Trump suspend un programme de la CIA de soutien aux rebelles syriens
WASHINGTON (Reuters) - L'administration Trump a décidé de mettre fin à un programme secret de la CIA entraînant et armant certains groupes rebelles syriens contre le gouvernement de Bachar al Assad, a-t-on appris mercredi de deux responsables américains. Cette suspension, qui concerne essentiellement les groupes affiliés à l'Armée syrienne libre (ASL) dans le nord-ouest et le sud de la Syrie, était voulue par l'allié principal du régime syrien, la Russie. Elle intervient dans le cadre d'une politique d'amélioration des relations avec Moscou, précise un des responsables. Le soutien de la Russie ainsi que de milices appuyées par l'Iran a permis à Damas de se maintenir, à l'issue de six ans de conflit. Le programme de la CIA, lancé en 2013, relevait d'une stratégie de renversement d'Assad privilégiée alors par le président Barack Obama, mais il a eu peu de succès, ont noté sous le couvert de l'anonymat ces deux responsables proches du dossier. Interrogée sur cette mesure révélée mercredi par le Washington Post, la porte-parole de la Maison blanche Sarah Sanders s'est refusée à tout commentaire lors d'une conférence de presse, tout comme la CIA. La décision a été prise en lien avec le conseiller à la sécurité nationale H.R. McMaster et le directeur de la CIA Mike Pompeo, avant la rencontre Trump-Poutine du 7 juillet lors du sommet du G20, ont souligné les deux responsables. Elle ne relève pas des négociations entre Washington et Moscou sur l'instauration d'une trêve dans le sud-ouest de la Syrie, ont-ils ajouté. Les relations de Donald Trump avec le Kremlin sont suivies avec attention par le Congrès américain, sur fond d'enquête sur l'ingérence russe dans la campagne et sur des soupçons de collusion entre Moscou et son équipe de campagne. "UN SIGNAL À POUTINE" Pour l'un des responsables, il ne s'agit pas d'une concession d'importance, vu la mainmise d'Assad dans de larges zones de la Syrie, "mais c'est un signal à Poutine, que l'administration veut améliorer les liens avec la Russie". "Nous saluons tous les efforts visant à une désescalade de la situation et au renforcement de la sécurité au Moyen-Orient", a réagi un porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Artem Kojine, lors d'un point presse jeudi. Le programme de la CIA avait ses écueils, rapporte en outre un des responsables américains, des rebelles armés et entraînés par ce biais ayant ensuite rejoint les rangs de l'organisation Etat islamique (EI) et d'autres groupes djihadistes. Des membres de l'administration Obama avaient déjà défendu une suspension du programme pour cette raison. En parallèle, les initiatives de l'armée américaine en vue d'entraîner, d'armer et d'appuyer par des frappes aériennes d'autres groupes rebelles syriens et notamment les Forces démocratiques syriennes (FDS), se poursuivront, ont confirmé les deux responsables. Du côté de l'ASL, on déplore la décision américaine, tout en soulignant que d'autres pays - Jordanie, Arabie saoudite, Qatar et Turquie - continuent de fournir une aide. "A l'évidence, cette décision aura des conséquences sur le théâtre syrien, en particulier dans le nord et le sud du pays. L'arrêt de l'aide à l'ASL par la communauté internationale renforcera la main d'Assad et des groupes extrémistes", a déclaré un commandant de l'ASL. Soutenus par la Jordanie, les groupes affiliés à l'ASL dans le sud de la Syrie ont permis de contenir des groupes djihadistes comme l'ex-Front al Nosra et ont lancé une offensive contre l'Etat islamique. Dans le Nord-Ouest, les groupes de rebelles "modérés" ont été souvent submergés par les djihadistes et l'aide a été déjà suspendue temporairement. "Les Américains nous informent qu'ils ont conclu des accords sérieux avec les Russes. Les Américains disent qu'ils ont une nouvelle stratégie en Syrie qui n'est pas semblable à celle de l'époque d'Obama", a commenté un autre commandant de l'ASL. "Est-ce que c'est dans notre intérêt ? Bien sûr que non. Nous attendons de voir." Mis à part les bombardements de représailles menés début avril après une attaque au gaz chimique imputée au régime, l'administration Trump n'a pas étendu les limites de l'engagement militaire américain en Syrie définies par l'administration précédente. (John Walcott et Ayesha Rascoe, Julie Carriat et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)