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Vaccin contre le Covid-19 : les grands oubliés de la liste des patients prioritaires

L’objectif du gouvernement est de vacciner l'ensemble des malades chroniques à risque d’ici l’été.

Certaines personnes sont atteintes de pathologies susceptibles de provoquer des formes graves de Covid-19 mais ne font toujours pas partie des personnes éligibles à la vaccination.

Ce n’est un secret pour personne, les personnes atteintes d’obésité ont plus de chance de développer des formes graves du Covid-19. Pourtant, bien qu’il y ait des risques avérés d’hospitalisation et de décès, les obèses ne font pas partie des personnes pouvant bénéficier d’une “vaccination en très haute priorité”.

En plus des résidents en Ehpad, des personnes âgées de plus de 75 ans et des personnels de santé de plus de 50 ans, la vaccination est désormais ouverte à environ 800 000 personnes pour lesquelles les risques liés au Covid-19 “apparaissent majeurs”. Une décision prise par le ministère de la Santé, qui a suivi les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS).

VIDÉO : Covid-19 : en immersion dans un Ehpad pour suivre une campagne de vaccination

15 millions de personnes oubliées ?

Ces quelques centaines de milliers de personnes font partie de 7 catégories différentes, à savoir les patients atteints de cancer et de maladies hématologiques malignes en cours de traitement par chimiothérapie (environ 100 000 personnes), ceux avec des maladies rénales chroniques sévères dont les patients dialysés (environ 250 000 personnes), ceux ayant eu une transplantation d’organes solides (environ 80 000 personnes), ceux ayant eu une transplantation par allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (environ 5000 personnes), ceux étant atteints de polypathologies chroniques (100 000 à 200 000 personnes), de maladies rares (100 000 à 120 000 personnes) et ceux atteints de trisomie 21 (65 000 personnes).

D’après l’avis de la Haute Autorité de Santé du 27 novembre 2020, plusieurs autres comorbidités sont identifiées comme à risque avéré d’hospitalisation ou de décès parmi lesquelles l’obésité, la bronchite chronique et l’insuffisance respiratoire, l’hypertension artérielle compliquée, l’insuffisance cardiaque, et le diabète de type 1 et 2. Pourtant, ces cinq pathologies qui toucheraient plus de 15 millions de personnes dans le pays ne font que partie de la 3e étape de la campagne vaccinale malgré son récent élargissement.

40% des morts étaient en obésité

Une différence de traitement qui fait enrager la ligue contre l’obésité, les personnes souffrant de ces pathologies ne pourront en effet pas bénéficier du vaccin avant le printemps. Pourtant, près d’une personne sur deux placée en réanimation souffre d’obésité et 40% des décès concernent les personnes obèses.

Interrogée par l’Humanité, la directrice et cofondatrice de la Ligue contre l’obésité Agnès Maurin ne comprend pas cette stratégie et veut que le gouvernement agisse au plus vite. “Lorsque nous sommes sortis du premier confinement, les personnes en situation d’obésité faisaient partie des vulnérables et avaient donc accès à l’isolement et au certificat médical. Arrive la rentrée de septembre et l’État décide de remettre tout le monde au travail. Et là, les personnes obèses disparaissent. [...] Il faut très rapidement, pour des questions d’efficacité et d’éthique, vacciner les personnes souffrant d’obésité.”

Le gouvernement n’a pas donné d’explications

Environ 8 millions de Français soit 17% de la population adulte souffre d’obésité, alors que les personnes prioritaires ne représentent qu’environ 800 000 personnes. Agnès Maurin juge la campagne vaccinale pas efficace et fait la comparaison avec la pénurie de masque du début de la pandémie : “Quand il n’y avait pas de masques, on nous a expliqué que ce n’était pas nécessaire d’en porter. Aujourd’hui on n’a pas de vaccins et plutôt que de l’avouer, on nous dit que la phase 3, c’est suffisant pour les personnes obèses”. Malgré les collectifs créés ou les courriers écrits au Premier ministre et au ministre de la Santé, la Ligue contre l’obésité n’a toujours pas reçu d’explications.

Dans un communiqué publié mercredi 20 janvier, l’Association française d’étude et de recherche sur l’obésité (Afero) “invite les médecins généralistes à prescrire la vaccination chez ces personnes”. Si les personnes en situation d’obésité ne font pas partie de la phase 1 de campagne de vaccinations, la HAS indique que les médecins peuvent “proposer la vaccination aux personnes pour lesquelles les risques liés à la Covid-19 apparaissent majeurs.”

Les diabétiques pas explicitement dans cette liste

Il en est de même pour les personnes diabétiques. Elles sont environ 4,5 millions en France et ne font pourtant pas partie de la liste des malades prioritaires pour la vaccination, alors qu’un tiers des personnes décédées du Covid-19 était diabétique. Si elles ne sont pas dans la liste de manière explicites, elles le sont de manière implicite. Les personnes atteintes de polypathologies font partie de cette liste et le diabète s’ajoute très souvent à une autre pathologie comme l’obésité ou l’insuffisance cardiaque, rénale ou pulmonaire. Ces patients polypathologiques ont donc le droit de se faire vacciner en priorité, mais pas ceux “uniquement” atteints de diabète. La Fédération française des diabétiques invite tous les patients atteints de diabète à échanger avec leur médecin pour savoir s’il peuvent recevoir le vaccin rapidement.

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Les spécialistes des maladies pulmonaires se sont également indignés de l’absence des insuffisants respiratoires dans cette liste des personnes prioritaires. Dr Madiha Ellaffi, pneumologue libérale indique au Monde avoir “halluciné”. “Ça tombe sous le sens”, affirme-t-elle au quotidien. L’insuffisance respiratoire chronique est en effet la phase terminale de nombreuses maladies pulmonaires. La décision peut donc surprendre, le poumon étant un organe directement touché par la maladie pulmonaire qu’est le coronavirus.

“Nous avons préféré une liste imparfaite à pas de liste”

L’association Santé respiratoire France, avait pesté par le biais d’un communiqué le 16 janvier contre cette campagne de vaccination en espérant une réaction rapide de l’État. Près de 10 jours après sa publication, l’association n’a toujours reçu aucune réponse. “Faut-il être atteint de deux maladies graves pour accéder rapidement au vaccin ? Que faut-il comprendre de cette vaccination à deux vitesses ?”, s’est insurgé Frédéric Le Guillou, président de l’association.

Le président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale Alain Fischer, habitué à répondre aux critiques sur la stratégie vaccinale, reconnaît dans les colonnes du Monde que la liste des personnes à très haute priorité n’est pas parfaite et qu’elle reste modifiable. “La liste des personnes à très haute priorité, que nous avons définie à partir des recommandations de la HAS et en interrogeant des spécialistes des différents domaines, est critiquable, mais nous avons préféré une liste imparfaite à pas de liste”.

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