Des Européens évoquent de nouvelles sanctions contre Moscou

L'instauration de la loi martiale en Ukraine après l'incident dans le détroit de Kertch pourrait provoquer une escalade du conflit dans l'est de l'Ukraine, a estimé mardi le Kremlin. /Graphique diffusé le 26 novembre 2018/REUTERS/C. Inton/L. Desrayaud

par Andrew Osborn et Anton Zverev

MOSCOU/KERTCH (Reuters) - Après l'incident entre les marines russe et ukrainienne dans le détroit de Kertch, plusieurs dirigeants politiques européens ont évoqué mardi la possibilité de nouvelles sanctions économiques contre Moscou qui accentue sa pression sur l'Ukraine dans la mer d'Azov.

Les députés ukrainiens ont approuvé lundi soir l'instauration de la loi martiale pour une durée de 30 jours dans les zones les plus vulnérables à une offensive russe, accentuant selon le Kremlin les risques d'une escalade du conflit dans l'est du pays.

Le président ukrainien, Petro Porochenko, a jugé nécessaire de renforcer les défenses de son pays, estimant qu'il existait une menace "extrêmement grave" d'invasion terrestre.

Moscou a accusé de son côté Kiev de jeter de l'huile sur le feu. "L'instauration de la loi martiale dans plusieurs régions risque d'aggraver la menace d'une escalade de la tension dans la région en conflit, dans le sud-est (de l'Ukraine)", a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Les forces russes ont ouvert le feu et intercepté dimanche trois navires de la marine ukrainienne, faisant prisonniers leurs équipages, dans le détroit de Kertch, qui sépare la mer d'Azov et la mer Noire.

Le chef des services de sécurité ukrainiens SBU a déclaré qu'un membre des services de contre-espionnage avait été grièvement blessé lors de tirs de missiles par des avions russes sur les navires ukrainiens.

"Selon les informations confirmées du SBU, l'un des avions russes a tiré deux missiles contre les bateaux ukrainiens, et l'un de nos agents a été grièvement blessé", a dit mardi le directeur du SBU, Vassil Hrytsak.

Vladimir Poutine a téléphoné lundi à Angela Merkel pour l'informer que Moscou était prêt à fournir des informations supplémentaires sur cet incident démontrant l'exactitude de la version des faits présentée par les autorités russes.

Berlin, qui donne le ton de la politique européenne dans ce dossier, a appelé à un apaisement tout en faisant preuve de fermeté à l'égard de la Russie.

Le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, l'a exhortée mardi à respecter le droit international et la souveraineté territoriale des pays voisins.

"L'objectif, c'est que la Russie respecte de nouveau le droit international et qu'elle ne viole pas la souveraineté territoriale de ses voisins", a dit Heiko Maas dans un discours à Berlin. Pour que cela advienne, l'Allemagne et ses alliés européens ont besoin de suivre des principes clairs et d'avoir un "vrai dialogue" sur la sécurité commune en Europe, a ajouté le ministre.

EXPANSION TERRITORIALE

La ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, a demandé à la Russie de libérer sans attendre les marins ukrainiens faits prisonniers.

Pour Norbert Röttgen, chrétien-démocrate qui dirige la commission des Affaires étrangères du Bundestag (chambre basse du parlement allemand), l'Europe pourrait devoir durcir ses sanctions envers Moscou après cet incident naval.

"Je suis très inquiet devant le fait que nous avons affaire ici à un nouveau comportement de la Russie, qui recherche son expansion territoriale", a dit Norbert Röttgen à la station de radio Deutschlandfunk.

"Pour le moment, on ne parle pas de durcir les sanctions, mais de façon générale, je ne l'exclus pas", a-t-il continué.

Karin Kneissl, ministre autrichienne des Affaires étrangères, a déclaré que l'UE envisagerait des sanctions en fonction "de l'exposé des faits et de l'attitude à venir des deux camps".

Le président polonais Andrzej Duda a annoncé que son pays était prêt à soutenir de telles mesures de rétorsion tandis que le ministre estonien de la Défense Juri Luik a estimé que des sanctions "seraient le moyen le plus efficace de montrer au gouvernement russe" que les Européens sont déterminés.

Les marins ukrainiens capturés ce week-end ont commencé à comparaître mardi devant un tribunal en Crimée. Le premier a été condamné à deux mois de prison, selon l'agence Tass.

Un journaliste de Reuters présent dans le port de Kertch a constaté que les navires de la marine ukrainienne étaient sous le contrôle d'hommes armés et masqués.

(Avec Tassilo Hummel et Michael Nienaber à BERLIN, Natalia Zinets à KIEV, Vladimir Soldatkin et Denis Pinchuk à MOSCOU; Eric Faye et Pierre Sérisier pour le service français, édité par Tangi Salaün)