Le tueur en série Michel Fourniret est mort à l’âge de 79 ans

Michel Fourniret a avoué avoir commis onze meurtres, et a été condamné pour huit d'entre eux. Celui qui est surnommé "l'ogre des Ardennes" est mort ce lundi à Paris, emportant avec lui nombre de secrets.

Michel Fourniret est mort ce lundi à l’âge de 79 ans. Il était hospitalisé depuis le 28 avril dernier à l’Unité hospitalière sécurisée interrégionale de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

Le tueur en série emporte ainsi avec lui une partie de ses secrets. Ces dernières semaines encore, la famille d'Estelle Mouzin gardait l'espoir de retrouver le corps de la petite fille, disparue depuis 2003.

Depuis le 7 décembre, les enquêteurs ont fouillé, sans succès, le bois entourant le château du Sautou dans les Ardennes, ancienne propriété de Michel Fourniret où le tueur en série a indiqué avoir pu enterrer le corps de l'enfant.

Le 1er avril dernier, Monique Olivier, la compagne de “l’ogre des Ardennes”, a reconnu son rôle dans la séquestration de la fillette lors d’un interrogatoire, précisant à la juge d’instruction avoir déposé Michel Fourniret à l’entrée du bois communal d’Issancourt-et-Rumel. Le tueur s’y serait alors enfoncé seul, afin d’enterrer le corps d’Estelle Mouzin. De nouvelles fouilles ont donc été menées pendant tout le mois d’avril dans ce périmètre. Ces fouilles n'ont rien donné et avec elles, l'espoir de retrouver le corps de la petite victime s'éloigne un peu plus.

“MDA”

L'affaire Estelle Mouzin est donc la dernière énigme, en partie résolue, dans le parcours meurtrier de Michel Fourniret, 79 ans, qui n'avait pas participé à ces fouilles en raison de son état de santé.Il s'agit du dernier meurtre que le tueur en série a reconnu, alors qu'il a déjà été condamné pour huit autres. Le dernier au cours de cette fameuse "période blanche" à laquelle s'intéressaient les enquêteurs, une période longue de 10 ans, entre 1990 et 2000, où aucun crime n'a été imputé à celui qui très tôt se surnommait "MDA" pour le "monstre des Ardennes". Un appel à témoins avait d'ailleurs été lancé récemment par les gendarmes.

"Le grand tort de la justice (...) pendant longtemps, a été de considérer que Michel Fourniret, étant un pervers, mentait. Il a certes menti des fois (...) mais en général quand il a donné des indications, elles ont été vérifiées donc nous croyons que malgré sa mémoire devenue défaillante, il faut l'écouter", indiquait récemment Me Didier Seban, l'avocat de plusieurs familles de victimes.

"Partir à la chasse"

Atteint à la fin de sa vie de la maladie d'Alzheimer, Michel Fourniret n'a eu pourtant de cesse de jouer de son entourage, de ses victimes mais aussi de la police et de la justice. Originaire de Sedan et élevé dans une famille ouvrière, Michel Fourniret a laissé le souvenir d'un élève moyen, espiègle. "C'était la caricature même du môme qui devait arracher les pattes des mouches", estime auprès de BFMTV.com Alain Hamon*, journaliste à la tête de l'agence CREDO qui a longuement enquêté sur Michel Fourniret, notamment en rencontrant de nombreux témoins.

D'élève moyen, Michel Fourniret est passé à brillant ouvrier. Suivant les traces de son père contremaître dans la métallurgie, qu'il idolâtre, il s'installe après son diplôme dans l'Indre à Martizay. Ce début de carrière professionnelle coïncide avec ses premiers crimes. En 1968, il va pour la première fois "partir à la chasse". Il poursuit une femme en voiture, qui finit sa course dans un fossé. Michel Fourniret va prendre la fuite et est arrêté. Condamné, il va également être interné brièvement dans un hôpital psychiatrique.

"Est-ce que ce séjour en hôpital psychiatrique va le calmer? On peut se poser la question puisqu'il correspond avec une période où il va s'arrêter dans ses crimes", constate Alain Hamon, qui consacre un chapitre au tueur en série dans son dernier ouvrage Bonjour, on vient pour l'affaire!.

Le tournant meurtrier

Michel Fourniret part s'installer par la suite dans les Yvelines. Déjà père d'un fils nommé Jean-Christophe issu de son premier mariage, il s'installe avec sa deuxième femme. Ils ont alors trois enfants, deux filles et un fils. L'une de ses filles s'est suicidée, ne supportant plus de porter le même nom qu'un assassin. Son fils est également mort dans un tragique accident. Il aura également un enfant, Sélim, le cinquième, avec Monique Olivier. A cette époque, Michel Fourniret va sillonner les routes de ce département et va commettre des viols et agressions sexuelles entre 1977 et 1981. Il en reconnaîtra au total 13, pour lesquels il est condamné et envoyé à la prison de Fleury-Mérogis.

