TikTok, Netflix, CandyCrush... Certains fonctionnaires n’y ont plus droit sur leur smartphone, voici pourquoi

A partir du 24 mars, les fonctionnaires d’Etat français n’auront plus le droit d’utiliser d’applications dites « récréatives », comme TikTok, Netflix ou CandyCrush, sur leurs smartphones de fonction.
A partir du 24 mars, les fonctionnaires d’Etat français n’auront plus le droit d’utiliser d’applications dites « récréatives », comme TikTok, Netflix ou CandyCrush, sur leurs smartphones de fonction.

TECHNOLOGIE - L’annonce a été faite par le cabinet de Stanislas Guerini, ministre de la Fonction publique, dans un texte diffusé vendredi 24 mars : « le gouvernement a décidé d’interdire dorénavant le téléchargement et l’installation d’applications récréatives sur les téléphones professionnels fournis aux agents publics ». Dans un tweet, le ministre Guerini a nommé la raison principale pour laquelle cette interdiction entrait en vigueur : TikTok.

Mais le cadre de ces nouvelles mesures dépasse largement celui d’une interdiction du réseau social, car il englobe les « applications récréatives ». Le HuffPost fait le point sur ces mesures.

Tous les fonctionnaires français sont-ils concernés ?

Non. L’annonce du gouvernement ne concerne que les agents de la fonction publique d’État : cela ne concerne donc pas les agents de la fonction publique territoriale, ni ceux de la fonction publique hospitalière.

La fonction publique d’État regroupe 2,5 millions de personnes, explique au HuffPost le ministère de la fonction publique. Mais le nombre réel de fonctionnaires concernés par cette interdiction n’est pas connu : sur ces 2,5 millions d’agents de l’État, beaucoup n’ont en effet pas de smartphones professionnels - c’est par exemple le cas de beaucoup d’employés de l’Éducation nationale, comme les professeurs.

Ces agents de l’État qui n’ont pas de smartphones professionnels n’ont rien à craindre : ils pourront continuer à utiliser toutes les applications qu’ils souhaitent sur leurs smartphones privés.

Quelles applications sont interdites ?

L’instruction diffusée le 24 mars ne dresse pas de liste précise des applications interdites sur les smartphones professionnels de l’État. Et de telles listes ne seront pas dressées, selon les précisions données au HuffPost par le ministère de la fonction publique. Seul TikTok a été nommé directement par Stanislas Guerini.

Mais le cabinet du ministre a aussi donné plusieurs exemples précis à l’Agence France Presse pour clarifier les choses. Parmi les applications désormais bannies figure « le triptyque applications de jeux comme Candy Crush, de streaming comme Netflix et récréatives comme TikTok ». Twitter a également été cité comme désormais interdit.

En clair : les applications dédiées aux vidéos en ligne, aux jeux vidéo, et aux contenus « récréatifs » sont désormais interdites sur les smartphones professionnels de la fonction d’État. Mais ce n’est pas le cas des messageries instantanées type WhatsApp, Messenger ou Signal.

Au ministère de la Fonction publique, on précise par ailleurs au HuffPost qu’il s’agit bien de l’installation d’applications dédiées qui est désormais prohibée, car les processus d’installation peuvent, selon eux, présenter des risques de cybersécurité. Ce qui signifie qu’un agent pourra continuer à visionner une vidéo TikTok ou un tweet directement dans le navigateur de son smartphone professionnel.

Des dérogations sont-elles possibles ?

Oui. « Des dérogations pourront être accordées à titre exceptionnel pour des besoins professionnels tels que la communication institutionnelle d’une administration », précise le texte diffusé par le cabinet de Stanislas Guerini. En d’autres termes : si les services de communication d’un ministère doivent utiliser TikTok ou Twitter pour y diffuser des messages officiels, ils devraient pouvoir continuer de le faire depuis un smartphone professionnel.

Que risque un fonctionnaire qui conserve une application interdite ?

L’interdiction communiquée par le ministère de la fonction publique a un effet immédiat, au 24 mars 2023. Elle a été notifiée aux différents ministères français par le biais d’une instruction « contraignante » selon le gouvernement. « La direction interministérielle du numérique (DINUM) s’assurera de la mise en œuvre de cette instruction, en lien étroit avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) », précise le ministère de la fonction publique dans son communiqué.

En cas de violation de cette nouvelle règle, aucun système unifié de sanctions n’est prévu à ce stade. D’éventuelles mesures pourront être décidées « à l’échelon managérial » de chaque ministère, a précisé le ministère à l’AFP.

Pourquoi ?

Dans son texte, le cabinet de Stanislas Guerini explique : « les applications récréatives ne présentent pas les niveaux de cybersécurité et de protection des données suffisants pour être déployées sur les équipements d’administrations. Ces applications peuvent donc constituer un risque sur la protection des données de ces administrations et de leurs agents publics. »

Une telle mesure pourrait surprendre, en se rappelant que les smartphones et les applications, éditées par des entreprises du monde entier et pas toujours regardantes sur la protection des données personnelles, sont déployés depuis plus de d’une dizaine d’années sur le marché français.

Mais comme l’a montré le message posté sur Twitter par Stanislas Guerini, cette annonce du 24 mars répond surtout à des questions pressantes soulevées par l’application TikTok, l’un des réseaux sociaux vidéos les plus populaires du monde, désormais sur le gril de nombreuses administrations occidentales.

Ceci car la maison mère de TikTok, l’éditeur ByteDance, est une entreprise chinoise. Malgré les démentis répétés, de forts soupçons persistent sur l’utilisation des données personnelles récoltées par le réseau social dans le monde entier, et surtout sur l’usage qu’en ferait ByteDance en Chine, dont les liens avec le gouvernement chinois posent question.

Aux États-Unis, le FBI et les services de justice enquêtent ainsi sur l’espionnage de journalistes américains, que ByteDance a avoué avoir mené à travers TikTok en 2022. Et pas plus tard que le 23 mars, une commission parlementaire américaine a questionné pendant des heures, de manière très offensive, le PDG de TikTok sur l’usage des données personnelles récoltées.

En réaction, ces dernières semaines, plusieurs pays occidentaux et institutions méfiantes envers la Chine ont durci les règles et tenté de limiter l’usage de TikTok. Le Parlement européen, le Canada, le Danemark, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande… Avec ses nouvelles mesures du 24 mars, la France rejoint une vingtaine d’États qui ont annoncé des limitations de l’usage de TikTok sur des smartphones utilisés dans les fonctions publiques, et sur lesquels des données numériques liées aux États peuvent transiter.

Les États-Unis, de leur côté, songent carrément à interdire TikTok sur leur territoire, si jamais le réseau social devait rester sous le giron de ByteDance. Une menace qui rend furieuse la Chine. En France et en Europe, il n’est en revanche pas encore question officiellement d’une telle interdiction.

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