TikTok, Twitch, YouTube… Jean-Luc Mélenchon se démultiplie sur les réseaux sociaux

Jean-Luc Mélenchon aux
Jean-Luc Mélenchon aux

Tous réseaux sociaux confondus, il est de loin la personnalité politique la plus suivie et la plus représentée sur les différentes plateformes. Outre les désormais "classiques" de la communication politique Facebook et Twitter, Jean-Luc Mélenchon est notamment présent sur YouTube, TikTok ou encore Twitch. TikTok - où l'on diffuse de courtes vidéos - et Twitch - où l'on trouve des séquences en direct, avec une possibilité d'interagir avec l'auteur de la vidéo - sont toutes deux encore peu investies par les politiques.

Une plateforme "insoumise" d'actualités politiques

Le nouvel avatar de la stratégie de communication numérique insoumise verra le jour ce mercredi, avec l'application mobile dénommée "L'Insoumission", qui se veut être une plateforme d'informations politiques.

Son lancement sera acté au cours d'une émission mercredi soir où Jean-Luc Mélenchon prendra la parole. Une séquence qui sera diffusée sur les réseaux sociaux de la formation politique, notamment Facebook et YouTube. Un nouveau petit caillou semé en vue de 2022?

"L'idée est de donner un point de vue insoumis sur l'actualité", fait valoir auprès de BFMTV.com Antoine Léaument, responsable de la communication numérique de Jean-Luc Mélenchon et LFI, allant jusqu'à revendiquer le fait d'être "plutôt dans une logique d'information que de communication".

Politique et autodérision

Sur YouTube, le leader de La France insoumise (LFI) cumule quelque 466.000 abonnés, contre 160.000 pour Emmanuel Macron et un peu moins de 42.000 pour Marine Le Pen. Sur Twitch, le député des Bouches-du-Rhône affiche 68.000 "followers".

Sur TikTok, 167.000 personnes se sont abonnées à l'ancien socialiste. Jean-Luc Mélenchon s'y est particulièrement fait remarquer avec deux vidéos. Dans l'une, publiée au début de l'été à l'occasion des résultats du bac, Mélenchon, filmé devant le panneau du métro parisien "République", reprend sa phrase désormais célèbre "La République, c'est moi" avant de citer la chanteuse Wejdene, en réponse à une précédente vidéo d'Emmanuel Macron, également adressée aux bacheliers et publiée sur le même canal.

Dans l'autre, mise en ligne le 15 octobre, le parlementaire ironise sur l'instauration le lendemain d'un couvre-feu à Paris et huit autres métropoles, dont Marseille, en regardant sa montre à plusieurs reprises et reprenant l'antienne "C'est Marseille, bébé", de la chanson Bande organisée du collectif marseillais 13'Organisé.

"Toucher un autre public"

En multipliant les canaux et les prises de parole, Mélenchon démontre qu'il accorde un soin tout particulier à sa communication numérique.

"On était déjà très impliqué sur les réseaux sociaux durant les campagnes de 2012 et 2017", assure Ugo Bernalicis à BFMTV.com. Pour le député insoumis du Nord, "on voit bien aujourd'hui que les convictions se forgent autant, voire plus, sur les réseaux sociaux que via les médias traditionnels."

Le parlementaire va même plus loin: "Si Jean-Luc Mélenchon n'avait pas lancé sa Revue de la semaine (une émission hebdomadaire diffusée sur YouTube, NDLR), je ne suis pas sûr qu'on aurait pu faire 20% (19,62%, NDLR) à la présidentielle" de 2017.

Une manière de "toucher un autre public" et d'être "en prise directe avec nos interlocuteurs", plutôt que de "subir une interview", poursuit Ugo Bernalicis, lui-même utilisateur de Twitch. "L'autre public", se révèle surtout être les jeunes, "car c'est un public qui s'abstient beaucoup", assume le député.

Cette stratégie "vient du fait qu'on a une analyse du système médiatique actuel comme étant imparfait pour diffuser efficacement nos idées", abonde Antoine Léaument. Ce système est "trop contraint et ne permet pas de choisir les sujets qu'on veut aborder", ajoute le "M. Numérique" de LFI, qui juge toutefois que cette communication est "complémentaire avec les médias traditionnels" qui "par ailleurs ne touchent pas forcément le même public".

