Ukraine: la livraison d'armes lourdes montre que la guerre "va durer"

L'Allemagne va envoyer des blindés Guépard à l'Ukraine pour l'aider à combattre la Russie. (Photo: via Associated Press)
L'Allemagne va envoyer des blindés Guépard à l'Ukraine pour l'aider à combattre la Russie. (Photo: via Associated Press)

L'Allemagne va envoyer des blindés Guépard à l'Ukraine pour l'aider à combattre la Russie. (Photo: via Associated Press)

UKRAINE - Des canons Caesar français, des obusiers blindés néerlandais, des blindés Guépard allemands... Après avoir longtemps refusé, plusieurs pays ont accepté ces derniers jours de livrer des armes lourdes à l’Ukraine pour l’aider à combattre l’armée russe qui a envahi son territoire il y a 62 jours.

Lors d’une réunion organisée mardi 26 avril par les États-Unis, une quarantaine de pays se sont aussi mis d’accord pour coordonner leurs efforts dans leur soutien militaire à Kiev. Que signifient ces nouvelles annonces pour la suite du conflit? Marie Dumoulin, directrice du programme “Europe élargie” au Conseil européen des relations internationales, répond au Huffpost.

Les États-Unis, la France, l’Allemagne et d’autres pays alliés de l’Ukraine ont annoncé l’envoi d’armes lourdes à Kiev. Qu’est-ce que cela change?

La vraie différence, c’est l’origine du matériel livré. Jusqu’à présent, l’Ukraine recevait surtout des armements de type soviétique que les Ukrainiens avaient eux-mêmes dans leurs arsenaux et dont ils savaient se servir. Les pays de l’ancien pacte de Varsovie (alliance militaire entre les pays de l’Est et l’URSS pendant la Guerre froide, NDLR), comme la Pologne, pouvaient fournir Kiev.

L’armée ukrainienne peut se défendre, mais il faut qu’elle ait du matériel en quantité suffisante, les stocks ne sont pas inépuisables. Les Ukrainiens ont aussi d’autres besoins militaires à ce stade du conflit. C’est pour cela que les Occidentaux interviennent, avec des armes qui nécessitent une formation pour s’en servir.

Les Occidentaux poursuivent leur stratégie en prenant en compte le fait que la guerre va s'inscrire dans la duréeMarie Dumoulin, directrice du programme “Europe élargie” au ECFR

On passe donc des anciens équipements soviétiques à des équipements de production occidentale, mais les militaires ne vont pas faire la différence entre les armes offensives ou défensives. Peu importe la qualification, on se sert de ces armes pour faire la guerre, que ce soit pour se défendre ou attaquer.

Cela marque-t-il un tournant stratégique des Occidentaux dans la guerre en Ukraine?

Je ne pense pas qu’on puisse parler de tournant. C’est la poursuite de la stratégie de soutien de l’Ukraine, en prenant en compte une nouvelle donnée: le fait que la guerre va s’inscrire dans la durée.

Au début, tout le monde anticipait une avancée rapide de l’armée russe grâce à sa supériorité supposée sur le terrain. C’est notamment pour cette raison que les Occidentaux n’ont pas fourni d’armes dans l’immédiat, par peur qu’elles tombent entre les mains des Russes. Mais contre toute attente, les Ukrainiens ont tenu et continuent à tenir depuis deux mois.

L’intervention plus poussée de l’Ouest ne risque-t-elle pas d’entraîner une escalade du conflit?

L’escalade vient de la manière dont elle est vue par Moscou. Or les Russes se perçoivent déjà en guerre contre l’Otan. La logique pour eux est de dire que les Ukrainiens n’ont pas d’autonomie et sont des marionnettes des Occidentaux. Ces livraisons sont la confirmation de cette vision. Là où il y a un risque, c’est quand la Russie va se rendre compte qu’elle n’arrive pas à prendre le dessus avec les armes conventionnelles. Elle pourrait passer à l’usage d’autres types d’armement, chimiques par exemple.

En tout cas pour l’Occident, il est difficile de conserver une approche non-escalatoire quand la Russie en face construit son discours sur le fait que l’escalade a déjà eu lieu.

Vous venez de le dire, les Russes se voient déjà en guerre contre l’Occident. Il y a quelques jours, le ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov déclarait que les Occidentaux menaient une guerre par procuration contre la Russie en Ukraine. Sommes-nous vraiment en guerre?

Sur le plan juridique, le fait de livrer des armes à un pays en conflit ne fait pas de vous un pays en guerre. Les Occidentaux n’ont pas l’intention d’entrer dans le conflit bien que ce ne soit pas la manière dont les Russes le perçoivent. Vladimir Poutine dit et répète que la Russie n’avait pas le choix, elle était obligée d’intervenir si elle ne voulait pas être attaquée la première. Dans sa propagande, Moscou assure mener une guerre défensive.

Pourtant si l’Otan était directement impliquée, nous n’aurions pas du tout le même conflit. Moscou serait beaucoup plus en difficulté et l’escalade serait nucléaire. Je suis peut-être optimiste mais pour moi, Lavrov fait de la rhétorique. Il continue à dire que la Russie est en guerre contre l’Occident mais cela ne veut pas dire qu’elle va passer à l’attaque, car le conflit changerait de nature et serait beaucoup plus destructeur.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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