UFC: pourquoi Manon Fiorot n’a pas encore combattu pour le titre (mais ça peut être pour bientôt)
Elle dispute une "demi-finale" mondiale. La dernière marche à gravir avant de combattre pour la ceinture des -57 kilos de la plus grande organisation de la planète MMA. Vous avez dit rebelote? Manon Fiorot se retrouve dans la même situation pour la troisième fois de suite. Avant d’affronter Katlyn Chookagian (devenue Cerminara après son mariage) en octobre 2022, on parlait déjà de demi-finale. Tout comme avant d’affronter Rose Namajunas à l’UFC Paris 2, en septembre dernier. A chaque fois, "The Beast" a triomphé. A chaque fois, pas de titre en vue quand elle remonte dans la cage. Et la question de se poser. La Niçoise est-elle la grande oubliée de l’UFC? Oh que non.
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Elle a juste joué de malchance. Touché au genou en juin 2022, Fiorot aggrave sa blessure lors du combat contre Chookagian, alors numéro 1 du classement des prétendantes de la catégorie. Son succès aurait dû lui offrir un choc contre Valentina Shevchenko, alors reine incontestée des mouches féminines. Cette dernière partageait même cette opinion: "Manon est la prochaine". Mais il faut passer sur la table d’opération pour soigner son genou (et en profiter pour s’occuper de l’autre, qui gardait des restes d’une ancienne blessure). Pour ne pas attendre, l’UFC offre la place à Alexa Grasso, seulement classée numéro 5. La Mexicaine va savoir saisir la chance de sa vie.
Dans le co-main event de l’UFC 285 en mars 2023, juste avant le choc pour le titre des lourds entre la légende Jon Jones et le Français Ciryl Gane (on aurait donc pu avoir deux chances de titre pour le MMA français dans la même soirée si Fiorot avait été apte à monter dans la cage), Grasso surprend Shevchenko et la soumet au quatrième round pour devenir la troisième championne de l’histoire de la catégorie. Vu le pedigree de la reine déchue, considérée comme une des meilleures combattantes de l’histoire du MMA et qui avait défendu victorieusement sa ceinture à sept reprises, une revanche directe fait sens. Elle a lieu le 16 septembre dernier, à Las Vegas, pour la "Noche UFC" lors du week-end de l’indépendance mexicaine. Quinze jours avant, la Française a battu sur décision unanime Rose Namajunas, immense nom de la discipline et ancienne championne de la catégorie inférieure.
Tout mène vers une chance pour le titre. Mais un nouvel obstacle va apparaître sur la route. A la faveur d’un juge trop généreux pour la Mexicaine dans le dernier round, le combat se termine sur un… nul. Une rareté qui garde la ceinture autour de la ceinture de Grasso mais envoie tous les plans valser. Si la championne avait conservé son titre via une victoire, Fiorot était la prochaine. Si Shevchenko avait repris l’or dans une prestation dominante, après avoir été surprise alors qu’elle menait dans le premier, l’UFC aurait sans doute aussi proposé le combat pour le titre à la Française. Mais là… Même un "finish" spectaculaire contre Namajunas n’aurait pas modifié la donne. "Elle aurait pu envoyer une boule de feu dans la cage, ça n’aurait rien changé", pointe son coach Aldric Cassata.
"Il y avait une chance sur mille"
Cerise sur le gâteau, les deux sortent de leur affrontement avec une blessure à la main. Direction la trilogie, donc, et pas pour tout de suite. A priori, il faudra même attendre un an. Grasso et Shevchenko viennent d’être désignées capitaines d’équipe de la nouvelle saison de The Ultimate Fighter, l’émission de téléréalité de l’UFC qui permet à ses vainqueurs de rejoindre l’organisation. Leur combat se fera après ça. Et vu le timing de diffusion, tout pointe vers une troisième danse lors de la deuxième édition de la "Noche UFC", l’UFC 306, qui aura lieu le 14 septembre prochain dans l’incroyable écrin de la Sphere de Las Vegas. "C’est comme ça que ça devait se passer, philosophe la Niçoise. Je reste concentrée combat après combat, j’aurai ma chance pour le titre à un moment."
"Le nul et les blessures pour Grasso et Shevchenko, il y avait une chance sur mille que ce scénario arrive, complète Cassata. Il faut faire avec. Ce n’est pas grave, ça va lui permettre de nettoyer la division." Selon son camp, Fiorot aurait pu se contenter de patienter. C’est mal la connaître. Surtout avec la perspective de ne pas combattre pendant plus d’un an pour enfin avoir sa chance. "L’UFC a laissé le choix à Manon d’attendre, un peu comme Leon Edwards à une époque, explique Cassata. Ils ont dit qu’elle prendrait la championne post-trilogie. Sa place de prétendante était actée mais Manon n’a pas envie de ça. Elle veut être active et elle a demandé un combat rapidement."
