Tuerie de la rue d'Enghien: les experts psychiatres pointent une altération du discernement chez le suspect

Devant les enquêteurs, l'homme de 69 ans soupçonné d'avoir assassiné trois Kurdes à Paris en décembre a décrit sa "haine pathologique" des étrangers. Mis en examen pour ces faits et placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de la Santé, il a été soumis le 4 janvier dernier à une expertise psychiatrique afin de déterminer dans quel état mental il se trouvait au moment de son passage à l'acte.

Les deux experts qui l'ont analysé en ont conclu que "les faits reprochés étaient en rapport avec une impasse situationnelle, un vécu d’échec existentiel après une bascule lors du cambriolage de son pavillon", indique une source proche de dossier à BFMTV, confirmant des informations du Parisien.

"Se sentant démuni, impuissant, désarmé, il a conçu l’idée raciste d’une tuerie de masse suivie d'un suicide comme solution restauratrice vengeresse révélatrice à la face du monde de sa propre souffrance dans un massacre perpétré contre ceux qui, selon lui, l’ont menacé et qui, dans sa vision, menacent le monde", poursuivent les psychiatres.

"Pas de maladie mentale"

Leur expertise confirme donc un acte guidé par cette "haine pathologique" évoquée par le suspect, dont le discernement n'a pas été aboli, selon les médecins, par un trouble psychique ou neuropsychique.

S'ils ne décèlent pas de "maladie mentale évolutive ou constituée", ils relèvent en revanche chez cet ancien conducteur de TGV "des troubles de la personnalité dans un registre de paranoïa de caractère et de schizoïdie comme justifiant, dans une certaine mesure, que l’on considère son discernement comme ayant été altéré au sens de l’article 122–1 alinéa 2 du code pénal". Cette disposition prévoit qu'en cas d'altération du discernement, un crime puni de la détention criminelle à perpétuité - comme c'est le cas en l'espèce - est ramené à trente ans.

Malgré ces troubles de la personnalité, les psychiatres estiment que l'état de santé de l'homme reste compatible avec la détention provisoire: "Il ne présente pas d’état dangereux au sens psychiatrique du terme, autrement dit, il ne relève pas d’une hospitalisation en milieu psychiatrique." Ils notent toutefois que la prise en charge psychiatrique du suspect "doit être poursuivie" car "le risque suicidaire demeure une éventualité qu’il convient de limiter par la poursuite des consultations et, si nécessaire, en cas de décompensation, une décision d’hospitalisation".

"Un attentat politique"

Ce jeudi matin, les porte-paroles du Conseil démocratique kurde en France se sont satisfaits, lors d'une conférence de presse, que l'expertise psychiatrique déclare William Mallet accessible à une sanction pénale. Ils ont néanmoins déploré que la justice se cantonne à la lecture d'un crime de droit commun et non de nature terroriste.

"Pour nous, c'est un attentat terroriste, c'est un attentat politique", ont-ils martelé.

Début janvier, l'avocat des familles des trois Kurdes tués avait déjà indiqué au Parisien "regretter vivement" que le parquet antiterroriste ne se soit pas saisi de l'enquête vu les nombreuses "zones d'ombre". Me David Andic faisait notamment référence au fait que le suspect se soit attaqué, selon lui, spécifiquement au siège du conseil démocratique kurde de France, à la façon dont il s'est procuré son arme, aux personnes rencontrées lors de son année passée en détention ou encore à ce qu'il faisait à Saint-Denis avant de se rendre rue d'Enghien.

"Dans le cas présent, il est très dommageable que les moyens d’enquête susceptibles d’être mis en œuvre dans le cadre d’une affaire terroriste ne soient pas déployés. Cela risque de nuire à la préservation des preuves", avait estimé Me David Andic.

Article original publié sur BFMTV.com