Ursula der Leyen annonce le retrait du texte sur les pesticides
La Commission européenne renonce à son ambition sur les pesticides. La présidente de l'institution a reconnu mardi devant le Parlement européen que le texte (SUR) rencontrait des difficultés politiques dans les différentes institutions.
"La Commission a proposé la directive SUR dans le but louable de réduire les risques liés aux produits phytopharmaceutiques chimiques", explique Ursula von der Leyen.
"Mais la proposition SUR est devenue un symbole de polarisation. Elle a été rejetée par le Parlement européen. Il n'y a plus de progrès au Conseil non plus. C'est pourquoi je proposerai au Collège de retirer cette proposition".
Le règlement a été présenté en juin 2022 avec l'objectif ambitieux de réduire de moitié l'utilisation des pesticides d'ici 2030. Il prévoyait également l'interdiction totale de ces produits dans les zones sensibles, telles que les espaces verts urbains et les sites Natura 2000, et encourageait l'adoption d'alternatives à faible risque.
La directive s'est avérée source de discorde dès sa création et a fait l'objet d'un lobbying important de la part du secteur agricole. Le texte a été rejeté l’année dernière par le Parlement européen. Il est aussi bloqué dans les négociations politiques entre les États membres, ce qui indique le faible souhait des gouvernements d’avancer.
Cette annonce d’Ursula von der Leyen intervient alors que la droite s'oppose de plus en plus au Pacte vert européen et que les agriculteurs manifestent à travers le continent contre les réglementations environnementales jugées trop strictes.
Lors de son discours mardi matin, Ursula von der Leyen a longuement parlé des agriculteurs. La responsable allemande souligne qu'ils "méritent d'être écoutés" alors qu'ils sont confrontés aux conséquences du changement climatique, de l'invasion de l'Ukraine par la Russie et de la crise du coût de la vie.
Elle insiste toutefois sur le fait que le secteur, qui représente plus de 10 % des émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne et qui est largement subventionné par le budget de l'UE, doit évoluer vers un "modèle de production plus durable".
"Ce n'est que si nos agriculteurs peuvent vivre de la terre qu'ils investiront dans l'avenir. Et ce n'est que si nous atteignons ensemble nos objectifs en matière de climat et d'environnement que les agriculteurs pourront continuer à gagner leur vie", assure la présidente de la Commission.
"Nos agriculteurs en sont parfaitement conscients. Nous devrions leur faire davantage confiance".
Le retrait du texte n'est pas immédiat et doit encore être ratifié par le Collège des commissaires. Le processus devrait être finalisé dans les semaines à venir.
Toutefois, Ursula von der Leyen souligne que la question de la réglementation des pesticides resterait à l'ordre du jour et pourrait faire l'objet d'une "nouvelle proposition beaucoup plus mûre". Mais en raison du calendrier serré imposé par les prochaines élections européennes, le nouveau projet sera du ressort de la prochaine Commission.
"Bien sûr, le sujet reste d'actualité et pour avancer, il faut plus de dialogue et une approche différente", estime la présidente de la Commission.
La mort législative de ce règlement porte un coup à la stratégie "De la ferme à la table", un projet en plusieurs parties dévoilé en mai 2020 dont l’objectif est de rendre les systèmes alimentaires européens plus sains et plus durables.
Sous la pression des conservateurs et des lobbyistes, la stratégie a été progressivement édulcorée et réduite au strict minimum. La Commission a décidé l’année dernière de renoncer à la loi sur le système alimentaire durable, qui était censée former l'épine dorsale du projet. Au lieu de cela, l'exécutif a opté pour le lancement d'un dialogue stratégique sur l'agriculture dans le but de réduire la polarisation croissante du secteur.
Le Copa-Cogeca, le principal lobby des agriculteurs à Bruxelles, a salué l'abandon de la loi sur les pesticides. L’organisation estime que "cette proposition issue de la logique "De la ferme à la table" était mal conçue, mal évaluée, mal financée et offrait peu d'alternatives aux agriculteurs". Elle appelle à des solutions "réalistes".
Le Premier ministre belge, Alexander De Croo, qui avait précédemment demandé une "pause" dans la réglementation environnementale, s'est également félicité de ce retrait. Il est "crucial que nous gardions nos agriculteurs à bord pour un avenir agricole plus durable, dans le cadre de notre détermination à réaliser le Pacte vert", explique le dirigeant belge sur les médias sociaux.
Les organisations de défense de l'environnement dénoncent cette décision. Ils soulignent que les effets dangereux des pesticides devaient être traités par le biais d'objectifs de réduction juridiquement contraignants.
"Traduction = les agriculteurs continueront d'être empoisonnés et la nature dégradée, tandis que l'industrie des pesticides engrange des profits massifs", s’emporte les Amis de la Terre. "Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser la question des pesticides sans solution. Nous avons besoin de vraies solutions maintenant pour aider les agriculteurs à abandonner les produits chimiques toxiques".
D'autres textes législatifs liés à l'agriculture qui étaient sur la table n'ont finalement pas été présentés par l'équipe d’Ursula von der Leyen, comme de nouvelles règles sur le bien-être des animaux d'élevage et un étiquetage nutritionnel des aliments à l'échelle de l'UE.