Avec un bilan de 6-0 dans l’organisation, un seul nom fait sens. Celui d’une combattante qui affiche une série similaire depuis son arrivée à l’UFC (mais pas avec la même qualité d’adversaires): Erin Blanchfield, spécialiste du sol de près de dix ans sa cadette et talent US qui monte dans la catégorie. Le tout à Atlantic City, dans le New Jersey, l’Etat de l’Américaine. Réponse? On y va. "On lui a proposé Blanchfield et elle a dit oui direct", sourit Cassata. Il va falloir éteindre la hype Blanchfield pour arriver jusqu’au titre. Mais cette dernière représente bien le dernier obstacle aux yeux de Fiorot: "Après Blanchfield, il n’y a plus personne. Il ne reste que la ceinture. (…) Je suis sûre que si je gagne, mon prochain combat sera pour le titre. Ça fait déjà deux fois que je le mérite. J’attendrai le troisième combat entre Alexa et Valentina et je combattrai pour la ceinture, c’est sûr."
Deux semaines après le Grasso-Shevchenko, il y aura pourtant l’UFC Paris 3. De quoi donner envie de combattre devant son public français. Mais un seul argument la convaincrait de ne pas attendre celle qui sera alors championne. "Pour un titre intérimaire, je suis prête à affronter n’importe qui, explique-t-elle quand on évoque en conférence de presse l’idée d’un combat fin septembre contre l’autre Américaine qui monte Maycee Barber (numéro 4 des prétendantes de la catégorie) ou une revanche contre Rose Namajunas. Si on me propose une ceinture intérimaire à Paris, ce serait très bien pour moi." "Il arrivera ce qui arrivera, poursuit Cassata. Il peut y avoir une blessure de Grasso ou Shevchenko, une ceinture intérimaire… Manon sait ce qu’elle veut, les deux ceintures, et elle travaille pour ça. S’il faut faire un combat pour un titre intérimaire, elle le fera, pas de problème."
"Grasso ou Shevchenko? Peu importe"
Dans ce scénario, Fiorot pourrait rejoindre Ciryl Gane, seul représentant tricolore à avoir accroché un titre intérimaire à l’UFC, et marquer l’histoire de l’UFC en étant la première championne intérimaire de l’histoire des divisions féminines. Et si la guigne s’acharne du côté des -57 kilos (la championne après Grasso-Shevchenko 3 blessée pour longtemps, par exemple), il y a toujours la possibilité de lorgner du côté des -61, où son ancienne victime Mayra Bueno Silva – battue alors que la Niçoise sortait tout juste d’un Covid – vient de disputer le titre à une Raquel Pennington devenue championne mais que beaucoup donneraient perdante contre elle. "Manon a son mot à dire en -61, on verra la suite en fonction de la temporalité de la ceinture après la victoire", précise Cassata. "The Beast", qui vise à terme les deux titres, avait évoqué l’idée ces derniers mois. "S’il fallait monter pour un combat pour le titre, j’étais prête à le faire."
Ces derniers temps, on l’a aussi vue sortir les crocs verbaux sur les réseaux sociaux quand Grasso et Weili Zhang (championne des -52 kilos) ont titillé l’idée de s’affronter à l’UFC 300 mi-avril. "Je ne trouvais pas ça normal alors qu’elles n’ont pas défendu leur ceinture plusieurs fois, j’étais obligée de réagir." Si elle passe l’obstacle Blanchfield, la calme – dans la vie, pas dans la cage – et timide combattante française ne veut plus être privée de ce qu’elle mérite. "Grasso-Shevchenko? Peu importe le résultat, je suis prête à affronter n’importe qui. (…) Quoi qu’il arrive, je sais que je vais venir chercher cette ceinture. Je vais battre tout le monde. Au bout d’un moment, il va bien falloir m’affronter."
En lice pour une septième victoire de suite à l’UFC, le deuxième plus gros total de l’histoire de sa catégorie derrière les neuf de Shevchenko, Manon Fiorot va d’abord avoir les honneurs de son premier main event (combat principal) à l’UFC. "Je suis très fière de ça, surtout pour une combattante féminine, donc j’ai envie de faire le show et de tout donner." "L’UFC la respecte beaucoup, notamment sur la négociation des contrats, conclut Aldric Cassata. Elle est très estimée et l’UFC investit sur elle." Avec peut-être bientôt au bout un morceau d’éternité: devenir la première championne incontestée à l’UFC, hommes et femmes confondus, de l’histoire du MMA français.