Transidentité : la proposition de loi LR sur les mineurs trans est « réactionnaire », selon ces psys

Le groupe Les Républicains (LR) au Sénat a déposé le 19 mars une proposition de loi visant à « encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre ».
DBenitostock / Getty Images Le groupe Les Républicains (LR) au Sénat a déposé le 19 mars une proposition de loi visant à « encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre ».

TRANSIDENTITÉ - Il n’y a pas que la Défenseure des droits qui s’inquiète des effets de la proposition de loi LR sur la transidentité des mineurs, de nature selon elle à « porter atteinte aux droits et à l’intérêt supérieur » des enfants. Dans une tribune publiée sur Politis le 13 mai, plus de 1 000 psychologues, psychiatres, psychanalystes, profs et étudiants en psychologie estiment que ce texte « instrumentalise » leur discipline « à des fins transphobes ».

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Le groupe Les Républicains (LR) au Sénat a déposé le 19 mars une proposition de loi visant à « encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre ». Elle prévoyait dans un premier temps d’interdire les bloqueurs de puberté, les traitements hormonaux et les opérations chirurgicales avant l’âge de 18 ans. Et de privilégier une approche centrée sur des « soins psychiques ».

Un amendement a finalement autorisé les bloqueurs pour les mineurs, à condition que ces derniers soient suivis depuis deux ans. Son examen en séance publique est prévu ce 28 mai.

Pour les professionnels de la psychologie signataires de la tribune, cette proposition de loi va à l’encontre de la « protection des enfants » – pourtant l’argument maître des sénateurs LR –, puisqu’elle limiterait les soins de transition dont ont besoin les enfants et adolescents qui se posent des questions sur leur identité de genre ou souffrent de « dysphorie de genre » – un trouble lié au fait d’avoir les attributs physiques d’un genre auquel on ne s’identifie pas.

Risques suicidaires et troubles psy

« Le non-accès aux soins de transition augmente les risques suicidaires et les troubles psy chez ces adolescents, soutient Lucile Montalescot, maîtresse de conférences en psychologie clinique de la santé à l’Université de Nîmes et signataire de la tribune. Les conséquences psychologiques de ce manque d’accès peuvent être dramatiques. » Les bloqueurs de puberté, pointés du doigt dans la proposition de loi, représentent au contraire pour ces professionnels une manière d’accompagner ces adolescents dans leur questionnement.

« On part du principe que les bloqueurs de puberté sont l’autoroute et la porte ouverte à toutes les fenêtres. Alors qu’ils ont pour fonction justement de donner le temps à ces enfants d’explorer leur genre et peut-être de se dire qu’en fait non, souligne Lucile Montalescot. Et qu’ils puissent explorer leur identité accompagnés, dans un environnement sécurisant, accompagnés. »

Un point de vue que partage la Défenseure des Droits, Claire Hédon, qui dénonce dans son avis la « formulation pathologisante » retenue par les auteurs de la proposition de loi qui « fait craindre une approche de la santé des mineurs transgenres centrée exclusivement sur une approche psychiatrique ».

La chirurgie de réassignation, un « épouvantail »

Pour ces psychologues, l’évocation dans la proposition de loi d’« opérations chirurgicales avant 18 ans » est tout simplement un « épouvantail » brandi pour créer une « panique morale ». « La chirurgie génitale de réassignation de genre chez les mineurs trans, c’est un phénomène quasi inexistant en France, soutient Camille Vansimaeys, maître de conférences en psychologie clinique et psychopathologie à l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, coauteur de la tribune. Il peut y avoir, à partir de 16 ans, des chirurgies de torsoplastie, mais cela reste très rare. »

Ils dénoncent par ailleurs le fait que leur discipline soit instrumentalisée à des fins politiques. « Durant les auditions, la parole n’a été donnée qu’à des personnes qui, pour des raisons idéologiques, servent une vision de la transidentité qui, à mon sens et au sens de la discipline, n’est absolument pas à jour, dénonce le psychologue. Et qui repose encore sur des modèles hypermédicalisés et psychiatrisés, psycho-pathologisants de la transidentité. »

Selon eux, les professionnels interrogés par les sénateurs soutiennent notamment les « thérapies de conversion », explicitement interdites en France depuis 2022. Les psys contre la proposition de loi défendent au contraire une approche « humaniste » de la psychologie, qui met au centre « la capacité des individus à s’autodéterminer ». « Le rôle du psychologue, c’est vraiment d’accompagner les individus à pouvoir explorer leur identité, leurs besoins, et les ressources pour pouvoir y répondre », développe Camille Vansimaeys.

Un « porte-étendard pour la droite conservatrice »

Ils estiment aussi que le sujet de la transidentité est devenu ces dernières années, en France et en Europe, un « porte-étendard pour la droite conservatrice ». « Après le mariage pour tous, ils ont trouvé un nouveau truc pour fédérer les gens autour d’une question où les gens ne sont pas très renseignés, se sentent un peu perdus, estime Lucile Montalescot. Et du coup ils capitalisent sur cette méconnaissance et sur ce manque de données. »

Pour eux, il faudrait commencer par financer la recherche sur ces sujets, informer à la fois les professionnels et le grand public, afin aussi de « démystifier les croyances » sur un phénomène « extrêmement minoritaire », qui ne concerne pas plus d’1 % de la population. « Les questions autour du genre et de la sexualité ne sont pas du tout au cœur de la formation des psychologues, en particulier en psychologie clinique et psychopathologie », regrette Camille Vansimaeys.

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