En Ukraine, Roustem Oumerov nouveau ministre de la Défense, une nomination très symbolique

À 41 ans, Roustem Oumerov devient le plus jeune ministre de la Défense d’Ukraine, un poste jugé « difficile » en pleine guerre avec la Russie depuis févrer 2022.
REUTERS/Andrii Nesterenko

UKRAINE - Pour la communauté musulmane historique de Crimée, la promotion de Roustem Oumerov au poste de ministre ukrainien de la Défense est plus qu’un symbole. Approuvée ce mercredi 6 septembre par le Parlement, cette nomination démontre également la volonté de l’Ukraine de ne rien céder sur l’annexion de la Crimée et sur de futures livraisons d’armes.

« C’est le plus haut poste d’État jamais occupé par un Tatar » de Crimée, cette communauté musulmane et turcophone originaire de la péninsule annexée par la Russie en 2014, a d’ailleurs souligné un conseiller du chef de l’administration présidentielle ukrainienne.

Élu à ce poste crucial en pleine guerre, sur proposition de Volodymyr Zelensky, l’homme de 41 ans qui a déjà promis de libérer « chaque centimètre » de l’Ukraine, devrait logiquement devenir l’un des nouveaux hommes forts de l’Ukraine, bien aidé par son expérience.

Mais cette nomination a également pour but de balayer la corruption qui continue de gangrener l’Ukraine. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Oleksiï Reznikov, prédécesseur de Roustem Oumerov, a été remercié. Bien qu’il fût une figure appréciée de la première année et demie de guerre, son implication dans des scandales de corruption au sein de son ministère aura finalement eu raison de lui.

Un rôle de négociateur essentiel

Généralement dans l’ombre depuis l’invasion russe de l’Ukraine, le nouveau ministre n’a pourtant aucune expérience militaire, bien que l’essentiel de la stratégie militaire revienne à l’État-major ukrainien.

Décrit par Le Monde comme un « entrepreneur, haut fonctionnaire, philanthrope, militant de la cause des Tatars de Crimée, polyglotte et négociateur réputé habile », il dispose cependant de précieux atouts pour l’Ukraine. À commencer par ce talent de négociateur qui lui a permis de jouer un rôle essentiel dans les pourparlers avec Moscou. Il est d’ailleurs impliqué dans la libération des chefs de la défense d’Azovstal en septembre 2022 dans la ville martyre de Marioupol.

Sa présence dans diverses négociations pour la partie ukrainienne s’explique par un riche carnet d’adresses dans le monde musulman et « des canaux de communication informels et discrets » qui ont notamment aidé à échanger des prisonniers et évacuer des civils à plusieurs reprises, comme évoqué par Roustem Oumerov en 2022 pour Forbes Ukraine.

Désormais, c’est avec l’Occident qu’il sera chargé de négocier les nouvelles livraisons d’armes après avoir traité de nombreux mois avec le Kremlin au sein des délégations ukrainiennes, dont celle chargée de trouver un accord avec la Russie pour débloquer les exportations de céréales ukrainiennes.

Une nomination symbolique

Outre ses talents de négociateur, Roustem Oumerov sert également de rappel à la volonté ukrainienne de ne rien céder sur l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Cette nomination a même été qualifiée de « beau geste politique » par Serguiï Lechtchenko, qui estime que ce choix renforce l’idée « qu’il ne peut y avoir aucun compromis sur la Crimée ».

Une décision forte alors que certains pays, comme le Brésil, ont invité l’Ukraine à envisager l’abandon définitif de la péninsule du sud de l’Ukraine afin de trouver une voie de paix avec Moscou.

Sa nomination était même perçue comme « inimaginable », selon Aïder Moujdabaïev, le directeur adjoint d’ATR, la chaîne de télévision privilégiée par les Tatars de Crimée. Auprès du Monde, il évoque donc « une excellente nouvelle » et un « geste habile de Zelensky » alors que cette communauté reste victime de discrimination, malgré sa faible proportion au sein de la population ukrainienne.

Dans son passé, Roustem Oumerov fut également président de la Plateforme de Crimée, une initiative diplomatique lancée par le président Zelensky et imaginée comme un outil de coordination et de consultation internationale pour faire annuler cette annexion.

Un incorruptible

À son passé intimement lié à la Crimée s’ajoute un dernier atout : sa réputation d’incorruptible. Un statut gagné après avoir dirigé depuis septembre 2022 le Fonds des biens d’État chargé des privatisations. Ses efforts pour faire disparaître la corruption -bien installée- au sein de cette institution ont en effet été largement salués dans les heures qui ont suivi sa nomination au ministère de la Défense.

À ce poste pendant un an, il n’a « jamais il n’a été éclaboussé par un scandale », note ainsi Aïder Moujdabaïev, alors que cette responsabilité implique d’y être régulièrement confronté, surtout « dans un pays où le processus de privatisation est rongé par la corruption », comme le souligne Le Figaro.

Une nouvelle donnée clé qui risque de faire plaisir aux alliés occidentaux de l’Ukraine qui scrutent de près l’emprise de la corruption sur le pays, au moment où ce dernier cherche toujours à rejoindre l’Union européenne.

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