins injectables” résume le chercheur.

Pour le moment, peu de vaccins muqueux existent; ils sont essentiellement destinés à prévenir des infections intestinales. Parmi les plus connus, on retrouve le vaccin contre la poliomyélite, la fièvre typhoïde ou encore le choléra. Plusieurs équipes travaillent actuellement dans le monde sur leur développement contre le Covid-19.

Verrouiller la porte d’entrée

Si le vaccin muqueux est intéressant pour lutter contre la pandémie du SARS-COV 2, c’est parce qu’il pourrait empêcher la contamination. Car comme on l’a dit plus haut, ces vaccins renforcent l’immunité des muqueuses au niveau de la bouche et du nez. Or, ce sont justement les principales portes d’entrée du virus dans notre organisme. “Le mécanisme des vaccins injectables opère dans la muqueuse pulmonaire, mais peu voire pas du tout dans la muqueuse buccale ou du nasopharynx”, pointe le directeur de recherche de l’Inserm.

Les vaccins injectables actuellement utilisés empêchent la réplication du virus dans les muqueuses profondes, et endiguent donc les formes graves de la maladie. En revanche, cette immunité apportée ne se concentre pas au niveau de la bouche et du nez. “C’est la raison pour laquelle l’infection de beaucoup de vaccinés ne touche que les muqueuses aériennes supérieures”, ajoute-t-il. C’est ce défaut d’immunité qui explique par exemple la contamination ou la perte de goût chez des personnes vaccinées.

Les vaccins muqueux en cours de développement visent à développer l’immunité nasale, buccale et idéalement pulmonaire. Quoiqu’il en soit, il viendrait donc s’ajouter aux vaccins injectables déjà présents, pour renforcer l’immunité de l’individu.

Complémentarité vaccinale

Combiner les deux vaccins permettrait d’avoir à la fois une réponse systémique forte, et une réponse muqueuse forte. “Il faudrait commencer par un vaccin muqueux, puis procéder à un rappel parentéral, par injection, mais pas l’inverse” prévient le vaccinologue.

En clair, l’idée est d’éduquer le système muqueux dans un premier temps, et ensuite faire des rappels systémiques de façon à avoir les deux types de réponses. Depuis quelques années, des combinaisons de vaccins muqueux et injectables sont étudiées, et c’est ce que recommande de faire Cecil Czerkinsky pour le Covid-19.

“C’est ce qui va accélérer les choses, la combinaison. Développer un vaccin muqueux par rapport à un vaccin parentéral déjà existant, et il y a l’embarras du choix, permettra d’aller plus vite. Si une étude démontre la protection supérieure d’un individu muqueux-parentéral par rapport à un individu parentéral seul, cela fera avancer les choses”.

Une étude israélienne publiée en août 2021 va aussi dans ce sens. Celle-ci montre qu’une personne ayant été infectée, et donc immunisée par voie muqueuse, puis vaccinée par injection, produira à la fois une réponse systémique et muqueuse très forte. Alors qu’une personne ayant reçu deux doses sans ayant contracté le virus ne fera qu’une immunité systémique.

Le vaccin muqueux pourrait donc apporter une partie de l’immunité procurée par l’infection. De plus, celui-ci serait susceptible d’être efficace contre les variants, car les anticorps muqueux ont un spectre de reconnaissance plus large que celui des systémiques. Mais cela reste une hypothèse, encore faut-il le démontrer.

Un vaccin muqueux en 2022 ?

Une équipe de Yale travaille justement sur ce champ d’exploration. Et elle n’est pas la seule: en Suède, aux États-Unis, en France, en Angleterre ou encore en Chine des scientifiques tentent de développer ce vaccin. Parmi les 130 vaccins candidats listés par l’OMS, il y a une petite dizaine de vaccins muqueux.

“C’est pas mal de monde, mais rien comparé à ceux qui travaillent sur le vaccin injectable”, commente Cecil Czerkinsky. Surtout que ces candidats doivent répondre à une problématique de formulation, bien plus compliquée que pour celle des vaccins injectables. “Le challenge est de faire passer le vaccin muqueux, qui est sous forme de spray ou d’émulsion, à travers les barrières naturelles de la muqueuse. Celles-ci sont extrêmement puissantes, et heureusement pour nous d’ailleurs”.

À l’inverse, les vaccins injectables ne sont pas confrontés à ce genre d’environnement défavorable, puisque l’aiguille permet de forcer les barrières de l’épiderme et du derme. Une fois la bonne formulation trouvée, il faut que les essais cliniques atteignent la phase 3, puis vient la question de la production.

“Il faut qu’elle soit capable de répondre à la demande. On parle de centaines de millions de doses. De plus, il faut en général des doses plus élevées que celles pour les vaccins injectables, et donc une capacité de production plus importante. On en est loin”, met en garde le spécialiste. ″Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas y arriver rapidement étant donné que tout s’est passé rapidement. Mais compte tenu de l’état des recherches actuelles, je ne pense pas qu’un vaccin muqueux puisse voir le jour au cours de l’année 2022. En revanche, dans 2 ans, cela est possible”, espère Cecil Czerkinsky.

En parallèle, d’autres pistes sont également explorées, notamment celle des pilules anti-Covid. Mi-décembre, Pfizer confirmait d’ailleurs des résultats très positifs de son traitement antiviral. Selon les essais cliniques, le Paxlovid réduit de près de 90% les hospitalisations et décès chez les personnes à risque, lorsque la prise est faite dans les premiers jours après l’apparition des symptômes.

À voir également sur Le HuffPost: Va-t-on multiplier les rappels contre le Covid-19 ?

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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