"Elle va devoir s'expliquer": La France insoumise tétanisée par l'affaire Sophia Chikirou

"Elle va devoir s'expliquer": La France insoumise tétanisée par l'affaire Sophia Chikirou

Complément d'enquête fait monter la pression dans les rangs de La France insoumise. À quelques heures de la diffusion d'un numéro consacré à Sophia Chikirou, ce jeudi soir sur France 2, personne ne se bat vraiment pour défendre la députée insoumise de Paris, notamment mise en cause pour sa gestion du Média, cette webtélé proche de La France insoumise.

"On est entre la banquise et l'Etna en éruption", résume un insoumis qui compte auprès de BFMTV.com. Comprendre: l'ambiance oscille en interne entre tétanie et envie d'en découdre.

"On a tous le droit à l'erreur"

Les équipes de Complément d'enquête affirment notamment s'être procurées des extraits de discussions internes au Média. "Aujourd'hui on envoie qui à l'hôpital?", aurait écrit Sophia Chikirou au lendemain du malaise d'un salarié, transporté aux urgences.

Après la rédaction d'un communiqué de certains journalistes, échaudés par la diffusion d'une fausse information par le site, la directrice de l'époque aurait qualifié de "tafioles de merde" les personnels concernés.

De quoi sérieusement embarrasser dans les rangs du mouvement, déjà bien secoué ces derniers mois par les soubresauts de l'affaire Adrien Quatennens.

Mathilde Panot, la présidente des députés LFI, a reconnu "la connotation homophobe" des termes utilisés par Sophia Chikirou sur Sud radio vendredi tout en précisant qu'il "n'y avait jamais eu de propos homophobe" de la part de sa collègue depuis son arrivée à l'Assemblée en juin 2022.

"Qu'est-ce que ce que vous voulez que je vous dise? Les injures homophobes doivent évidemment être bannies. Mais on a tous le droit à l'erreur et on ne va pas guillotiner Sophia Chikirou", explique de son côté l'insoumise Caroline Mécary, très engagée pour la défense des droits des personnes LGBT.

"Parler d'elle, c'est s'attaquer à du très gros"

L'avocate, candidate LFI à Paris pour les législatives en juin 2022, est la seule personne que nous avons jointe qui a accepté de nous parler publiquement.

"Il faut bien comprendre que parler de Sophia Chikirou, c'est s'attaquer à du très gros. Donc non, je ne vais pas répondre", rétorque un député LFI, pourtant habituellement bavard avec les journalistes.

Et pour cause: Sophia Chikirou est l'une des plus proches de Jean-Luc Mélenchon, dont elle a supervisé la communication. En 2018, Mediapart a affirmé que les deux entretenaient, "de longue date", "une relation extra-professionnelle", après que des policiers ont trouvé au petit matin la conseillère au domicile du fondateur de La France insoumise, lors d'une perquisition liée aux comptes de campagne de 2017 - les intéressés ont à plusieurs reprises démenti former un "couple".

Quelques mois plus tôt, Sophia Chikirou avait déjà fait les titres de la presse, attaquée pour sa gestion contestée du Média - sur laquelle Complément d'enquête revient dans son émission. La cofondatrice de la webtélé avait publiquement affiché ses divergences avec plusieurs des cadres de la rédaction, avant d'être poussée vers la sortie.

Après son départ, le titre avait déposé plainte contre X pour vol. Son bureau avait été vidé pendant les congés de la fermeture de l'entreprise pendant l'été, sans trace d'effraction. Après son départ, Aude Lancelin, sa successeure, avait dénoncé la "violence" de son management.

"On ne découvre pas que ça s'est mal passé quand elle était au Média donc on ne tombe pas de l'armoire", reconnaît d'ailleurs le collaborateur d'un parlementaire.

