Un mauvais procès

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Un djihadiste malien est jugé pour avoir détruit les mausolées de Tombouctou. Encore une fois la CPI passe à côté de sa mission.

Il y a un principe auquel la justice ne peut déroger. Une règle que n’importe qui comprend et expérimente dès l’enfance et qui pousse à se révolter lorsqu’elle est bafouée. Il n’y a de justice que si elle est la même pour tous. Sinon ? Sinon ce n’est que la loi du plus fort déguisée en parodie de justice.

À la Haye, la CPI, la Cour pénale internationale, est en train de donner un nouvel exemple de sa fragilité et d’alimenter le ressentiment entre Nord et Sud, Occident et pays pauvres.

Ahmed Al-Faqi Al-Mahdi, dit « Abou Tourab », est jugé pour avoir ordonné et participé à la destruction des mausolées de Tombouctou et de la porte de la mosquée Sidi Yahia, classée au Patrimoine mondial de l’humanité. Il était chef de la brigade des mœurs d’Ansar Dine, les djihadistes qui, aux côtés d’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique), ont maintenu le nord du Mali sous la terreur de la charia. L’acte résume la barbarie de cette idéologie. Son mépris du sacré de l’autre. Mais est-on pour autant dans le registre de l’innommable ? Au même moment, les autres chefs militaires d’Ansar dine ont décapité, exécuté trancher des mains. Ils ne sont pas dans le box des accusés.

Il est vrai qu’aucune justice n’est parfaite. Mais au moins l’appareil judiciaire dans son fonctionnement se doit de l’être.

Et on en est tellement loin avec la CPI.

Sur les crimes jugés déjà. La CPI est venue pérenniser une justice internationale qui s’était constituée autour de tribunaux spéciaux. Le génocide du Rwanda, le nettoyage ethnique dans l’ex-Yougoslavie faisaient suite au Tribunal de Nuremberg sur les crimes nazis. Des crimes de masse, des projets d’extermination systématiques et massifs. Modernes comme l’avait démontré Hannah Arendt.

Depuis, la CPI a ouvert des accusations contre des hommes ou des dictateurs que l’on a du mal à mettre sur un pied d’égalité dans l’horreur, et encore moins à relier aux trois exemples précédents. Peut-on comparer le fils Kadhafi, le président soudanais Béchir et Laurent Gbagbo ? Plus encore. Peut-on juger l’ancien président ivoirien et ne pas juger son opposant Alassane Ouattara, dont les milices aussi se sont livrées à des exactions ?

On touche au fond du problème : l’équité de cette CPI

On l’a dit : la justice ne vaut que si elle est la même pour tous. Or ce n’est pas le cas. La CPI tend à devenir la justice des vainqueurs, des puissants. Les ressortissants américains ne seront jamais inquiétés. Même après les tortures à la prison d’Abou Ghraib, les États-Unis n’ont pas ratifié la charte de Rome. Les Russes non plus, pas plus que les Israéliens, ou les Chinois. Trois membres permanents sur cinq du Conseil de sécurité des Nations unies qui ne jouent pas le jeu… À quoi bon ?

Cette justice finit par être celle des blancs, des riches, des occidentaux, des puissants. À chaque fois le message envoyé est dramatique. Non pas que ceux qui se retrouvent dans le box ne méritent pas d’y être. Mais la certitude de savoir que d’autres n’y seront jamais rend ces procès contre-productifs.

Tel est le drame de la CPI. Le malheur de cette institution tient sans doute à l’ambition démesurée de sa mission. Une justice s’applique si l’appareil de justice a l’autorité sur ses justiciables. Et personne n’a autorité sur tous les êtres humains de la planète.