"Mon travail c’est de redonner un peu d'apaisement autour de l'équipe", Gourvennec se livre sur ses débuts nantais

Dans le calme de son bureau de la Jonelière, Jocelyn Gourvennec a reçu RMC Sport pour un entretien fleuve alors que ses débuts au poste d’entraîneur sont poussifs avec une victoire et un nul en six rencontres de Ligue 1 et une élimination en Coupe de France face à Laval. Le coach des canaris explique être au début d’un processus nouveau alimenté par les recrues du mercato et les jeunes du centre de formation. Il espère les effets de son travail rapidement sur les résultats.

Dans quel état d'esprit se trouve-t-on quand on a enchaîné cinq matches sans victoire en ligue 1?

Le dernier est un petit peu différent parce qu'on était vraiment très proche de gagner. On était sur une série de quatre défaites de suite en championnat. C'est un peu long, c'est trop long. Chaque match a son histoire: le match de Lyon, on doit le gagner, le match de Clermont, on doit le gagner. On avait perdu contre Paris alors qu'on avait fait un très bon match. On sait qu'il manque des choses. Donc on y travaille et on corrige. Je pense que contre Reims dimanche on est monté quand même d'un cran, un peu tous les niveaux, sauf peut-être encore dans la finition. On a une situation et notamment un penalty, où là c'est une vraie occase que l'on ne marque pas. Donc il y a encore des choses à améliorer, mais on a resserré un peu partout pour avoir un visage plus solide, plus structuré et meilleur dans le jeu.

Plusieurs coachs ici ces dernières années ont mis en avant le manque de leader. Est-ce que c'est quelque chose que vous ressentez également?

On peut dire qu'il n’y a pas de joueurs qui se dégagent, mais plusieurs joueurs qui sont capables de de faire ça, il faut aller là-dessus. Je n’ai pas José Fonte ou Burak Yilmaz dans le vestiaire, des personnalités très fortes qui sont capables de prendre beaucoup de place. En revanche, on a des joueurs d'expérience, on a des joueurs qui ont été internationaux français, d'autres joueurs qui sont aussi internationaux, qui ont maintenant beaucoup d'expérience, qui ont gagné des titres et tout ça mis bout à bout doit nous permettre aussi d'avoir une forme de leadership un petit peu différente peut être d'un schéma classique avec un ou deux joueurs qui sont des leaders. Je pense à Pedro Chirivella ou Nico Pallois qui sont des joueurs anciens ici maintenant ou Sissoko qui a une grande carrière ou Alban Laffont qui est international et Jean-Charles Castelletto qui à sa manière est un vrai exemple aussi pour ses partenaires.

Quentin Merlin est parti, c’était impossible de s’opposer à son départ?

Si tu fermes la porte à un joueur comme ça, tu ne sais pas comment tu le récupères. Et ce dont on a besoin jusqu'à la fin de saison c'est d'une grande détermination de la part de chacun de nos joueurs. Quand il se passe ça, on ne sait pas comment ça va être derrière. Donc c'est très difficile effectivement pour ces raisons-là de retenir un joueur comme ça.

Vous lui aviez demandé de jouer au poste de milieu de terrain?

Pas du tout. On peut imposer des choses, mais après c'est mieux que le joueur s'en imprègne et comprenne pourquoi l'entraîneur veut faire telle chose ou telle chose. C'est important de bien expliquer. Le management directif et vertical est de moins en moins adapté. On a parfois des profils comme ça où on peut utiliser le joueur à différents postes et Quentin était un bon exemple. Il a été formé plus haut. Après on a des joueurs forts au milieu aussi. On a Simon qui prend de la place devant. Je ne sais pas ce que fera Gennaro Gattuso, ça va être sa mise en place à lui. Quentin a joué ici, il a apporté sa contribution à l'équipe et il faut lui souhaiter bon vent maintenant.

Ce départ marque les esprits car c’est un joueur formé ici que le club ne peut conserver. Est-ce que le FC Nantes d’hier n’est plus possible aujourd’hui?

Quand tes jeunes émergeaient en nombre, tu ne pouvais pas les garder. Nantes n'a jamais pu garder ses jeunes. Il faut aussi se souvenir de ça. Ils pouvaient devenir internationaux chez toi. Il y en a eu un paquet de ma génération: Nico Ouedec, Reynald Pedros, Pat Loko, Christian Karembeu...

Ils arrivaient à aller chercher un titre!

Mais maintenant c'est devenu très compliqué. Le moindre jeune qui émerge, tu es attaqué tout de suite. Parce que beaucoup de clubs en France, mais surtout à l'étranger, ont des moyens hors-norme. Quand tu es face à cette réalité-là tu ne peux pas garder tes joueurs. Vous pouvez m'expliquer comme vous voulez, mais c'est mécanique. C'est impossible, on ne peut pas! Le FC Nantes ne pouvait pas proposer un nouveau projet à moyen terme à Quentin par exemple. Avec ce qui est en face, c'est impossible.