La question des comptes de campagne

Cette enquête de France 2 tombe cependant mal: la patronne officieuse de la communication du mouvement devrait par ailleurs être prochainement entendue par la justice en vue d’une éventuelle mise en examen pour "escroquerie aggravée", d'après des informations du Monde.

En cause, la facturation par sa société Médiascop de prestations avec des marges bien plus élevées que la moyenne des autres prestataires lors de la campagne de 2017. L'avocate de Sophia Chikirou avait dénoncé à l'époque "une opération politique", assurant qu'il n'y avait "rien dans le dossier" judiciaire. "Il n'y a pas eu de surfacturation", s'était encore défendue la communicante sur BFMTV.

En 2022, Sophia Chikirou a été beaucoup plus pointilleuse en prenant le soin d'établir en amont une grille tarifaire précise pour chaque prestation. Elle a également fourni la liste de tous ses salariés et de ses prestataires. De quoi permettre à ces prestations d'être validées par la commission des comptes de campagne.

"On a une chance", espère un parlementaire insoumis. "Les histoires de comptes de campagne sont toujours très difficiles à suivre et ça passe rarement le mur du son."

"L'ambiance très lourde" de la réunion de groupe

Plusieurs députés ont bien une crainte: que l'émission Complément d'enquête ne révèle des témoignages d'anciens collaborateurs parlementaires. Car Sophia Chikirou ne semble d'ailleurs guère tendre avec ses collègues.

Sur la boucle Telegram qui réunit tous les élus du groupe à l'Assemblée nationale, un élu écrit en septembre s'inquiéter de la "chasse aux ennemis de l'intérieur". Réponse de Sophia Chikirou: "tu as raison. Je suis comme Aymeric (Caron NDLR), anti-chasse. Je préfère attendre sur le bord de la rivière de voir passer les corps", d'après des informations du Monde et de L'Express.

Lors de la réunion de groupe de ce mardi, à "l'ambiance très lourde" dixit un participant, Sophia Chikirou n'était pas présente. Mais preuve que La France insoumise semble désireuse de crever l'abcès: la présidente des députés insoumis Mathilde Panot a proposé d'échanger après la diffusion de Complément d'enquête.

"Elle va devoir s'expliquer sur certains de ses propos", tance un député insoumis.

De quoi faire peut-être redescendre la pression? Les partisans de Sophia Chikirou ne manquent pas non plus de souligner "ses qualités".

"Elle a des défauts, je ne vais pas vous dire le contraire. Mais l'hologramme de Mélenchon en 2017, c'est elle. Elle sait ce qui marche, elle travaille beaucoup. C'est une grande chance qu'elle soit à nos côtés", avance ainsi un cadre du mouvement.

"On ne me fera pas baisser la tête"

Manuel Bompard a dénoncé de son côté "une cabale médiatique" et "une volonté de nuire", ce jeudi sur Public Sénat. Mathilde Panot a regretté lors d'une conférence de presse mardi une situation "profondément sexiste" qui consiste dans le fait "de s'attaquer régulièrement" aux femmes politiques. Jean-Luc Mélenchon n'a pas souhaité, lui, répondre aux questions de Complément d'enquête et n'a pas officiellement réagi.

Ce jeudi, la députée LFI Danielle Simonnet a déclaré à l'AFP attendre des "explications" de sa collègue. "Je ne suis pas naïve, je sais que depuis les perquisitions (au siège de La France insoumise en 2018, NDLR) il y a aussi une volonté d'attaque de la FI et de toutes celles et ceux qui l'incarnent. Néanmoins des explications de Sophia et du mouvement doivent être données à l'ensemble des militants passés et présents qui sont impliqués dans ces campagnes et dans le mouvement", a affirmé Danielle Simonnet.

"Je ne baisserai pas les yeux. Pour me faire baisser les yeux, il faudra me les crever. C'est mon caractère, c'est ma façon d'être. On ne me fera pas baisser la tête", avait lancé sur BFMTV Sophia Chikirou en 2018.

Article original publié sur BFMTV.com