UFC 299: Enfance bagarreuse, guerres dans la cage, qui est Dustin Poirier, l’adversaire de Benoît Saint Denis?

C’est un rendez-vous rare et historique pour le MMA français. Entré dans le top 15 de la très relevée catégorie des -70 kilos après sa spectaculaire victoire sur Matt Frevola en novembre dernier à New York, Benoît Saint Denis passe au révélateur d’une star ce week-end à Miami dans le co-main event de l’UFC 299. Une marche qui doit rapprocher le "God of War" tricolore de son rêve de ceinture dans la plus grande organisation de MMA au monde. Face à lui? Dustin Poirier. Un Américain de 35 ans bien plus expérimenté que le Français de 28 (29-8 en carrière contre 13-1), tombeur par deux fois de la superstar Conor McGregor et qui sera de loin le plus grand nom jamais croisé dans une cage par "BSD". Et même un des plus grands jamais opposés à un combattant tricolore en MMA. Le garçon n'a jamais été sacré champion incontesté à l’UFC. Mais quelle carrière…

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Poirier vient de Lafayette, en Louisiane, où il réside toujours même s’il effectue ses camps d’entraînement à l’American Top Team en Floride (où il avait déménagé un temps et possède encore un logement). Papa a quitté le domicile quand il avait 5 ans, son quartier est difficile. Le gamin lié à la France via sa filiation avec les Acadiens va trouver son exutoire dans des bagarres de rue. "J’en ai fait beaucoup dans l’enfance puis au lycée, confiait-il en 2015 sur le site de l’UFC. Et j’ai toujours été bon là-dedans. J’ai toujours adoré la pureté de deux hommes qui s’avancent pour s’affronter. C’est bizarre à dire mais j’ai toujours trouvé une notion de calme dans le chaos. C’est ce que j’aime dans le combat."

"Il adorait se battre", confirme sa mère. "Mon père était un combattant, mon grand-père aussi, explique l’intéressé. C’est dans mon sang. J’ai toujours eu envie d’être un guerrier. Je suis fait comme ça." Premier KO? A 10 ans, quand il casse la mâchoire et les dents d’un gamin de… cinq ans son aîné. Il passera devant la justice pour ça et finira plusieurs fois en détention juvénile. Viré pour une bagarre, Poirier quitte l’école à 15 ans et n’y retournera jamais (mais il y aura rencontré sa future femme, Jolie, épousée quand il avait 20 ans). La fin de son éducation passera par le combat organisé. "Je me suis éduqué à travers le combat. J’ai voyagé partout dans le monde et j’ai beaucoup appris juste en observant ce qui se passait autour de moi. J’ai eu l’occasion de rencontrer des gens et de connaître des situations que je n’aurais jamais vécues sans ce que j’ai fait dans le combat."

Poirier commence la boxe alors qu’il tourne autour des 90 kilos. Dans sa salle, il va rencontrer "Crazy" Tim Credeur, combattant à l’UFC connu pour la brutalité de ses entraînements. "Un ami me dit que ce gamin est un amateur mais qu’il est incroyable et qu’il faut que je sparre avec lui, raconte Credeur. On fait quelques rounds, je vais aux toilettes, je crache mon protège-dents et pas mal de sang sort avec. J’étais à l’UFC, je me suis regardé dans le miroir et je me suis dit: ''Ce mec sera champion du monde un jour''. (…) Il avait l’instinct du tueur. C’est un sauvage qui a soif de sang et qui vous tranche la gorge. C’est la réalité."

Sa voie est trouvée. "Les arts martiaux ont été comme une expérience religieuse pour lui, poursuit Credeur. Il s’est trouvé. Il a trouvé la fierté en lui, le respect pour lui-même, un but. Combattre lui a donné l’occasion de s’exprimer et de mettre son énergie dans quelque chose de fructueux mais qui le challengeait et le motivait." "Il avait enfin trouvé ce qu’il avait cherché pendant tout ce temps", résume sa mère. Poirier passe professionnel en MMA en 2009, à 20 ans. "Je ne pensais ni à l’argent ni à la popularité, se souvient-il. Je voulais juste combattre." Il débute sur la scène régionale de Louisiane avant de rejoindre l’organisation World Extreme Cagefighting en 2010, où il connaît tout de suite sa première défaite en carrière.

Après deux combats au WEC, il rejoint l’UFC début 2011. "The Diamond" (son surnom) s’offre une future légende dès son quatrième combat dans la grande organisation : Max Holloway, futur champion des -66 kilos, qu’il soumet au premier round en février 2012. Derrière, son chemin sera parsemé de grands noms. Trois mois plus tard, "Korean Zombie" lui inflige sa première défaite à l’UFC. L’heure du changement a sonné. Départ de Louisiane pour rejoindre l’ATT en Floride, avec sa femme qui quitte l’université pour le suivre dans son rêve. "Je veux devenir le meilleur au monde et je dois m’entourer de ce genre de gars pour y arriver, explique-t-il alors. En Louisiane, il y avait des bons gars mais beaucoup faisaient ça comme un hobby. Il y avait aussi beaucoup de gars du jiu-jitsu. J’avais besoin d’être entouré de gars qui avaient faim et qui se faisaient la guerre tous les jours."