Est-ce qu’une partie des supporters nantais doit arriver à intégrer ça?

C'était le football d'hier, mais on a des jeunes que l'on fait jouer actuellement, que l'on fait émerger et qui vont venir petit à petit. Et il y a de la qualité. Donc on va en continuer à en voir je pense. Ça fait partie de l'ADN du FC Nantes de laisser de la place pour l'émergence de ces jeunes talents. Et là on en a et on va les voir. Et donc ça fait partie de mon job. Je l'ai dit dès le départ, dès mon arrivée, et je mets en accord ce que j'ai dit et ce que je fais, y compris à un moment où on est un peu sous pression des résultats. Encore à Reims ce weekend où un garçon de 18 ans joue en défense centrale (Nathan Zézé NDLR). Les garçons de 19 et 20 ans rentrent en cours de match alors que c'est c'est tendu. Je ne le fais pas par plaisir, c'est juste que ça fait partie de mon job.

Les relations avec la formation étaient compliquées ces dernières années, il y a eu parfois des éclats de voix avec les coachs précédents. On sent que les portes sont de nouveau ouvertes, c’est un objectif?

Je ne sais pas pourquoi il y a eu parfois des éclats de voix. Moi, je n'ai jamais eu d'éclats de voix avec les gens de la formation dans tous les clubs où je suis passé. On travaille tous pour le club, chacun dans son rôle, à la formation ou chez les pros. L'intérêt de tout le monde, c'est que c'est toujours plus agréable, entre guillemets, d'accompagner des jeunes et puis de les faire jouer chez les pros. Moi je dis les choses, j'explique les choses. On est d'accord, on n'est pas d'accord, mais en tout cas on les choses sont dites. Si dans une génération il y a des manques, bah il y a des manques. En revanche s'il y a de la qualité il faut tout faire pour favoriser leur accompagnement et pour qu'ils soient très bons pour le FC Nantes.

Avec les supporters le contexte n’est pas simple parce qu'il y a ce poids de l'histoire, une relation tendue avec la direction depuis 17 ans, contre Clermont, on a entendu des chants en l’honneur de Pierre Aristouy votre prédécesseur. Des joueurs commencent à dire tout haut que cet environnement les agace. Comment le vivez-vous?

Moi je suis un Nantais d'adoption. J'ai passé 3 ans à Nantes, j'ai l'impression d'en avoir fait 10. Je pense coller parfaitement à la philosophie du club, par le joueur que j'étais et aujourd'hui en tant qu'entraîneur avec ce que je mets en place. Mon travail c’est petit à petit de redonner un peu d'apaisement autour de l'équipe et ça passe par une refonte entre guillemets de notre effectif, de notre vestiaire, par l'état d'esprit des joueurs qui le composent et par les qualités des joueurs que l'on veut avoir et ça passe évidemment par de meilleurs résultats. Mais le processus est en cours.

L’objectif c’est donner un nouveau visage à cette équipe?

Le mercato était bienvenu pour justement réussir à avoir un vestiaire différent, avec une mentalité qui colle à ce que je veux avoir à savoir des joueurs focus sur le club, pas centrés sur eux, des compétiteurs, des joueurs intenses, des joueurs qui collent à la réalité du haut niveau. C'est mon travail aujourd'hui et petit à petit ça va prendre. Je vois bien la différence à notre arrivée et comment s'entraînent les joueurs aujourd'hui, c'est complètement différent. L'état d'esprit est différent. Les nouveaux joueurs nous ont apporté aussi ça, les jeunes nous ont apporté ça. Le processus est en cours. Après on est dans une période où on est encore instable en termes de résultats. Mais ça part de loin parce que le FC Nantes est avant-dernier de Ligue 1 sur l'année civile 2023. Donc le processus part de loin et il faut le prendre à bras le corps pour le modifier. C'est ce qu'on fait actuellement, donc ça va forcément avoir des répercussions positives. Faut simplement que dans ce moment un peu instable sur le plan des résultats, on passe ça tous ensemble en faisant corps. Il faut qu'on ait les meilleurs résultats possibles pour le FC Nantes tout en donnant une belle image du FC Nantes, je pense que c'est ce que veut tout le monde aussi. Et non pas une image d'instabilité. Je pense qu'on a la possibilité aujourd'hui, peut-être aussi parce que j'ai un passé nantais, de retrouver de la stabilité et de faire des choses qui sont un petit peu différentes de ce qu'a fait l'équipe en 2023.

