Toshiba a signé l'accord pour la cession des puces à Bain

par Makiko Yamazaki

TOKYO (Reuters) - Toshiba a annoncé jeudi avoir signé un accord pour céder sa division de puces-mémoires à un consortium emmené par le fonds d'investissement Bain Capital pour 2.000 milliards de yens (15,1 milliards d'euros) au terme de tractations aux multiples rebondissements, ce qui lui doit lui permettre de consolider sa situation financière.

Mais, détail de mauvais augure, la conférence de presse à Tokyo a été annulée, Bain rapportant que le consortium n'avait pu se mettre d'accord sur le sujet, ce qui tend à renforcer les craintes que le groupe de huit membres ne représente trop d'intérêts divergents pour fonctionner correctement.

Le conseil d'administration du conglomérat japonais avait donné son feu vert la semaine dernière à la cession de cette division, numéro deux mondial des mémoires NAND, mais la signature avait été reportée car, selon des sources au fait du dossier, Apple, l'un des membres du consortium et client de la division, avait demandé de nouvelles conditions pour la fourniture de puces en échange de sa participation au financement de l'opération.

"Ce consortium a tant de membres qu'il sera difficile de parvenir à un consensus et de se mettre d'accord sur la question de savoir qui prendra l'initiative", note Hideki Yasuda chez Ace Research Institute, tout en ajoutant qu'une finalisation de la cession réduirait considérablement les risques pour Toshiba.

Malgré l'annulation de la conférence de presse quelques minutes avant l'heure à laquelle elle devait démarrer, le responsable de Bain Capital au Japon, Yuji Sugimoto, a dit que le désaccord concernant l'information à la presse n'avait aucune incidence sur l'opération. Il n'a pas précisé les membres du consortium qui se sont opposés à la tenue de la conférence.

Le consortium emmené par Bain comprend aussi le fabricant de semi-conducteurs sud-coréen SK Hynix ainsi que les groupes américains Dell, Seagate Technology et Kingston Technology.

L'accord prévoit que Toshiba réinvestira dans la division aux côtés de Hoya Group, spécialisé dans le matériel médical mais qui fabrique aussi des pièces pour les équipements de fabrication de semi-conducteurs, permettant à des entreprises japonaises de la contrôler à plus de 50%, comme le souhaitait le gouvernement.

Un fonds public et une banque japonaise ont aussi fait part de leur intérêt pour un investissement dans la division à l'avenir sous certaines conditions, a précisé Toshiba dans un communiqué.

"RETOUR A LA NORMALE"

Aux termes de l'accord, Toshiba détiendra 40,2% des droits de vote au sein de la division puces-mémoires et Hoya 9,9%, les autres membres du consortium se partageant les 49,9% restants, a dit SK Hynix dans un communiqué.

Ce dernier a précisé que son conseil d'administration avait donné son feu vert à l'opération et qu'il apporterait l'équivalent de 395 milliards de yens dans le cadre de son financement.

Seagate a dit jeudi qu'il contribuerait à hauteur de 1,25 milliard de dollars (1,06 milliard d'euros).

"Beaucoup des risques qui pesaient sur Toshiba ont disparu. Le groupe va pouvoir redevenir une entreprise normale", a commenté Hideki Yasuda, analyste au Ace Research Institute.

Les discussions sur la cession ont duré plus de neuf mois, le gouvernement japonais hésitant sur le repreneur auquel il apporterait son soutien tandis que Western Digital, qui exploite en partenariat avec Toshiba la plus grande usine de semi-conducteurs du conglomérat japonais au Japon et qui participait lui-même à un consortium concurrent, a multiplié les obstacles judiciaires pour défendre ses intérêts.

Les tensions entre Toshiba et Western Digital se sont envenimées en raison de leur incapacité à trouver un nouvel accord de coentreprise sur les semi-conducteurs après l'acquisition par Western Digital de SanDisk, partenaire de Toshiba dans ce segment depuis 17 ans, en mai 2016.

Les âpres querelles autour de la division puces-mémoires de Toshiba souligne aussi l'importance des mémoires NAND, le stockage des données étant crucial pour la plupart des technologies de nouvelle génération, allant de l'intelligence artificielle et la conduite autonome à l'internet des objets.

Toshiba espère boucler rapidement la cession de ses puces-mémoires afin de redresser sa situation financière, mise en danger par la faillite de sa filiale nucléaire américaine Westinghouse, et éviter de comptabiliser une nouvelle fois un actif net négatif, ce qui pourrait avoir comme conséquence sa radiation de la cote.

Western Digital a dit mardi qu'il allait demander en référé que la cession soit bloquée.

(avec Kentaro Hamada et Taro Fuse, Marc Joanny et Juliette Rouillon pour le service français, édité par Véronique Tison)