Ultradroite: six ex-membres du groupuscule OAS jugés pour des projets d'attaques terroristes

Le tribunal judiciaire de Paris, en septembre 2020. - GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Le tribunal judiciaire de Paris, en septembre 2020. - GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Depuis 2017, six enquêtes liées à des projets d'attentats d'ultradroite ont été ouvertes par le parquet antiterroriste. Le dossier OAS est le premier à être jugé. Six hommes de ce groupuscule d'extrême droite sont jugés à partir de ce mardi au tribunal de Paris pour des projets d'attaques terroristes. Leurs cibles envisagées: des personnes musulmanes, arabes, noires... ou encore Christophe Castaner, alors porte-parole du gouvernement macroniste, et Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France insoumise.

Tous jugés pour "association de malfaiteurs terroriste", les six prévenus, âgés aujourd'hui de 23 à 29 ans, encourent jusqu'à dix ans de prison. Trois autres, mineurs au moment des faits, seront jugés en octobre par le tribunal pour enfants. Selon l'accusation, ce groupuscule, fondé en novembre 2016 et démantelé en octobre 2017, entendait "préparer physiquement, psychologiquement et matériellement des combattants (...) dans les perspectives d'une guerre raciale imminente".

Avec en devise, une haine revendiquée. "Rebeux, blacks, racailles, migrants, dealers, djihadistes, toi aussi tu rêves de tous les tuer? Nous en avons fait le voeu REJOINS-NOUS" (sic), était-il écrit sur des tracts numérisés trouvés pendant l'enquête.

"Quel degré de préparation?"

Leur chef présumé, Logan Nisin, a 20 ans quand il fonde secrètement l'Organisation des armées sociales (OAS) dont l'acronyme rappelle délibérément celui de l'Organisation armée secrète, responsable d'une campagne sanglante contre l'indépendance de l'Algérie dans les années 1960.

Logan Nisin est alors chaudronnier, vit à Vitrolles, dans les Bouches-du-Rhône, chez sa mère et est déjà fiché S pour son appartenance à divers mouvements d'ultradroite, dont le Mouvement Populaire pour une Nouvelle Aurore (MPNA) ou l'organisation royaliste Action française. Il est interpellé en juin 2017, les autorités s'inquiétant de son activité sur Facebook où il anime un groupe de "supporters" d'Anders Behring Breivik, auteur néonazi de la tuerie qui a fait 77 morts en Norvège en 2011.

Lors de perquisitions, les enquêteurs découvrent des documents révélant l'existence de l'OAS et plusieurs armes. "Le but n'est pas de tuer pour tuer, l'objectif concret de l'organisation est d'enclencher une remigration basée sur la terreur. Leur faire peur pour qu'un maximum s'en aille pacifiquement puis les 10% restant c'est bon, c'est acceptable", justifiera le jeune homme. L'OAS avait des statuts, un organigramme, des manuels de fonctionnement, projetait d'extorquer des fonds à des entreprises pour acheter des armes...

"C'est là que le procès va être intéressant. Quel était degré réel de préparation? Les menaces, il y en avait. Pourra-t-on déterminer à J-combien ou à H-combien Logan Nisin et ses disciples étaient vraiment de la commission d'un acte terroriste?", estime auprès de BFMTV Jean-Yves Camus, politologue, directeur de l'Observatoire des radicalités politiques.

"Il a changé"

Lors de ce procès de deux semaines, Jean-Luc Mélenchon, qui souhaite se constituer partie civile, sera entendu. En garde à vue, Logan Nisin avait indiqué que le groupe avait envisagé de s'attaquer au chef de file des Insoumis pendant la présidentielle, avant d'abandonner l'idée. Selon les avocats du leader politique, la découverte de ces projets d'attentats a constitué "un basculement" dans la vie politique de ce dernier.

"Jean-Luc Mélenchon veut faire entendre la gravité de ces groupuscules d'extrême droite qui ne se sont pas que des menaces théoriques ou de pensée, mais qui sont aussi des organismes d'action", précise Me Mathieu Davy.

Lors de l'enquête, Logan Nisin avait aussi dit avoir "réellement" planifié de s'en prendre à Christophe Castaner et envisagé d'attaquer un marché aux puces, des kebabs ou encore le chantier de la grande mosquée de Vitrolles. Il avait toutefois aussi affirmé ne jamais avoir eu les moyens de ses ambitions. Il avait également expliqué avoir réfléchi et jugé que les risques de finir en prison étaient trop élevés. Après son placement en détention provisoire, Logan Nisin a d'abord incité ses partenaires, pas encore arrêtés, à détruire des preuves et à continuer l'activité de l'OAS.

Quatre ans plus tard, son discours est tout autre, selon son avocat.

"Il a changé, il a compris que ses idées c'était n'importe quoi. C'était du fait de son passé, de son histoire, de son ressenti. Il a compris aujourd'hui en parlant à l'autre que l'étranger n'est pas si mauvais que ça", insiste Me Eric Bourlion.

Article original publié sur BFMTV.com