Le troisième mandat du président du Burundi jugé constitutionnel

La Cour constitutionnelle du Burundi a approuvé mardi la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, ce qui a provoqué une vive réaction des opposants qui manifestent depuis deux semaines contre une décision qu'ils jugent contraire à la Loi fondamentale. /Photo prise le 4 mai 2015/REUTERS/Jean Pierre Aimé Harerimana

par Patrick Nduwimana BUJUMBURA (Reuters) - La Cour constitutionnelle du Burundi a approuvé mardi la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, ce qui a provoqué une vive réaction des opposants qui manifestent depuis deux semaines contre une décision qu'ils jugent contraire à la Loi fondamentale et à l'accord d'Arusha. "Le renouvellement du mandat présidentiel pour cinq ans au suffrage universel direct n'est pas contraire à la constitution du Burundi", a déclaré la Cour dans un communiqué. "Nous n'accepterons jamais", ont aussitôt réagi plusieurs dizaines d'opposants rassemblés à Bujumbura. La police a tiré en l'air et fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser un groupe d'environ 75 manifestants qui s'approchait de l'ambassade des Etats-Unis, a déclaré une responsable de la mission américaine, Becca Archer Kepper. L'ambassade n'a pas requis d'assistance et le rassemblement a été dispersé en une dizaine de minutes. Le gouvernement a appelé les opposants à accepter la décision de la Cour constitutionnelle et à mettre fin à leurs manifestations "illégales". Dans sa décision de sept pages, la Cour constitutionnelle précise que le premier mandat de Nkurunziza, lors de son accession à la présidence en 2005, ne doit pas être pris en compte car il ne résultait pas d'un scrutin populaire mais d'un vote du Parlement. "Nous n'avons rien à faire de cette décision de la Cour constitutionnelle car nous savons très bien que cette Cour est manipulée", a déclaré Jean Minani, dirigeant du parti d'opposition Frodebu-Nyakuri. Il a ajouté que les manifestations se poursuivraient jusqu'à ce que le président renonce à son projet. Pierre Nkurunziza a été désigné le 25 avril par le parti au pouvoir comme candidat à la présidentielle du 26 juin, ce qui a déclenché la plus grave crise politique au Burundi depuis la fin de la guerre civile entre Hutus (majoritaires) et Tutsis (minoritaires) il y a dix ans. MOUVEMENT "INSURRECTIONNEL" Des organisations représentant la société civile ont dénombré au moins 12 morts dans les heurts entre policiers et opposants en deux semaines. La police fait état de six morts, dont trois membres des forces de sécurité. Les opposants dénoncent une décision contraire à la Constitution et à l'accord de paix d'Arusha qui a mis fin à la guerre civile en 2005. Pierre Nkurunziza qualifie d'"insurrectionnel" l'actuel mouvement de contestation. Le vice-président Prosper Banzombanza a exhorté mardi les opposants à mettre fin à leur "mouvement illégal". "Pour donner une chance au dialogue et au calme, le gouvernement est prêt à relâcher toutes les personnes arrêtées durant les manifestations", a-t-il dit lors d'une rencontre avec des diplomates et des représentants de la société civile et de l'opposition. Un rassemblement s'est tenu devant l'hôtel de Bujumbura où avait lieu cette rencontre. "Nous avons accepté le premier mandat, nous avons accepté le deuxième mandat, nous n'accepterons jamais le troisième !", scandaient les manifestants. Craignant des violences, 24.000 Burundais ont fui ces derniers mois au Rwanda voisin, pays à la composition ethnique similaire et théâtre du génocide de 1994 contre les Tutsis et Hutus modérés. Sept mille autres se sont réfugiés en République démocratique du Congo, selon l'agence des Nations unies pour les Réfugiés (HCR). "Tout en respectant la souveraineté du Burundi dans la gestion de ses affaires intérieures, le Rwanda considère la sécurité d'une population innocente comme une responsabilité régionale et internationale", a déclaré la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, dans un communiqué. "Nous appelons les dirigeants du Burundi à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour ramener le calme dans le pays." (Avec Clément Uwiringiyimana à Kigali; Jean-Stéphane Brosse et Guy Kerivel pour le service français)