“Tous les enfants arrêtés sont gazés, aucun ne reviendra” : Samuel Pintel, survivant de la rafle de la Maison d’Izieu, raconte

Le 6 avril 1944, des dizaines d’enfants juifs réfugiés dans la Maison d’Izieu sont raflés sur ordre de Klaus Barbie. Pour Yahoo, Samuel Pintel, l’un des survivants, a accepté de revenir sur cet évènement, 80 ans après. Il s’est également livré sur son combat pour faire vivre la mémoire des victimes. Un témoignage poignant.

Nous sommes en pleine Seconde Guerre mondiale en zone d’occupation italienne. Le petit Samuel Pintel et sa mère Thérèse sont assignés à résidence sur les bords du lac d'Annecy, à l’Hôtel des Marquisats, un lieu essentiellement réservé aux femmes et enfants juifs. Sur place, ils ne sont pas persécutés mais fichés par l’administration. "J’ai 5 ans à l’époque et je comprends qu’être juif, c’est une source de problèmes extrêmement grave", se souvient-il.

Mais pour leur plus grand malheur, les Italiens finissent par capituler et une rafle des Allemands vient à les séparer. Le 16 novembre 1943, alors qu’un contrôle des identités est en cours, la mère du jeune garçon prend la douloureuse décision de se séparer de son fils afin de lui donner la chance de vivre. Elle lui lâche brusquement la main et le pousse vers une femme, la seule non juive du groupe. Lui parvient à passer entre les mailles du filet mais sa mère, dont le nom figure sur la liste, se retrouve, sans grande surprise, en état d’arrestation et “monte dans le camion”. “C’est impressionnant une rafle menée par des hommes en armes avec des armes automatiques, des hurlements. Ça n’arrive pas tous les jours”, se remémore-t-il au micro de Yahoo.

Séparé de sa mère, le jeune Samuel est finalement confié aux employés de l’UGIF, l’Union générale des Israélites de France à Chambéry, une institution en liaison avec une maison d’enfants, la Maison d’Izieu. Il y est emmené avec son copain Marcel dans une carriole de fortune. Alors âgé de six ans, il reste dans cette “cachette” pendant un moment et semble s’y plaire. Là-bas, les adultes s’efforcent de former une sorte de cocon autour des enfants. Ils veulent pour eux un rythme de vie ordinaire, des repères, peu importe le temps qu’ils y restent.

Mais le jeune garçon doit finalement dire au revoir à ses petits copains en janvier 1944. On lui ordonne de faire ses affaires pour retourner à Chambéry. Il espère y retrouver sa mère mais se retrouve finalement face à une autre femme, Madame Bosselut, son ancienne voisine de pallier à Paris avec qui sa mère est parvenue à entrer en contact. Elle va prendre soin de lui.

“Tout le monde est arrêté”

Le 6 avril 1944, soit quelques mois plus tard, le pire se produit à la Maison d’Izieu et Samuel y échappe de justesse. “Tout le monde est arrêté. Les 44 enfants et 7 de leurs éducateurs rejoignent le camp de Drancy et sont déportés par plusieurs convois” à Auschwitz-Birkenau, explique-t-il tout en rappelant l’issue fatale de cette rafle menée par Klaus Barbie. “Tous les enfants arrêtés sont gazés et aucun ne reviendra.” Finalement, après la Libération, le petit Samuel retrouve sa mère, survivante du camp de Bergen-Belsen, et son père qui avait été fait prisonnier et détenu dans un stalag près de Memmingen (Bavière).

Le procès de Klaus Barbie à Lyon se tient en 1987, un événement lors duquel Samuel découvre que la maison dans laquelle il avait vécu 45 ans auparavant se situait à Izieu, dans l’Ain. Un nom qu’il ignorait jusqu’à présent. Il réalise donc avoir été le dernier enfant à avoir quitté la maison, en janvier 44, avant la rafle d’avril. Un élément qui le conduit à s’engager auprès de Madame Zlatin, l’ancienne directrice des lieux, qui n’était pas présente le jour de la rafle, pour la création d’un mémorial à Izieu. "Je ne pouvais pas rester en réserve. Je l’ai aidée, accompagnée du mieux que j’ai pu”, explique-t-il. Après plusieurs années, la Maison d’Izieu devient le mémorial des enfants juifs exterminés, inauguré le 24 avril 1994 par François Mitterrand, alors président de la République.

Aujourd’hui, Samuel Pintel veut continuer à honorer la mémoire des victimes en témoignant et en racontant sa propre histoire. Interrogé sur le monde d’aujourd’hui, l’octogénaire déplore la recrudescence importante des actes antisémites. “Être juif en ce moment, ça me fait revenir dans les années 40 avec un antisémitisme exacerbé. Maintenant c’est du mort aux juifs.”