Cette période marque alors le tournant meurtrier de Michel Fourniret. Cette période marque surtout sa rencontre avecMonique Olivier. Alors incarcéré à Fleury-Mérogis, il passe une petite annonce dans le journal Le Pèlerin pour briser sa solitude de prisonnier. Monique Olivier y répond. C'est au cours de ces échanges que les enquêteurs considèrent que le "pacte diabolique" entre eux a été signé. Séparé de sa deuxième femme, Michel Fourniret se met en couple avec Monique Olivier, elle aussi divorcée. A la sortie de prison de Fourniret, le couple se marie et va s'installer dans l'Yonne. Puis il achètera le château de Sautou, dans les Ardennes.

Reconnu coupable de huit meurtres

Le premier meurtre pour lequel Michel Fourniret a été reconnu coupable est celui d'Isabelle Laville, en décembre 1987. Au total, le tueur a étécondamné à la perpétuité en 2008 pour sept meurtres par la cour d'assises de Charleville-Mézières au terme d'un procès sous très haute surveillance qui a coûté 1,9 million d'euros: en plus de celui d'Isabelle Laville, celui de Fabienne Leroy, Jeanne-Marie Desramault, Élisabeth Brichet, Natacha Danais, Céline Saison, Mananya Thumpong. Le corps de cette dernière a été retrouvé à proximité du domicile du procureur en charge de l'affaire Dutroux. Celui qui se définissait comme "pire que Dutroux" a également été condamné par la cour d'assises de Versailles en 2018 pourle meurtre de Farida Hammiche, la compagne d'un ex-co-détenu, tuée afin de mettre la main sur le magot du gang des postiches.

Michel Fourniret a confié avoir été victime d'attouchements de la part de sa mère lorsqu'il était enfant. Plus que la "virginité", c'est "la pureté" des femmes que recherche le tueur en s'attaquant à des jeunes filles, expliquera l'expert Daniel Zegury lors du procès de 2008. "Dans le monde de Fourniret, il n'y a que la force, la domination, qui fondent les relations", soulignait encore l'expert. "Son premier plaisir, c'est la chasse, abonde le journaliste Alain Hamon. Son deuxième plaisir, c'est de dominer la victime mais quand il tue, c'est davantage pour ne pas se faire prendre."

Daniel Zegury avait également relevé dans son expertise que la rencontre de Michel Fourniret avec Monique Olivier "lui a donné une force". Une rencontre qui a fait d'eux un couple diabolique, elle, avec sa posture rassurante, attirant les jeunes victimes, lui les violant et les tuant.

"Si au début elle n'a rien fait pour le retenir, à plusieurs reprises, elle a été sous son emprise, note également Alain Hamon. Puis après la naissance de Sélim, elle a eu peur d'être la prochaine."

"Un type abject"

Monique Olivier, condamnée pour complicité en même temps que Michel Fourniret, est aussi celle par qui les révélations arrivent. En 2004, six mois après leur interpellation en Belgique où le couple s'était installé, et surtout après 120 interrogatoires, elle finit par craquer et livrer des détails sur le parcours meurtrier de son mari. Tous les spécialistes s'accordent à dire que le travail des enquêteurs belges a été décisif pour faire tomber Fourniret. En 2005, elle avait également évoqué les meurtres de Joanna Parrish et Marie-Angèle Domece, avant de se rétracter. Lors des deux procès devant une cour d'assises, Monique Olivier se fait insulter d'"idiote" par son ancien mari. Les années passent, l'emprise qu'il a sur elle semble aussi diminuer.

En 2018,Monique Olivier reparle de l'implication de Michel Fourniret dans les meurtres de ces deux jeunes femmes, qu'il va finir par avouer la même année devant la juge d'instruction parisienneSabine Khéris. Puis en novembre 2019, Monique Olivier fait tomber l'alibi du tueur dans une autre affaire, l'affaire Estelle Mouzin qui a ému la France au début des années 2000. Jusqu'alors, les enquêteurs s'étaient contentés d'un appel téléphonique passé le jour de la disparition de l'enfant depuis le domicile belge du couple pour écarter la piste Fourniret. Au bout de plusieurs interrogatoires, et confrontéaux traces ADN de la fillette retrouvées sur un matelas dans l'ancien domicile de la soeur du tueur, ce dernier avoue le meurtre le 6 mars 2020.

Spécialiste des "formules alambiquées", comme l'a décrit Me Didier Seban, l'avocat du père d'Estelle Mouzin et intervenant dans d'autres dossiers de jeunes femmes disparues, Michel Fourniret est également qualifié de "manipulateur". "Il faisait très attention à son image, rappelle Alain Hamon. Jusqu'à son premier procès, il faisait tout pour qu'on parle de lui. Si la presse l'oubliait, il faisait en sorte pour qu'on se rappelle de lui. C'est un type abject." Peut-on alors croire à ses déclarations sur ses derniers crimes avoués? Certains se posent la question.

*Michel Fourniret, Monique Olivier, un couple diabolique, de Fabienne Ausserre et Alain Hamon, paru aux éditions du Rocher en 2008

Bonjour, on vient pour l'affaire!, de Alain Hamon, paru aux éditions JPO, en novembre 2020

Article original publié sur BFMTV.com

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