Les vacances d'été trop longues selon Emmanuel Macron: qu'en pensent les spécialistes?

Les vacances d'été sont-elles trop longues? En visite à Marseille, Emmanuel Macron a annoncé ce mardi vouloir "rouvrir le débat" du temps scolaire, "une des grandes hypocrisies françaises", remettant notamment en cause la coupure estivale jugée trop longue et, ainsi, reproductrice d'inégalités entre les élèves.

"Vos collégiens, quand est-ce qu'ils ont commencé leurs vacances? On a des enfants qui ont deux mois et demi parfois de vacances, presque trois pour certains", a lancé le chef de l'État.

"Quand on a des vacances de trois mois, l'inégalité revient", a-t-il insisté.

Perte des apprentissages

Ce débat ne date pas d'hier. Lors de la campagne de l'élection présidentielle de 2022, le candidat Yannick Jadot proposait de raccourcir les vacances d'été. Vincent Peillon, ministre de l'Éducation nationale de 2012 à 2014, prônait lui une pause de six semaines entre juillet et août.

L'objectif: éviter qu'en septembre, les élèves "reviennent avec les compétences qu'ils avaient un mois à un mois et demi avant l'arrêt des cours". "On détruit en quelque sorte de l'apprentissage collectif", a déploré Emmanuel Macron.

"Les vacances sont particulièrement négatives pour les enfants défavorisés", affirme sur BFMTV Georges Fotinos, pédagogue et spécialiste des rythmes scolaires.

Dans une note d'information publiée le 17 avril, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) explique que, selon une étude menée auprès d'élèves entrés en CP en 2020, l'année scolaire permet de réduire les écarts de performance entre les élèves du secteur public et ceux issus d'établissement d'éducation prioritaire, mais qu'ils augmentent à nouveau après les vacances d'été.

"Oui, un élève sollicité tout l'été va plus réactiver ses apprentissages durant les vacances", ajoute Guislaine David, co-secrétaire générale du SNUipp-FSU. En outre, "au retour des vacances, comme les adultes, on n'est pas très efficaces et il faut se remettre dans le rythme", complète-t-elle.

Toutefois, selon elle, raccourcir les vacances d'été n'est pas la solution: "Nous, ce qu'on demande c'est plus de moyens dans ces écoles à la rentrée et tout au long de l'année pour, par exemple, faire des petits groupes pour réactiver ces connaissances".

De son côté, interrogée par BFMTV.com, la chronobiologiste Claire Leconte estime que les familles qui partent en juin le font pour avoir des billets moins chers "donc elles le feront de toute manière".

Le droit aux vacances pour tous

"Emmanuel Macron ne voit que le scolaire pur en disant qu'il y a des inégalités mais on apprend d'autres choses l'été", abonde la spécialiste. Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a regretté ce mardi que "beaucoup trop d'enfants dans notre pays, hélas, ne partent pas en vacances et donc peuvent être assignés à la maison pendant plusieurs mois au cours desquels ils n'apprennent pas".

Le président a, selon Olivier Véran, rappelé "la philosophie, qui est que la France est un pays dans lequel les vacances estivales sont parmi les plus longues et parfois vous avez des enfants qui sont déscolarisés pendant deux mois et demi".

Pour Claire Leconte, il est incorrect d'affirmer que les enfants de milieux défavorisés ne font rien durant les "grandes vacances". "Les familles en profitent pour faire découvrir un tas de choses", explique-t-elle, citant l'exemple d'un père qui montre à ses enfants comment monter et démonter un moteur de moto. Selon elle, une longue pause est également bénéfique pour les familles séparées ou encore "pour apprendre de nouvelles choses auprès des grands-parents".

"La question c'est de se demander pourquoi ces enfants ne partent pas en vacances: il faut agir pour le droit aux vacances pour tous", soutient Guislaine David. Parallèlement, Claire Leconte déplore la raréfaction de structures comme les Maisons des jeunes et de la culture (MJC).

"On nous a présenté le plan canicule il y a dix jours... Avec le réchauffement climatique, on ne peut pas accueillir les élèves en juillet et août dans ce bâti, l'année dernière on a eu une canicule en juin et on a renvoyé les élèves chez eux", ajoute Guislaine David.

Changer le calendrier de l'année

Pour les syndicats et les spécialistes, le sujet mérite aussi d'être abordé de manière plus large, en repensant le temps scolaire sur l'ensemble de l'année. "On est le seul pays au monde à avoir deux semaines de vacances autant de fois dans l'année, en plus des ponts", déclare Claire Leconte.

Pour la chronobiologiste, ce sont ces ruptures régulières qui perturbent le rythme biologique des enfants. "On a des tas d'horloges biologiques qui doivent être synchronisées et certaines mettent deux semaines à se régler", poursuit-elle.

Guislaine David affirme, elle, ne pas observer de grosses difficultés ou de décalages au retour des petites vacances, même si "tout dépend de comment ils ont vécus les vacances", et plaide pour la mise en œuvre du rythme suivant: sept semaines de cours pour deux semaines de vacances.

"Ils se remettent bien dans le bain et sont reposés", raconte-t-elle.

Dans le calendrier actuel, "c'est le tourisme, notamment avec la saison de ski, qui dicte les vacances", regrette-t-elle, déplorant le "tunnel après les vacances de printemps où les enfants sont épuisés et où il fait chaud". Un constat partagé par Claire Leconte qui estime que les différentes zones A/B/C créent trop de ruptures et de déséquilibres dans les rythmes scolaires.

Le permanent débat de la semaine de cinq jours

"La conséquence de cela, c'est qu'on bourre les semaines de nos enfants, qui arrivent crevés tous les soirs (...). Comment font les Allemands pour avoir du sport dans l’après-midi? Parce qu’ils ont un temps scolaire qui est réparti différemment dans l’année", a défendu Emmanuel Macron depuis Marseille.

"Le président dit que les journées sont denses mais c'est parce qu'on est à quatre jours par semaine, ça n'a rien à voir avec les vacances d'été", lance Claire Leconte qui défend un "étalage des apprentissages".

"En France, on a 140 jours pour faire le programme quand c'est 180 à 200 dans les autres pays", continue-t-elle.

"C'est assez insensé de tenir ces propos quand pendant six ans on a insisté sur le fait de supprimer la semaine de cinq jours", abonde dans le même sens Guislaine David, mentionnant le décret de Jean-Michel Blanquer permettant ce retour.

Même son de cloche du côté de Georges Fotinos qui, s'il juge l'idée de réduire les vacances estivales bonne, estime qu'elle doit s'accompagner d'un rééquilibrage des "rythme de la journée et de la semaine".

Pour cela, la chronobiologiste Claire Leconte prône des matinées plus longues où l'on ne fait pas que des mathématiques et du français mais "une alternance de séquences pédagogiques" comme des activités de créativité, de motricité et des matières dites fondamentales puis des après-midi allégées. En ce qui concerne les établissements du secondaire, elle propose également de revoir les calendriers en faisant, entre autres, commencer les adolescents plus tard.

Article original publié sur BFMTV.com