Pour trouver le sommeil, ils ont un secret : écouter des podcasts de faits divers ou de témoignages angoissants

Pour s’endormir, ces personnes écoutent des podcasts qui racontent des histoires sordides.
FreshSplash / Getty Images Pour s’endormir, ces personnes écoutent des podcasts qui racontent des histoires sordides.

SOMMEIL - 23 heures, un dimanche soir pluvieux. Vous vous apprêtez à aller vous coucher afin d’être en forme pour la reprise du travail. Vous avez tout fait pour optimiser vos chances de passer une nuit réparatrice : arrêté les écrans tôt, préparé une tisane qui clame fièrement ses bénéfices pour le sommeil. Mais au moment de vous blottir sous votre couette, il manque encore l’essentiel : lancer un podcast qui narre l’intégrale des crimes d’un tueur en série.

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Vous vous reconnaissez dans ce scénario ? Et bien, rassurez-vous, vous n’êtes pas seul. Que ce soit des podcasts de faits divers, comme « Affaires Sensibles » sur France Inter ou « Crime Story » du Parisien, ou des témoignages audio sur des sujets parfois difficiles, comme certains épisodes de « Transfert » de Slate et « Passages » de Louie Média, les histoires tragiques, voire sordides dans le cas des deux premiers, peuvent être étrangement apaisantes pour certains. Au point de les endormir.

« Il y a quelque chose d’assez troublant dans cette conduite-là », constate Samuel Dock, psychologue clinicien que nous avons contacté. Selon lui, on peut se questionner sur « le surgissement du sordide et du spectaculaire à un moment calme ». Pour y voir plus clair, Le HuffPost a interrogé les amateurs de cette pratique quelque peu surprenante.

Penser à autre chose

Pauline est une adepte de « Transfert », « Passages » et des « Rescapés », qui raconte l’histoire de gens « qui ont connu des déflagrations dans leur vie », selon la description de l’émission. Même si ces podcasts racontent des récits de « femmes qui ont subi des violences sexuelles, de personnes qui ont été amputées ou qui ont eu un grave accident », la vingtenaire aime les écouter du fond de son lit. Un moyen pour elle d’arrêter de cogiter : « C’est une autre personne qui me raconte ses problèmes, du coup je ne pense plus aux miens. »

Samuel Dock confirme ce mécanisme : « On oublie ses problèmes face à ce côté spectaculaire. » Sylvie, une chiropractrice de 41 ans et auditrice d’Affaires Sensibles, connaît bien cette sensation. « C’est un moment où on s’évade du quotidien, estime-t-elle. On sent que le corps relâche, même si ça mobilise l’esprit. »

Se rassurer face au monde extérieur

Un moyen aussi de relativiser ses soucis. Quand Pauline écoute des témoignages tragiques, elle se dit que « certaines personnes ont des histoires de vie bien plus compliquées et arrivent à s’en sortir ». Un effet que confirme Marie, étudiante de 27 ans à Paris, aussi adepte de ces podcasts qui lui permettent « de relativiser [sa] propre histoire et de [se] dire que des gens ont vécu pire ».

Pour Samuel Dock, en effet, « se confronter à l’horreur peut produire un effet où on va être rassuré. C’est tellement abject, qu’on en est à l’abri. On est sous la couette, on se dit qu’on est en sécurité et que c’est très lointain. » Ce qui peut aider à s’endormir, selon lui. « On se compare… Et on se dit, ouf, on a de la chance d’être vivant », ajoute-t-il.

Selon lui, écouter ce type d’histoire avant de s’endormir fait aussi « écho au mythe selon lequel il faut réussir à tenir le foyer comme un lieu sécure ». Pour cela, le psychologue estime qu’il faut « réussir à considérer le monde extérieur comme dangereux ». Ainsi, en écoutant ces podcasts, « on se dit qu’on est en sécurité chez soi ».

« J’ai déjà fait des cauchemars »

Un autre argument est évoqué à l’unisson : certaines caractéristiques techniques des podcasts aident à s’endormir. Marie parle d’histoires « super bien détaillées et bien rythmées, (... ) avec la voix du témoin qui est un peu chevrotante » jusqu’à en perdre « un peu haleine ». « Ça me fait comme une berceuse », assure-t-elle. Pour Sylvie, c’est la voix « grave et reposante » de Fabrice Drouelle dans « Affaires Sensibles » qui est plébiscitée.

Pour autant, Samuel Dock ne recommande absolument pas cette pratique à une personne qui a des problèmes de sommeil. « Avant l’endormissement, il faut être dans le prendre soin », rappelle-t-il. Selon lui, le sommeil est un « temps précieux », et cette approche est « le meilleur moyen de passer une mauvaise nuit et d’avoir le sommeil saccadé ».

Pourtant, parmi nos auditrices interrogées, seule Marie évoque des effets négatifs. « J’ai déjà fait des cauchemars. Je me suis aussi déjà réveillée plus tôt à cause de cela », détaille-t-elle. Mais visiblement pas de quoi la faire arrêter pour autant.

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