La planète tente de se remobiliser pour le climat sans Trump

par Marine Pennetier, Simon Carraud et Arthur Connan

ILE SEGUIN, Hauts-de-Seine (Reuters) - Des acteurs publics, philanthropes et entreprises venus de toute la planète ont pris mardi, près de Paris, une série d'engagements destinés à donner un nouveau coup de fouet à la lutte contre le réchauffement climatique, deux ans jour pour jour après l'adoption dans l'euphorie de l'accord de Paris.

"On est en train de perdre la bataille", a alerté le président français, Emmanuel Macron, lors de ce sommet international, le "One planet summit", organisé sous son impulsion en collaboration avec l'Onu et la Banque mondiale.

Au total, les participants à cette rencontre qui relève en partie du symbole ont présenté près de trente projets, regroupés sous 12 chapitres, allant de la création d'un observatoire spatial sur le climat à la promesse formulée par 34 pays de plafonner les émissions de CO2 liées aux transports maritimes.

La Fondation de Bill Gates, la Commission européenne et plusieurs pays comme la France ont pour leur part annoncé la mise à disposition d'une enveloppe totale de 650 millions d'euros servant à aider le monde agricole à s'adapter aux bouleversements climatiques.

La plupart de projets qui ont été dévoilés ou précisés mardi sur l'île Seguin (Hauts-de-Seine) ont pour ambition de dégager de nouveaux financements, les fonds faisant aujourd'hui cruellement défaut pour la mise en oeuvre des objectifs contenus dans l'accord voté en 2015 dans le cadre de la COP 21.

"LES FONDS SONT LÀ"

Le monde s'était alors fixé comme objectif de contenir le réchauffement sous la limite de 2°C en 2100 par rapport à l'ère préindustrielle.

Depuis lors, les rapports alarmistes des experts, qui prévoient un emballement du climat si rien n'est fait dans les toutes prochaines années, ont douché les espoirs. Entre autres signaux d'alerte, 15.000 scientifiques internationaux ont prévenu mi-novembre qu'il serait "bientôt trop tard".

Pour Emmanuel Macron, "on ne va pas assez vite et c'est ça le drame".

"Les fonds sont là, ce qui fait défaut ce sont les incitations adéquates pour que les investisseurs mettent leur argent là où nous en avons besoin", a souligné le Premier ministre des Fidji, des îles particulièrement exposées aux effets dévastateurs du réchauffement, Frank Bainimarama.

En juin dernier, Donald Trump a rendu la tâche plus ardue encore en annonçant le retrait des Etats-Unis, l'un des plus gros pollueurs de la planète, de l'accord de Paris - une décision à laquelle Emmanuel Macron a répondu en se mettant en scène sous le slogan "Make our planet great again" et en convoquant le "One planet summit".

PAS MERKEL, POUTINE, NI XI JINPING

Plus de cinquante chefs d'Etat et de gouvernement ont répondu à l'invitation - mais pas l'allemande Angela Merkel, le russe Vladimir Poutine ni le chinois Xi Jinping - et sont arrivés sur l'île Seguin en péniche.

Plusieurs dizaines de personnalités et chefs d'entreprises ont également fait le déplacement, parmi lesquels les acteurs Marion Cotillard et Sean Penn, les PDG de Danone, Engie, Veolia, Tesla ou encore Total.

Des représentants américains (régions, entreprises, maires, fondations) ont également fait entendre leurs voix, à défaut de celle de Washington.

En conclusion du sommet, Emmanuel Macron a annoncé qu'un site internet serait lancé d'ici à la fin de l'année pour assurer le suivi des engagements.

Il a également exprimé le souhait que des "réunions de chantier" du même type soient organisées chaque année, à Paris ou ailleurs dans le monde, pour encourager de nouvelles initiatives et faire le bilan des réussites et des échecs.

"Nous avons commencé aujourd'hui à rattraper un peu de terrain (...) parce que des décisions concrètes sont prises, parce que nous avons été poussés à prendre ces engagements", s'est-il félicité lors du discours final.

"Le train du climat n’attend pas. Embarquement immédiat. Il n’y a pas de plan B", a déclaré à la tribune le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.

Greenpeace a déploré un "grand show" et des "mots creux qui ne feront pas la différence". "L'Europe joue bien en deçà de son potentiel en termes de changement climatique", a déclaré le directeur de l'organisation pour l'Europe, Jorgo Riss.

Le Réseau action climat regrette pour sa part des annonces "nombreuses et peu lisibles", un "réchauffé" d'anciens engagements.

Le sommet de l'île Seguin devait également permettre de rassurer les pays les plus vulnérables, qui estiment que les 100 milliards de dollars par an censés leur être versés à l'horizon 2020 par les pays développés tardent à se concrétiser.

Le commissaire européen au Climat et à l'Energie Miguel Arias Cañete leur a indirectement répondu mardi matin en annonçant que l'UE allait investir plus de 9 milliards d'euros dans le développement durable chez ses voisins européens et en Afrique.

Plusieurs autres annonces ont également accompagné ce sommet d'étape. Des groupes français se sont notamment engagés lundi à participer à la lutte contre le dérèglement du climat.

Des banquiers et des assureurs, comme BNP Paribas et Crédit agricole, ont pris des engagements vis-à-vis des pouvoir publics en faveur des investissements dans les énergies renouvelables et la transition énergétique.

Plus de 200 investisseurs institutionnels, représentant quelque 26.000 milliards de dollars sous gestion (22.000 milliards d'euros), ont annoncé qu'ils allaient accentuer la pression sur les cent entreprises émettant le plus de gaz à effet de serre.

(Edité par Sophie Louet)