« The Merge », l’événement crypto XXL de la blockchain Ethereum

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Westend61 / Getty Images/Westend61

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La cryptomonnaie Ethereum connait une évolution de grande ampleur, ce jeudi 15 septembre.

« The Merge » : en Anglais, la fusion. Préparée depuis des mois, elle devrait avoir lieu le jeudi 15 septembre, et marque pour les familiers du secteur une nouvelle page dans l’histoire des cryptomonnaies, en changeant la technologie qui fait fonctionner l’une des plus populaires actuellement, l’Ether.

Pour comprendre l’enjeu de cette fusion à plus de 200 milliards d’euros, qui pourrait même intéresser le grand public et pas uniquement les spéculateurs, il faut commencer par expliquer comment fonctionne la monnaie concernée par cet événement hors du commun.

L’Ether est une cryptomonnaie existant grâce à la technologie de la blockchain. Pour être plus précis, elle fonctionne sur le protocole Ethereum. Un programme lancé en 2015 avec un succès fulgurant : aujourd’hui, Ethereum est la blockchain la plus utilisée au monde par les cryptoenthousiastes, juste après les fameux Bitcoins.

On compte actuellement 71 millions de portefeuilles en ligne destinés à payer avec des Ether, ou à recevoir cette monnaie virtuelle. Aujourd’hui, plus de 120 millions d’Ether ont été émis, valorisés à plus de 1690 euros pièce. Leur valeur totale atteint donc les 228 milliards d’euros.

55 000 euros pour une transaction

Que va-t-il se passer le 15 septembre de si important ? Avec « The Merge », l’Ether change, en quelque sorte, de logiciel. Jusqu’ici, chaque transaction effectuée en Ether était authentifiée par un autre ordinateur distant, choisi sur la blockchain - c’est pour ça que le fonctionnement de cette cryptomonnaie est décrit comme « décentralisé ».

Pour pouvoir effectuer ce contrôle, dont il retirait un paiement sonnant et trébuchant, il devait résoudre plus vite que les autres une équation très complexe. Le premier ordinateur à résoudre l’équation devient un validateur, qui va alors approuver la transaction qui vient d’avoir lieu sur la blockchain.

La blockchain est la technologie derrière le bitcoin et les autres cryptomonnaies. Pour faire simple, les transactions financières sont codées et authentifiées dans des « blocs » qui s’ajoutent les uns aux autres. Le tout se présente sous la forme d’un grand registre public réputé infalsifiable, car toute modification d’information doit être simultanément faite chez tous les utilisateurs.

C’est ce système, appelé « Proof of work » (preuve de travail en français) qu’utilise encore aujourd’hui la cryptomonnaie Bitcoin. Mais Ethereum s’apprête à basculer vers un autre système. Il ne nécessitera plus de résoudre une équation, mais simplement de placer une partie de son argent en garantie pour devenir validateur.

Concrètement, si X effectue une transaction avec Y sur la blockchain Ethereum, Z se proposera de la valider, comme avant. Mais pour être choisi, il devra cette fois immobiliser 32 ETH (Ether), soit 55 000 euros, le temps de la transaction. Ce risque financier permet de garantir que la transaction n’est pas frauduleuse au regard du fonctionnement de la blockchain.

Cela s’appelle une « Proof of stake » (preuve d’enjeu en français), que d’autres cryptomonnaies utilisent déjà pour fonctionner. Ethereum l’expérimente déjà depuis près de deux ans, en parallèle de son fonctionnement en « Proof of work ». Cette fusion est l’occasion de basculer intégralement en « Proof of stake ».

Des transactions rapides et économes en énergie ?

« Pour vous donner une image, Ethereum est comme un avion qui voudrait changer de moteur en plein vol », résume Grégory Raymond, rédacteur en Chef de TheBigWhale.io, une newsletter spécialisée dans les cryptomonnaies. « Ethereum vole depuis près de deux ans avec deux moteurs allumés simultanément, et l’étape qui arrive cette semaine consiste à débrancher le premier pour ne laisser tourner que le deuxième. »

Mais pour quoi faire ? D’abord, pour donner un coup d’accélérateur à cette technologie. Le « Proof of work » est fastidieux, car il requiert l’énorme puissance de calcul délivrée par des fermes de minage dans le monde entier, qui font tourner de nombreuses cartes graphiques d’ordinateurs pour valider les transactions.

Mining rig for cryptocurrency., no people.
South_agency / Getty Images Mining rig for cryptocurrency., no people.

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Des cartes graphiques d’ordinateur utilisées pour miner des cryptomonnaies.

Aujourd’hui, une transaction en Ether prend entre quelques minutes...et plusieurs heures à être validée. Pire, la transaction peut rester dans les limbes à tout jamais, faute de validateur disponible.

La technologie « Proof of stake » promet, elle, des transactions aussi rapides que celles d’une carte bleue. Et son bilan énergétique, particulièrement préoccupant dans le monde des cryptos, est encore plus mis en avant par les partisans de cette fusion : les dirigeants d’Ethereum promettent une baisse de l’empreinte carbone de leur blockchain de ... 99,9%, avec le passage à la preuve d’enjeu. Tout cela parce qu’il ne sera plus nécessaire de mobiliser les fermes de cartes graphiques. Ce gain, s’il est vérifié, ne sera pas un luxe : aujourd’hui Ethereum mobilise 112 térawatt-heure, soit l’équivalent de la consommation en électricité des Pays-Bas.

À l’horizon, une adoption plus large

Tout le monde a-t-il intérêt au succès de « The Merge » ? Pas tout à fait. Les propriétaires de fermes de serveurs qui servaient jusqu’ici aux transactions d’ETH vont se retrouver brusquement sans activité. Il existe néanmoins des portes de sortie pour Grégory Raymond, qui invoque les « autres protocoles » utilisant encore le « Proof of work », ou encore la participation au secteur des métavers qui « devrait également avoir besoin de ressources graphiques importantes ».

D’autres critiques s’inquiètent de la centralisation qui risque de résulter de ce changement. Les utilisateurs plus riches, ceux disposant des 32 Ethers à mettre en jeu (soit plus de 51 000 euros à l’heure où nous publions ces lignes), seront en effet les seuls qui pourront participer à la validation. Les petits portefeuilles pourront tout de même participer, en agglomérant leurs fonds sur des plateformes collaboratives, mais le danger persiste que de très gros acteurs monopolisent le fonctionnement.

Si ces craintes sont balayées par les cryptoenthousiastes, c’est parce qu’ils placent beaucoup d’espoir dans ce changement : « Ces dernières années, de nombreuses grandes entreprises fuyaient le secteur des cryptos », rappelle ainsi Grégory Raymond, « car son fonctionnement n’était pas compatible avec leurs engagements en faveur du développement durable ». Avec un fonctionnement plus vert, Ethereum pourrait attirer des acteurs jusqu’ici réticents à utiliser les cryptomonnaies.

Or c’est bien là l’une des épines plantées dans le pied des « cryptos » : pour le moment, une écrasante majorité des échanges en cryptomonnaies ne servent qu’à la spéculation, avec des usages plus que rares dans le monde réel. La lenteur des protocoles, la fluctuation des cours ou encore l’aspect énergivore de ces monnaies les rendent encore peu attractives face aux monnaies traditionnelles, pour beaucoup de monde.

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