"The Crown": y a-t-il vraiment eu de l'eau dans le gaz entre la reine Elizabeth et le prince Philip?
Nous sommes en février 1957, à bord du Britannia, le yacht royal. La reine et le prince Philip ont une discussion un peu crispée. La presse évoque des "rumeurs de crise conjugale".
"Nous pourrions saisir cette occasion sans enfants ni distraction, pour se dire la vérité et parler franchement, pour une fois, des changements à effectuer pour que notre mariage fonctionne", lance la reine. "D'accord. Qui commence? Suis-je bête! Je devrais savoir que je passe toujours en deuxième", répond Philip, avec ironie.
Cette scène, issue du tout premier épisode de la saison 2 de The Crown, illustre les supposées tensions entre la reine le prince Philip, dix ans après leur mariage. Le prince se plaint de son rôle, quasi inexistant, au sein de la monarchie. La reine évoque des "rumeurs" au sujet de leur couple.
"La solution qui existe pour les autres, le divorce, n'est pas une option pour nous", ajoute-t-elle.
Cette scène et les problèmes qu'elle reflète, l'infidélité supposée de Philip, et son ressentiment à l'égard de l'institution, ont-ils vraiment existé? Le journaliste Marc Roche, auteur de plusieurs livres sur la famille royale, dont Les Borgia à Buckingham et de Elle ne voulait pas être reine, nous aide à démêler le vrai du faux.
Des tensions ont-elles émergé durant le mariage?
Pour Marc Roche, il y avait en effet une certaine fatigue au sein du couple. "Dans beaucoup de couples après 10 ans de mariage, deux enfants, il y a une certaine lassitude", souligne le correspondant du Point dans le Podcast royal. "Et ce fut le cas avec Elizabeth II", tout en sachant que la séparation était "hors de question."
D'autant que la reine, gouverneure de l'Église anglicane, est très croyante et que l'époque "ne se prête pas à des histoires de divorce".
"On ne divorce pas dans les années 1960, surtout quand on est sur le trône d'Angleterre", résume-t-il.
Philip a-t-il été infidèle?
Le couple faisait en revanche bien chambre à part, comme le montre la série. "C'est un mariage à l'anglaise", explique Marc Roche. "Dans la haute société anglaise, on mène des vies à part, tant qu'il n'y a pas de scandale et qu'on a réalisé son devoir."
La série évoque également plusieurs infidélités du prince Philip, sans jamais rien montrer, mais qui causeraient de la peine à la reine. "N'avez-vous jamais pensé que, depuis 40 ans, je ne me suis jamais déplacé sans être accompagné d'un policier? Alors comment diable pourrais-je faire quoi que ce soit de tel, sans que ça se sache?", avait lancé le prince en 1992 à un journaliste qui l'interrogeait.
"C'est un bel homme, qui aime les femmes, et qui a peut-être eu des infidélités quand le mariage tanguait", avance Marc Roche.
"On a vu Philip fréquenter des boîtes à Soho, le quartier chaud de Londres, avec des starlettes", relate-t-il. "Il est parti pendant six mois pour un voyage, en Australie avec Michael Parker son écuyer. On dit qu'il s'est passé des choses, mais rien n'a jamais été prouvé, parce que la presse n'a jamais rien écrit sur les infidélités du prince Philip, pour protéger la reine et l'institution royale."
Les confidents du roi et la reine ont-ils bien existé?
La série met en scène, à une période bien plus tardive de la vie d'Elizabeth et Philip, deux amitiés, qui, sans mettre en péril le couple, chagrinent la reine et son mari.
La première lie Philip et Penelope Knatchbull, qui deviendra dans les années 1990 sa confidente. "Elle était une pièce rapportée de la famille Mountbatten, la famille de Philip. Ils avaient en commun l'amour des courses de calèches."
Étaient-ils plus que des amis? "On n'en sait rien, mais on suppose que leur relation a été plutôt platonique", analyse Marc Roche.
La reine de son côté, a également entretenu une amitié particulière avec Lord Porchester, l'entraîneur de ses chevaux de course. Eux aussi étaient liés par l'amour des équidés. Là encore, la série The Crown ne montre rien, mais laisse supposer que la reine apprécie beaucoup la compagnie de Lord Porchester.
"S'il cochait toutes les cases pour être un amant potentiel, c'est de la fiction", estime Marc Roche. "La reine était une femme pour qui l'on fait un choix dans la vie d'un homme et c'était Philip l'homme de sa vie. Donc il est peu probable qu'il y ait eu quoi que ce soit."
Philip était-il mécontent de son rôle?
Outre ces rumeurs d'infidélité, The Crown décrit un prince Philip mécontent du rôle qui lui est assigné, et animé de ressentiment. "Vous m'avez pris ma carrière, ma maison, mon nom", lance Philip à Elizabeth, dans la première saison de The Crown.
Les dissensions évoquées dans les deux premières saisons, entre Elizabeth et Philip, "étaient bien réelles", souligne Marc Roche. "La reine avait en effet mis son veto à ce que Philip puisse transmettre son nom de Mountbatten à ses enfants. Il affirmait être le seul homme du royaume dont les enfants ne pouvaient pas porter son nom."
Le prince en nourrissait de la rancœur, rappelle ainsi le spécialiste de la famille royale. Le problème sera finalement réglé en 1960, et le nom de Moutbatten sera accolé à celui de Windsor pour les descendants du couple.
Mais ce n'est pas la seule déconvenue de Philip, qui doit s'effacer derrière la reine. "Philip est un homme intelligent, déterminé à moderniser la monarchie, qui avait servi dans la Marine avant de se marier. Il se retrouve au côté de la reine en 1951, une reine pas du tout préparée à la tâche, qui s'y consacre totalement et l'évince."
Elizabeth craignait, indique Marc Roche, de se retrouver dans la situation de son aïeule la reine Victoria, dont le mari Albert, "était celui qui organisait la monarchie, pendant qu'elle faisait des enfants".