Une téléréalité qui sauve la vie de condamnés à mort

Droit de vie et de mort, instrumentalisation de la vie des femmes, mariage temporaire et crime conjugal sont au coeur du bouleversant et édifiant Yalda, drame du réalisateur iranien Massoud Makhshi.

Pyramide films
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Une émission de télé qui supprime une peine de mort ? Le concept est incroyable mais vrai… en Iran ! Il a d’ailleurs inspiré le film Yalda, La nuit du pardon sorti ce 7 octobre sur les écrans.

Massoud Makhshi y met en scène Maryam, jeune femme de 22 ans condamnée à mort après avoir accidentellement tué son mari de 65 ans. Mona, la fille du défunt, pourrait la sauver si elle lui accordait son pardon en direct, devant des millions de spectateurs, dans une émission de téléréalité.

Si l’histoire de cette jeune femme est fictive, le show télé lui est bien réel. Son fond de commerce ? Le droit au pardon. En cas de mort non intentionnelle ou accidentelle, la famille d’une victime peut en effet gracier l’accusé. Le « criminel » fera de la prison et paiera le prix du sang (une somme due à la famille du disparu) mais échappera à la mort. Centrée sur cette loi, l’émission en question retraçait le parcours des accusés et les confrontait aux familles des victimes, comme c’est le cas pour l’héroïne du film.

« Il est bien sûr condamnable que la télévision fasse du droit de vie ou de mort un spectacle et c’est ce que je voulais dénoncer dans mon film. Mais je ne critique pas l’intention qui consiste à vouloir promouvoir la culture du pardon plutôt que la loi du talion, du « oeil pour oeil, dent pour dent ». Ce droit au pardon est une exception iranienne. Aucun autre pays musulman ne n’accorde. » nous explique le réalisateur qui, ici, l’applique à la rivalité entre deux femmes : la fille aînée du défunt et la très jeune épouse de son père.

« La misogynie est très présente entre les femmes en Iran. C’est le fruit d’une éducation traditionnelle : elles sont élevées dans le respect des aînées et surtout de l’homme qui, dans leur esprit, vaut mieux qu’elle-même. Il existe par ailleurs beaucoup de jalousies entre les classes et quand les familles des mariés sont issues de différentes catégories sociales, les plus aisés veulent protéger leurs biens à tout prix. C’est une réalité qui existe dans de nombreux pays mais, dans une société aussi patriarcale que la nôtre où les femmes doivent se battre pour garder le peu qu’elles obtiennent, ces sentiments sont décuplés. »

A plus forte raison dans le cas de mariages temporaires. Créé dans un climat de guerre pour aider les veuves et les orphelins à survivre, ils permettent aux Iraniens déjà mariés de contracter une union avec une autre femme. Les termes du contrat définiront la durée dudit mariage mais aussi la compensation que touchera la femme (une somme d’argent, une maison…). Dans Yalda, la jeune condamnée avait contracté une union de ce type. « Cette pratique est toujours légale aujourd’hui mais elle est considérée comme amorale. D’après la loi, une jeune fille vierge ne peut d’ailleurs pas accepter un mariage temporaire, sauf si son père donne son accord. Or, certains parents, comma la mère de mon héroïne, sont prêts à tout pour grimper dans l’échelle sociale. »

Ces cas sont néanmoins de plus en plus rares en Iran, les femmes étant prêtes à faire valoir leurs droits, qu’elles connaissent de mieux en mieux : « L’image que l’on présente des femmes iraniennes dans vos sociétés n’est pas raccord avec la réalité d’aujourd’hui. Elle est figée et stéréotypée. Je ne dis en aucun cas que tout est rose mais il y a de plus en plus de femmes qui travaillent, qui font des études supérieures, qui s’émancipent. De nombreuses associations qui luttent pour l’égalité les aident dans leurs démarches. »

D’autres ONG, elles, oeuvrent pour la culture du pardon en Iran : elles récoltent de l’argent pour acquitter le prix du sang quand les condamnés n’ont pas les moyens et tentent de convaincre les familles de victimes de sauver la vie des inculpés en cas de meurtre non prémédité. Les revenus générés par la sortie du film en Iran seront d’ailleurs reversés à l’une de ces organisations.

Le pouvoir de Yalda ne s’arrête pas là : à la suite de sa sortie en Iran, et devant la pression des élites militant pour l’arrêt de l’instrumentalisation de la vie d’autrui, l’émission de téléréalité a été supprimée malgré ses audiences spectaculaires. Le droit au pardon existe toujours… mais hors caméra.