Après quatre victoires entrecoupées d’une défaite contre Cub Swanson, un revers cinglant va faire basculer sa carrière. En septembre 2014, Poirier affronte un McGregor en pleine montée. Qui va lui faire vivre l’enfer face aux micros et rentrer dans sa tête. "C’est personnel", lâche-t-il à l’époque. "Je voulais lui faire mal, se souvient-il. Quand le gong a sonné, j’étais comme une biche dans les phares d’une voiture, toutes ces paroles étaient dans ma tête." Résultat? TKO au premier round pour l’Irlandais. Poirier a compris. Il va prendre plus de recul et faire évoluer son arsenal. "L’adversité permet à un homme de mieux se connaître, de savoir qui il est", philosophe-t-il.

Le dernier changement interviendra deux ans plus tard. Devenu père et mis KO par Michael Johnson en moins d’un mois, l’Américain ne voit plus son métier de la même façon. "Avoir ma fille a mis le combat en perspective pour moi. Avant sa naissance, le combat était tout pour moi. C’est toujours le cas mais c’était vraiment qui j’étais. Désormais, c’est quelque chose que je fais. Ce que je suis, c’est un père et un mari. (…) Je combattais surtout pour moi-même, car c’est un sport très égoïste, mais maintenant je combats pour ma fille. Je veux lui donner les opportunités que je n’ai pas eues." La suite va être un festival. Les grands noms s’enchaînent et les victoires aussi: Jim Miller, Anthony Pettis, Justin Gaethje, Eddie Alvarez, Holloway une deuxième fois pour la ceinture intérimaire des -70 kilos. Qu’il dédie à sa femme: "Elle a cru en moi à des moments où je ne croyais pas en moi-même".

L’heure est venue d’aller chercher le titre incontesté contre l’invaincu Khabib Nurmagomedov. Qui finira par le soumettre mais qui ne sera pas passé loin de la correctionnelle avec une guillotine bien enclenchée par Poirier pendant le combat. "C’était tellement près…", se souvient l’Américain. Le garçon finit en pleurs après cette défaite, son rêve de titre brisé: "Je me suis laissé tomber". Après un retour ultra violent (et victorieux) contre Dan Hooker en juin 2020, Poirier va retrouver McGregor. Les deux menacent de s’affronter en dehors de l’UFC, qui finit par leur accorder le combat. Sept ans après leur première danse dans la cage, l’Américain prouve à l’Irlandais qu’il est devenu le meilleur combattant des deux en s’imposant par KO dans le deuxième round. Poirier a mérité de combattre pour le titre des -70 kilos. Mais il préfère une trilogie avec le "Notorious", qu’il bat une nouvelle fois six mois plus tard sur une grave blessure à la jambe de McGregor.

Une deuxième chance pour le titre va suivre, contre le Brésilien Charles Oliveira, pour une nouvelle défaite sur soumission. Suivie par une victoire sur Michael Chandler et un revers contre Justin Gaethje pour la ceinture "BMF" en juillet 2023. Voilà pour le CV sportif du seul combattant à avoir terminé Holloway avant la limite, mis KO McGregor et soumis Chandler. Mais il y a aussi l’impression générale. Celui qui arbore plusieurs tatouages sur les bras et le torse – le premier effectué à 14 ans – est une garantie de spectacle et de grosses "guerres" dans la cage. Ceinture noire de jiu-jitsu brésilien, l’homme qui affiche huit bonus de "combat de la soirée" à l’UFC (deuxième place dans l’histoire de l’organisation à égalité avec Nate Diaz et Frankie Edgar, une marche derrière Edson Barboza) fait surtout parler sa boxe et son striking à l’UFC, où il a battu plusieurs spécialistes du genre comme Gaethje, Alvarez, Hooker, Holloway ou McGregor.

Devenu pour de bon une superstar avec ses deux victoires sur l’Irlandais, Poirier est du genre à aimer rendre à sa communauté, engagé depuis longtemps dans des actions de charité avec sa femme. "Je combats déjà pour ma famille mais si ça peut aussi bénéficier à d’autres, c’est beau", explique-t-il. Le MMA l’a sauvé, il veut en faire de même avec ceux qui en ont besoin. "Il est passé d’un enfant alcoolique à un combattant professionnel, résume sa mère. Il est mon héros." Dans la cage, il a surtout toujours montré qu’il n’avait peur de personne.

Nouvelle preuve avec ce combat contre Saint Denis, vu par beaucoup comme l’épouvantail qui monte dans la catégorie (la raison pour laquelle Poirier a voulu le prendre) avec une série en cours de cinq victoires avant la limite et affiché comme favori par de nombreux bookmakers à l’ouverture des cotes. Entre les deux, une série va prendre fin. Celle du Français, qui n’a jamais perdu chez les -70 kilos à l’UFC, où celle de l’Américain, qui n’a jamais perdu deux fois de suite dans sa carrière et sort du KO infligé par Gaethje. Le vainqueur gardera la sienne intacte. Et se rapprochera fort d’une première (Saint Denis) ou nouvelle (Poirier) chance pour le titre. Il n’y aura pas d’étape intermédiaire pour Benoît Saint Denis, à qui l’UFC offre une chance de montée accélérée preuve de confiance en passant plutôt par l’étape légende. On ne va pas s’en plaindre.

Article original publié sur RMC Sport