Une rhétorique qui fait écho à celle de Jean-Luc Mélenchon, qui étrille régulièrement la presse et les médias.

"Parler à tout le monde"

"Notre but, c'est de parler à tout le monde", balaye Léaument, d'où les multiples plateformes utilisées. "À chaque fois, la règle qu'on se fixe, c'est faire passer un message politique". Avec la vidéo sur TikTok au sujet du couvre-feu, "l'idée c'était d'envoyer une critique sur la mesure de couvre-feu", explicite-t-il. Mais l'ancien candidat à la présidentielle se prête à l'exercice "avec beaucoup de malice", note Ugo Bernalicis.

L'intérêt de Jean-Luc Mélenchon pour les nouveaux moyens de communication n'est pas nouveau. "C'est un féru de technologies", assure le député du Nord. En 2004, il était l'une des premières personnalités politiques à tenir un blog, sur lequel il publie encore régulièrement. Il s'en est d'ailleurs servi il y a quelques jours pour revenir sur le terme de "communauté" tchétchène employé après l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine et exprimer ses regrets. "Je regrette d'avoir utilisé le mot 'communauté' à propos des Tchétchènes', a-t-il déclaré dans un billet.

Preuve de ce tropisme ancien pour les nouveaux moyens de communiquer, cette anecdote, au détour d'un article du Monde: on y apprend que Jean-Luc Mélenchon était un précurseur du minitel dans le monde politique avec "3615 Tonton", utilisé pour faire campagne pour François Mitterrand en 1988.

Se démultiplier sur les réseaux sociaux et en adopter les différentes grammaires, comme le ton humoristique de TikTok, au risque de décrédibiliser sa parole? "Ceux qui disent ça, c'est ceux qui ne sont pas d'accord avec nous politiquement", oppose Ugo Bernalicis qui estime qu'il s'agit du même raisonnement que certains appliquent à "l'émission de Karine Le Marchand".

"Au contraire", juge Antoine Léaument. "Je trouve qu'il montre avec ce genre de vidéos (TikTok, NDLR) à quel point il est connecté à son époque, dans le bon sens du terme."

"Gagner la bataille culturelle"

La France insoumise est "une formation à part du fait de cette communication numérique", analyse pour BFMTV.com Jean Massiet, "streamer" qui pratique la vulgarisation et le commentaire politiques sur sa chaîne Twitch, décrit-il.

"La classe politique française se fait ringardiser par un vieux monsieur sur le plan de la communication numérique", juge même Jean Massiet.

"Jean-Luc Mélenchon n'est pas effrayé par le numérique si ça peut servir son propos", observe cet ancien des cabinets de Marisol Touraine au ministère de la Santé et de Colombe Brossel à la mairie de Paris. "L'objectif c'est de gagner la bataille culturelle, c'est-à-dire que leurs thématiques s'imposent dans le débat public", poursuit Jean Massiet.

Pour autant, s'il estime que cette stratégie est couronnée de succès et que LFI a réalisé la "meilleure campagne numérique de 2017", "la petite sphère de Twitter, YouTube ne représente pas grand chose" et n'a pas été cruciale dans le score du premier tour de la dernière présidentielle, "car l'électorat auquel (Mélenchon) essaie de s'adresser (les jeunes, NDLR) est très abstentionniste".

Jean Massiet pointe toutefois le danger pour la démocratie, si tous les partis politiques venaient à contourner les médias traditionnels.

"Mais ça permet à Mélenchon d'exister dans l'actualité, et de faire parler de lui", alors que l'agenda politique est largement occupé par l'exécutif, poursuit Jean Massiet. Et faire passer des messages, sans (trop) en avoir l'air, résume Ugo Bernalicis: "Quand Jean-Luc Mélenchon va sur TikTok, ce n'est pas pour faire une vidéo où il danse, mais pour faire de la politique."

Article original publié sur BFMTV.com