Ultra-trail du Mont Blanc : ce retraité de 72 ans va courir plus de quatre marathons en moins de 48 heures
SPORT EXTRÊME - Plus de quatre marathons en moins de 46 heures et 30 minutes. Cet exploit hallucinant n’effraie pas Christian Bourbon, retraité de 72 ans, qui s’est élancé ce vendredi 1er septembre epu après 18h dans l’épreuve phare de l’utra-trail du Mont Blanc, l’une des courses les plus difficiles au monde. Sillonnant sur plus de 173 km les communes françaises, italiennes et suisses du Pays du Mont-Blanc, et dépassant les 9 000 m de dénivelé positif (D + ), l’UTMB est une compétition pour les champions.
L’Espagnol Kilyan Jornet, 35 ans, a été le premier à passer sous la barre des 20 heures et a établi le record de l’épreuve à 19 heures, 49 minutes. Chez les femmes, l’Américaine de 28 ans Courtney Dauwalter est la traileuse à battre, victorieuse de l’UTMB en 2019 et 2021 en seulement 22 heures, 30 minutes. Bien évidemment, Christian Bourbon ne se compare pas à ces extraterrestres du trail et fera le tour du plus haut sommet d’Europe en deux fois plus de temps. Mais il a aussi plus de deux fois leur âge.
Celui a qui grandi dans la vallée d’Azergues, dans le département du Rhône, n’était pas destiné à se lancer dans une telle aventure. Pratiquement toute sa vie, il a travaillé dans la bureautique, en charge du service après-vente d’imprimantes, de photocopieurs, et de télécopieurs.
Première compétition à 50 ans
S’il a toujours été sportif, pratiquant du basket pendant 20 ans dans un club régional, la course à pied n’est arrivée sérieusement dans sa vie qu’au bout d’un demi-siècle d’existence. « J’avais 48 ans quand je me suis réellement mis à courir, raconte le sénior de l’UTMB au HuffPost. C’était principalement de la course sur route au départ, et après je me suis lancé sur des sentiers dans les bois, en campagne, et dans les montagnes de chez nous. » Le massif du Vercors et le parc naturel de la Chartreuse font partie de ses terrains favoris pour s’exercer et se sentir « en communion avec la nature ».
« Le matin, quand vous partez à l’aube et que vous croisez un chevreuil ou même un lapin, ça égaie la journée. La course m’a beaucoup aidé dans ma vie professionnelle pour décompresser », poursuit Christian Bourbon, avant de renchérir que ce sport n’est pas seulement un « effort physique, mais une libération pour le corps ».
Dans un petit carnet, le retraité renseigne toutes ses compétitions, depuis la toute première, en 2000. « C’était le Tour du lac de Paladru, dans le pays voironnais. C’était un 15 km sur route, mais à l’époque ça me semblait déjà beaucoup. Petit à petit les distances et les dénivelés ont augmenté, je me suis pris au jeu de faire de plus en plus long... » 20 ans plus tard, 15 km, pour lui, ce n’est qu’un échauffement.
Atteindre le « graal » des traileurs
Christian Bourbon a aussi la mentalité d’un bon traileur : humble, conscient de ses limites, et prompt à aider ses concurrents sur le parcours. « Je me souviens d’une course en 2021, les 100 km du Beaujolais. J’arrivais à un ravitaillement, et un jeune voulait s’arrêter. Je l’ai pris à part, et je lui ai dit : ’regarde l’âge que j’ai, j’ai plus de 70 ans, et je continue, il faut continuer’. Et il est reparti », relate le septuagénaire. Cette rencontre furtive a été le début d’un échange épistolaire entre les deux hommes que 40 ans séparent.
La solidarité et l’entraide sont indispensables sur le terrain le plus escarpé d’Europe. La météo, une blessure, le mental qui lâche, quand on commence un ultra-trail comme l’UTMB, on n’est jamais sûr de le terminer. La très longue distance est une discipline sans merci, et Christian Bourdon en a déjà fait les frais. En décembre 2022, il s’inscrit à la LyonSaintéLyon, un trail de 156 km qu’il ne pourra jamais terminer. « Mes jambes se sont arrêtées à Saint-Etienne, j’ai trop écouté ma tête, et mon corps ne voulait plus avancer », se souvient-il. Loin de se laisser décourager, une semaine plus tard, après 133 km d’effort, il franchira la ligne d’arrivée de l’ultratrail de la Hotte du Père Noël. C’est sa plus longue distance à ce jour.
Courir 133 km, c’est déjà inimaginable pour le commun des mortels, mais Christian Bourbon veut atteindre le « graal ». L’UTMB lui trotte dans la tête depuis des années déjà. En 2019, pour jauger ses capacités, il vient à bout de la petite sœur de l’UTMB, la « CCC », une épreuve de 100 km et 6 100 m de D+ entre Courmayeur et Chamonix. « Dans la foulée, je m’étais inscrit à l’UTMB 2020, mais la course a été annulée à cause du Covid, puis les années suivantes, je n’ai pas été tiré au sort. Cette année, enfin, j’ai été sélectionné. Et la préparation a enfin pu commencer… », explique-t-il avec entrain.
Ne pas dormir pendant 48 heures
À l’entendre, ses entraînements ont été un jeu d’enfant. Trois compétitions importantes ont marqué sa préparation à l’UTMB : le Trail des 3 couvents en avril (46 km, 3 000 m de D+) , la Course de la Résistance en mai (30 km, 1 500 m D+ ) et L’Infernal trail des Vosges en septembre (70 km, 3 274 D+). Pour repérer le parcours de l’UTMB, Christian Bourbon s’est même mis au défi de faire le tour du Mont Blanc en juin, mais sur quatre jours et en équipe.
Ce repérage lui a permis d’évaluer les difficultés de l’UTMB, les passages les plus arides, et les montées les plus rudes. Mais ce qui l’inquiète le plus, ce n’est pas le parcours, c’est le temps. Pour être « finisher », il ne suffit en effet pas de boucler les 171 km, il faut également les terminer en moins de 46 h 30. Et pour respecter les barrières horaires, le traileur dit ne pas avoir le choix : « si je veux être dans les temps, je ne peux pas dormir la première nuit. Je ferai une micro-sieste la deuxième nuit seulement si je suis en avance ». Ne presque pas dormir, en 48 heures, est un cauchemar pour n’importe quel champion de trail : les pensées noires fusent, et le mental en prend un sacré coup.
« Je serai capable de dire stop si mon corps ne suit plus », assure Christian Bourbon. Mais comment peut-il tenir ? Son épouse, son fils, sa fille le soutiennent, et dans les moments difficiles, il a une pensée pour ses proches décédés. A l’arrivée à Chamonix, il y a aura aussi ses collègues et amis qui lui ont promis d’être là pour boire un verre en terrasse, bien mérité après cet effort surhumain. Si Christian Bourbon va bien évidemment savourer son exploit s’il parvient à terminer l’UTMB, ne croyez pas qu’il va se laisser aller devant la télévision. « Le canapé ? Trop peu pour moi ! », s’exclame ce papy traileur qui ne compte pas s’arrêter de courir de sitôt.
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