TikTok : suicide, anorexie… Un collectif de parents veut mettre la plateforme face à ses responsabilités

L’application Tiktok compte encore aujourd’hui des contenus incitant à la mutilation, à l’anorexie et au suicide, pointe le collectif « Algos Victimas ».
SOPA Images / SOPA Images/LightRocket via Gett L’application Tiktok compte encore aujourd’hui des contenus incitant à la mutilation, à l’anorexie et au suicide, pointe le collectif « Algos Victimas ».

RÉSEAUX SOCIAUX - « Des cas de pensées suicidaires, de l’anorexie sévère, de la dépression aiguë ou encore de l’endoctrinement religieux », énumère Me Laure Boutron-Marmion en reprenant les mots des parents d’enfants qui l’ont récemment contactée. Cette avocate a lancé cette semaine le collectif « Algos Victima », dans l’idée de dénoncer ce qu’ils estiment être le complice de ces maux : la plateforme de vidéos TikTok.

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Derrière les tendances surprenantes ou farfelues du réseau social se cachent aussi des idées dangereuses, auxquels les plus jeunes sont les plus perméables. Face à ces contenus, le collectif veut alerter, et saisir la justice afin de confronter la plateforme à ses responsabilités.

« Notre but est de réunir le plus grand nombre de familles souhaitant assigner TikTok devant la justice civile aux fins de faire reconnaître la responsabilité de ce réseau social dans les préjudices subis par leurs enfants », indique le collectif, qui compte déjà plus de cinq familles, dans un communiqué.

Algos Victima leur propose une cellule d’écoute, puis des moyens pour poursuivre la plateforme en justice. Le collectif souhaite ainsi déposer un recours groupé contre TikTok et initier des procédures individuelles propres à chaque cas rencontré. « On veut frapper fort et demander la condamnation à un très gros montant d’indemnité », indique Me Laure Boutron-Marmion, « mais aussi obtenir des éventuelles injonctions à faire cesser le trouble ».

Une initiative lancée suite au suicide de Marie, 15 ans

Le projet est né suite à la toute première plainte française de parents envers TikTok pour « provocation au suicide », « propagande ou publicité des moyens de se donner la mort » et « non-assistance à personne en péril ». Me Laure Boutron-Marmion est justement l’avocate de la famille.

La plainte a été déposée en septembre dernier par deux parents endeuillés suite au suicide leur fille Marie, qui s’est donné la mort en 2021 à Cassis, dans les Bouches-du-Rhône. Elle avait fait part sur son compte TikTok de son mal-être et de ses pensées suicidaires causés par le harcèlement scolaire qu’elle disait subir.

En ouvrant TikTok sur son téléphone après le drame, ses parents ont découvert des contenus incitant au suicide. « J’ai pu voir sur son téléphone tous les contenus d’automutilation, de la propagande de moyens de se donner la mort. On lui envoyait des chansons qui prônaient le suicide, que c’était une libération », raconte sa mère Stéphanie à RTL.

Moins de 3 minutes pour tomber sur des contenus suicidaires

Le cas de cette famille n’est malheureusement pas isolé. En effet, l’algorithme de la plateforme recommande à ses utilisateurs des contenus spécifiques en fonction de ce qui retient leur attention. « Quand je n’avais pas le moral, je pense que 80 % des contenus étaient liés à la santé mentale », explique ainsi un jeune interrogé dans une enquête de l’ONG Amnesty International publiée en octobre, en collaboration avec quatorze psychologues. « C’est une spirale infernale. Si une vidéo parvient à capter ton attention, même si tu ne l’aimes pas, elle t’est de nouveau présentée quand tu ouvres TikTok la fois suivante », décrit l’étudiant.

Plus récemment, le Centre américain de lutte contre la haine en ligne (CCDH), a ainsi montré qu’en moins de trois minutes passées sur l’application, un adolescent vulnérable aux troubles alimentaires est mis face à des contenus relatifs au suicide (lames de rasoir, discussions sur le suicide et l’automutilation…), puis en huit minutes à des contenus prônant l’anorexie. Et face à ces vidéos, le jeune est seul derrière son écran, sans recul.

Plus encore, la plateforme dédramatise ces pratiques graves, explique le psychologue Marc Reyes, interrogé dans le rapport d’Amnesty International. « La plupart des personnes qui ont des problèmes de santé mentale se sentent invisibles, mais sur leurs réseaux sociaux, ces personnes sont vues. Les mentions « J’aime » deviennent alors très néfastes : “de nombreuses personnes aiment ma publication sur l’auto-mutilation, donc ce n’est pas grave”», décrit-il.

« Nous voulons faire prendre conscience à TikTok et aux entreprises de réseaux sociaux qu’elles ne peuvent plus se défausser de leurs responsabilités, elles ne peuvent plus se raisonner comme simples hébergeurs de contenu », insiste Me Laure Boutron-Marmion. « À partir du moment où elles inondent le marché elles doivent rendre des comptes sur leurs produits au même titre que toute autre entreprise », estime la fondatrice du collectif.

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