Faire corps c’est aussi demander aux joueurs de ne pas trop regarder les réseaux sociaux par exemple?

Les réseaux se sont développés depuis une petite dizaine d'années. C'est très bien aussi parce que ça permet à chacun de s'exprimer simplement. Quand tu es acteur dans le sport le plus populaire au monde, tu es forcément exposé et il y a de l'excès dans les deux sens. C'est mieux dans les périodes un peu plus difficiles de se recentrer sur son job, sur le jeu de l'équipe, sur les choses qu'on fait bien. C'est en ça que moi j'encourage les joueurs à faire attention parce qu'ils sont sensibles à ça, aussi parce qu'ils sont plus jeunes. Moi je suis plus âgé, j'ai été à leur place et maintenant je suis entraîneur donc j'ai sûrement plus d'expérience aussi pour pouvoir tenir ce discours-là. Mais c'est un discours de bon sens pour aider les joueurs à se sentir mieux.

C’est valable pour vous?

Moi quand je suis en poste, je n'écoute rien. Je ne regarde pas d'émission. Je regarde des matchs bien sûr, mais le reste je ne lis pas, je ne regarde pas, je ne vais pas sur les réseaux. Je reste concentré sur mon job, tout ce que je peux maîtriser dans le management, dans la préparation de l'équipe. C'est ça le job d'entraîneur, je ne veux pas m'éparpiller, me disperser sur des choses qui n'en valent pas la peine. Qui ne sont pas essentielles en tout cas. J'accepte la critique bien entendu parce qu'elle fait partie du jeu, mais je ne veux pas rentrer dans un débat et me justifier en permanence. J'ai gagné des titres en tant qu'entraîneur. J'ai fait de très belles choses en tant qu'entraîneur. Je pense que mon passé parle aussi pour moi. J'ai l'habitude de dire que je me bats pour maîtriser ce que je peux maîtriser et ce que je ne peux pas maîtriser, je vis avec et je m'adapte.

Il y a eu 18 mois d’arrêt entre votre départ de Bordeaux et votre arrivée à Nantes, avez-vous pensez que c’était la fin de votre carrière?

Non, jamais, parce que j'ai eu des contacts, des discussions, des rendez-vous avec différents clubs. Après les choix font que soit c’est moi, soit c'est le club ou la fédération, puisque j'avais été reçu par la fédération pour les espoirs ou les féminines. C'étaient des discussions intéressantes. Mais après, quand les planètes ne s'alignent pas ou quand vous ne sentez pas les choses, ça ne se fait pas. Des fois c'est à mon initiative, des fois c'est à l'initiative d'un potentiel futur employeur. J'ai eu pas mal de rendez-vous, y compris avec des clubs étrangers. Et puis quand ça s'est fait avec Nantes, ça s'est fait très vite. Je ne l'avais pas imaginé à ce moment-là de la saison. Mais ça a bien matché. Vous savez entraîneur c'est une vocation. Moi j'ai toujours voulu faire ça, je le fais. J'ai joué en pro à 16 ans en Ligue 2 à Lorient. J'étais en seconde à l'époque. Je voulais faire des études mais je voulais aussi être footballeur pro. Je me suis dit je veux être joueur de foot, c'est la vie que je veux mener et après cette vie-là, je veux être entraîneur. J'ai toujours aimé comprendre les choses, ça a parfois embêté mes entraîneurs qui trouvaient que je réfléchissais trop ou que j'étais un peu trop casse-bonbons sans doute, mais je voulais comprendre les choses. Ça me sert encore plus aujourd'hui parce que les joueurs, sans doute plus qu'avant, veulent comprendre pourquoi on fait les choses. Il faut beaucoup expliquer.

Cette longue pause, le fait de côtoyer la jeunesse avec vos trois filles, ça a fait évoluer votre façon de travailler avec les joueurs?

Il y a le fait qu'on a des enfants qui sont dans la jeune génération et donc on s'adapte à ça aussi en tant que parent. Mais je pense que c'est d'avoir fait des choses différentes et puis d'avoir fait une année complète à Lille sur du très haut niveau. En ayant des résultats en Champions League, en performant en Champions League, ce qui n’arrive pas à beaucoup d'entraîneurs français, d'avoir répondu présent et d'avoir côtoyé un vestiaire de très haut niveau, avec des vrais compétiteurs et beaucoup de caractère, un vestiaire avec beaucoup d'énergie, plus la coupure d'arrière qui m'a permis de bien réfléchir et de bien tirer un vrai profit de cette expérience lilloise à très haut niveau. Tout ça m'a servi et m'aide aujourd'hui à être, je pense à aller un peu plus à l'essentiel, d'être plus réactif, plus dynamique, plus vivant aussi. Cette année à Lille m'a beaucoup servie.

Article original publié sur RMC Sport