Trêve décrétée en Ukraine: pourquoi les Russes fêtent Noël le 7 janvier?

On dirait une scène d'opérette bien répétée. Jeudi, le président russe Vladimir Poutine, semblant répondre à l'appel du patriarche de l'Église orthodoxe de Moscou Kirill, a décrété une trêve pour les 6 et 7 janvier sur le front ukrainien.

Entré par conséquent en vigueur ce vendredi à midi selon l'heure locale, à 9h selon l'heure française, ce cessez-le-feu a hélas été immédiatement démenti par la continuation des bombardements et des duels d'artillerie sur la ville de Bakhmout.

Quand le calendrier julien était la norme

La fenêtre de deux jours, proposée unilatéralement par le dictateur russe, n'était pourtant pas arbitraire: elle correspond au réveillon et à la célébration de Noël pour l'Église orthodoxe locale.

Noël le 7 janvier, l'idée a de quoi étonner de prime abord. Pourtant, ce décalage de 13 jours n'a rien d'une maldonne. Il tient au fait que les calendriers observés de part et d'autre ne coïncident plus.

Il faut d'abord préciser que du point de vue de l'Église orthodoxe, ce vendredi marque bien le 24 décembre. C'est qu'elle se fonde toujours sur le calendrier julien tandis que la communauté internationale est progressivement passée au calendrier grégorien.

Russie comprise d'ailleurs: en 1918, la jeune Russie communiste - qu'on n'appelait pas encore Union soviétique et dont "la révolution d'octobre" avait donc eu lieu en novembre selon la temporalité alors en place - a en effet décidé d'emboîter le pas au reste du monde occidental. L'Église orthodoxe n'a pas souhaité adopter cette réforme émise par un régime athée et fait depuis lors cavalier seul.

Il n'en pas toujours été ainsi. Bien au contraire, pendant quinze siècles au bas mot, l'ensemble de la chrétienté a vécu au rythme julien. C'est la Rome antique qui a institué ce calendrier. Et celui-ci est dit "julien" en référence au consul Jules César qui l'avait imposé, souligne ici le site historique Hérodote.

On découpe déjà l'année en douze mois, les semaines en sept jours. C'est le décompte des années bissextiles qui diffère. Et la méthode en vigueur finit par engendrer des jours intercalaires, et donc un délai par rapport au cycle astronomique.

Une bascule et un écart

Pour y remédier - et ce retard s'accumulant -, on se résoud finalement à une formule comptant moins d'années bissextiles afin de mieux coller à la période astronomique. Le changement intervient en 1582, sous la volonté du pape Grégoire XIII: d'où bien sûr, ce label "grégorien". Les royaumes et principautés opèrent la bascule à des dates différentes cependant. En France, le 9 décembre 1582 débouche par exemple sur le 20 décembre.

L'Église orthodoxe s'étant détachée de l'autorité de Rome depuis 1054, l'empire russe, lui, ne procède alors à aucune modification (d'où l'écart qu'on observe encore aujourd'hui, et qui tend à augmenter au fil des siècles). Il faudra donc la laïcisation de l'État en 1918 pour qu'il s'aligne, sans, comme on l'a dit, être imité par le clergé local.

Article original publié sur BFMTV.com