Timothée Chalamet est-il vraiment « l’homme nouveau » ?

VENICE, ITALY - SEPTEMBER 02: Timothee Chalamet attends the
Andreas Rentz / Getty Images VENICE, ITALY - SEPTEMBER 02: Timothee Chalamet attends the "Bones And All" red carpet at the 79th Venice International Film Festival on September 02, 2022 in Venice, Italy. (Photo by Andreas Rentz/Getty Images)

LIVRE - Timo, Timmy, Sweat Tea ou tout simplement Timothée... Depuis que sa carrière a explosé grâce à son rôle dans Call Me By Your Name, Timothée Chalamet n’a pas seulement hérité d’un panel de surnoms. L’acteur est sur toutes les bouches et, depuis ce mercredi 12 octobre, fait désormais l’objet d’un nouvel essai chez nous en France.

Ce livre s’intitule Libérés de la masculinité : Comment Timothée Chalamet m’a fait croire à l’homme nouveau (JC Lattès) et a été écrit par la journaliste et spécialiste des questions LGBT+ Aline Laurent-Mayard, à qui l’on doit un guide intitulé Le genre expliqué à celles et ceux qui sont perdu.es et le podcast Free from desire ou comment l’asexualité m’a libérée.

Aline Laurent-Mayard, la trentaine, est obsédée par Timothée Chalamet, mais vraiment. Elle vit Timothée Chalamet, elle dort Timothée Chalamet, mange Timothée Chalamet. Il est au cœur de ses conversations entre amies. Ensemble, elles rêvent de partir en vacances en Italie, là où a été tourné le film de Luca Guadagnino.

À vrai dire, depuis la sortie du long-métrage en 2018 (et malgré un carton au box-office somme tout relatif), Timothée Chalamet est partout. Au ciné, à l’affiche des gros blockbusters, comme Dune, Don’t Look Up, ou dans les films des cinéastes les plus en vue, comme chez Wes Anderson (The French Dispatch) ou Greta Gerwig (Lady Bird, Les Filles du docteur March).

Timothée Chalamet, l’anti « bad boy »

L’acteur franco-américain que les médias anglo-saxons ont longtemps qualifié de « next big thing » du cinéma hollywoodien n’a que 26 ans, mais a déjà été nommé à plusieurs reprises aux Oscars, aux Golden Globes ou aux Bafta. Avec son large sourire et les tenues audacieuses qu’il arbore sur le tapis rouge de ces cérémonies, il suscite toujours l’engouement. On parle de lui comme d’un sex-symbol sur Instagram, sur TikTok, sur Twitter. « Un pantin de ventriloque à son effigie s’est vendu 122 795 dollars », écrit Aline Laurent-Mayard. Chez les millénials, c’est la « Chalamania ».

Les raisons du phénomène ? Timothée Chalamet ne ressemble pas aux autres hommes, du moins ceux auxquels les industries du cinéma, de la musique ou de la mode nous ont habitués. Timothée Chalamet est jeune, mince et imberbe. Il ne cherche pas à dissimuler ce corps juvénile et marque en cela une rupture « avec les stars d’avant », « celles qui paradent sur le tapis rouge, sûres d’elles et de leur sex-appeal viril », continue Aline Laurent-Mayard.

En plein contexte post #MeToo, il ne cache pas quelque chose de mauvais ou de violent. Il n’a pas (encore) été accusé d’agression sexuelle, ni de harcèlement. Il a l’air gentil, bien loin des stéréotypes du « bad boy », ce rebelle façon Chuck Bass (Gossip Girl) « qui fait tourner la tête des femmes ».

Le « Prince » du tapis rouge

L’interprète d’Elio est « maladroit, un peu intimidé et ne s’en cache pas, poursuit la journaliste dans son livre. Ce n’est pas le genre à cacher ses sentiments. » « Quand il aime, il le fait savoir, renseigne l’essayiste. Quand il était ado, il pouvait faire la queue des heures pour voir ses héros. » Il est proche de sa famille. La preuve, sa mère était son +1 aux Golden Globes en 2019.

À côté de ça, Timothée Chalamet dépoussière la mode masculine. Il a prouvé maintes fois aux hommes qu’ils peuvent explorer leur féminité, en revêtant un incroyable dos nu (comme à la Mostra de Venise) ou tout simplement en débarquant sans chemise aux Oscars. La mode, « abandonnée depuis longtemps par des hommes effrayés d’être vus comme des tapettes ou des femmes », « peut devenir un nouveau terrain de jeu pour les hommes » et « un domaine où tout reste à imaginer ». C’est ce que fait Timmy.

THE OSCARS®  The 94th Oscars® aired live Sunday March 27, from the Dolby® Theatre at Ovation Hollywood at 8 p.m. EDT/5 p.m. PDT on ABC in more than 200 territories worldwide. (ABC via Getty Images)
 TIMOTHÉE CHALAMET
ABC / ABC via Getty Images THE OSCARS® The 94th Oscars® aired live Sunday March 27, from the Dolby® Theatre at Ovation Hollywood at 8 p.m. EDT/5 p.m. PDT on ABC in more than 200 territories worldwide. (ABC via Getty Images) TIMOTHÉE CHALAMET

Pour cette raison et les précédentes, dans les médias, on dit de lui qu’il redéfinit la masculinité. On lui a posé l’étiquette de « l’homme nouveau », cet homme sensible qui n’a pas peur de montrer « sa part de féminité ». Et ce, sans qu’il la revendique. Mais qu’en est-il vraiment ? Dans son essai, Aline Laurent-Mayard, qui n’est pas entrée en contact avec lui, est plus nuancée. D’abord, parce que Timothée Chalamet est en situation de pouvoir. Il peut se permettre d’arriver aux Oscars dévêtu sans se faire recaler, ni même agresser.

S’appuyant sur l’ouvrage de l’autrice féministe Daisy Letourneur On ne naît pas mec, elle écrit : « Si vous êtes un homme blanc, riche, hétéro et en bonne santé, il vous sera plus facile de pratiquer une masculinité hégémonique [concept définissant ce qui caractérise les hommes quand on pense à eux, ndlr]. Vous pourrez même décider que la jupe est acceptable pour un vrai mec. »

Est-ce suffisant ?

Timothée Chalamet a grandi dans une famille d’artistes à New York, avant de faire sa scolarité dans le lycée artistique le plus prestigieux des États-Unis, LaGuardia High School of Music & Art and Performing Arts. Il maîtrise les codes de la célébrité, il a les clés pour adopter l’attitude qu’il faut quand il faut.

Ne nous donne-t-il pas ce que nous voulons noir ? Quelles sont ses motivations ? Est-il vraiment l’homme gentil, doux et bienveillant qu’on imagine ? « En étant perpétuellement hors de portée, mais toujours dans notre champ de vision, les célébrités peuvent confortablement se transformer en partenaires préfabriqués parfaits », constate Aline Laurent-Mayard, citant la théorie sociologique dite de « la relation parasociale ».

Alors, oui. Ce qui est certain, c’est que Timothée Chalamet permet à beaucoup d’hommes de moins complexer sur leur corps, mais cela est-il suffisant pour incarner un changement ? Ne pourrait-il pas, par exemple, reverser ses cachets faramineux à des associations ? Laisser sa place en Une de Vogue à des personnes moins privilégiées ? Aline Laurent-Mayard s’interroge. Ne faudrait-il pas plutôt s’accorder sur une nouvelle définition de la masculinité avant d’en élire son égérie ?

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