De "véritables caméléons": un couple d'escroc s'installe dans un château et saccage les lieux
Particulier vend château à Emancé (Yvelines). Prix d'achat: 11 millions d'euros. Une vente d'un bien de prestige qui a su attirer son public d'escrocs. Un couple va être jugé pour avoir escroqué le propriétaire de cette demeure d'exception après avoir fait croire à son acquisition, s'être installé entre les murs, revendu le mobilier ancien et enfin saccagé les lieux.
En mars dernier, l'homme et sa compagne pénètrent au sein de cette bâtisse construite sous Louis XIV, avoisinant les 1.000 m², selon l'annonce. "La beauté de ses boiseries parfaitement préservées saura vous faire ressentir l'excellence", prédit l'agent immobilier, tandis que le "Château de Sauvage" est un lieu historiquement connu dans la région, notamment en raison de son parc et des nombreux flamants roses et kangourou qui s'y trouvent. Le couple a convaincu la propriétaire qu'il se portait acquéreur pour la somme de 11 millions d'euros.
Un accord est trouvé même si aucun acte officiel n'est signé et aucun transfert d'argent effectué. Le couple s'installe. Visiblement peu charmé par les boiseries d'époque, le couple saccage la demeure en réalisant des travaux d'aménagement. Les boiseries sont décollées et les tentures, là aussi d'une grande valeur, sont arrachées, précise les enquêteurs confirmant les informations d'Actu78.
"Véritables caméléons"
Quelques semaines plus tard, la propriétaire du château s'inquiète de ne toujours pas voir son argent arriver. Elle se rend sur les lieux. Le couple a disparu, prenant le soin entre temps de vendre auprès d'antiquaires le mobilier époque Louis XV qui était resté dans la demeure. À chaque fois, ils évoquaient un héritage. Montant du préjudice: près de 500.000 euros.
Une enquête est alors ouverte, confiée à la section de recherches de Versailles et à la brigade territoriale autonome de Rambouillet. Les enquêteurs remontent rapidement le fil. Ils font le rapprochement avec une affaire similaire. Quelques semaines avant de jeter leur dévolu sur le château d'Emancé, les deux escrocs avaient déjà occupé un manoir à Monfort-l'Aumaury (Yvelines) entre novembre 2022 et avril 2023. Là encore, ils avaient fait une fausse promesse d'achat. Le propriétaire s'en était rendu compte et avait fait changer les serrures.
"Souvent, les escrocs sont solitaires, là, la particularité, c'est qu'il s'agit d'un couple", relève un proche de l'enquête. Les montants engagés, la valeur des biens laissent perplexe. Comment des propriétaires ont-ils laissé ce couple s'installer, sans signer de documents officiels? "Il y a une très forte capacité de conviction des auteurs, poursuit cette source. Il s'agit de véritables caméléons, ils se fondent dans le milieu qu'ils abordent. Ils arrivent à convaincre les propriétaires mais aussi à manipuler d'autres personnes pour faire croire à leur solidité financière."
"Il s'agit d'escrocs d'une capacité exceptionnelle, ils connaissent les codes, ils s'adaptent à leurs interlocuteurs."
Tourneurs de Stromae
Le couple ne s'est pas essayé qu'à l'appropriation de demeures exceptionnelles. Les deux sont déjà connus de la justice. Dans leur parcours, ils se sont faits passer pour les tourneurs de Stromae ou Robbie Williams, organisaient la tenue de concert, encaissaient les avances avant de disparaître dans la nature. Ils se sont aussi attaqués au rachat de club de football. Ils ont d'ailleurs été jugés à Lille en leur absence et devront comparaître à nouveau dans les prochaines semaines.
Grâce aux témoignages notamment des antiquaires à qui les meubles du château ont été vendus et à certains documents d'identité fournis par le couple, les gendarmes les identifient. Reste encore à les localiser tandis qu'ils vivent la plupart du temps sous alias.
Ils sont finalement retrouvés leur trace sur l'île d'Oléron (Charente-Maritime) où ils occupaient là encore un logement sans payer le loyer. Une belle demeure estimée à 1,6 million d'euros, prétextant encore une fois un futur achat. Ils ont été interpellés mardi et jugé jeudi. Ils ont demandé un délai pour préparer leur défense dans l'attente d'une nouvelle audience prévue le 29 février.
Le couple a été placé en détention provisoire.