« The Creator » : pour le réalisateur Gareth Edwards, l’IA est un outil qu’il faut encadrer « comme une arme à feu »

Dans « The Creator », l’ humanité se dit menacée par une nouvelle forme d’intelligence artificielle.
20th Century Studio Dans « The Creator », l’ humanité se dit menacée par une nouvelle forme d’intelligence artificielle.

CINÉMA - Pour les fans de science-fiction, c’est l’évènement cinéma de cette fin d’année 2023. The Creator, nouveau long métrage de Gareth Edwards, est sorti en salle ce mercredi 27 septembre. Au coeur de l’intrigue du réalisateur de Star Wars : Rogue One, une guerre futuriste entre l’humanité et les intelligences artificielles qu’elle a créées.

Dans The Creator, Joshua (John David Washington) est recruté par les forces spéciales américaines, pour aller en territoire ennemi, la Nouvelle-Asie. Il doit y trouver l’arme secrète mise au point par Le Créateur, un architecte derrière l’intelligence artificielle avancée. Cette arme n’est autre qu’une nouvelle IA, sous la forme d’une petite fille (Madeleine Yuna). Homme et machine vont apprendre à s’apprivoiser.

La grève à Hollywood est possiblement en train de s’achever après 146 jours avec la signature d’un accord historique entre les grands patrons des studios et les syndicats d’acteurs et de scénaristes. En jeu notamment, l’utilisation abusive de l’intelligence artificielle dans la production de films, séries et émissions.

The Creator met en scène une humanité en guerre contre des robots humanoïdes, présentés comme des IA qui ne sont pas les grands méchants. Faut-il y voir un miroir de la crise qui gèle les productions depuis de nombreux mois ? Peut-être. Mais comme l’a confié au HuffPost le réalisateur Gareth Edwards, ce n’est pas l’IA le problème, c’est ce qu’on en fait.

Le HuffPost - Une guerre entre les humains et l’IA, vous pouvez imaginer qu’on y voit un parallèle très clair avec la grève à Hollywood ?

Ce qui est drôle c’est que quand j’ai commencé à écrire le film en 2018, l’IA c’était des voitures volantes, ou des colonies sur la Lune. Jamais je n’aurais imaginé vivre son développement. Je pensais sincèrement mourir avant que l’intelligence artificielle ne soit un sujet autre que de la science-fiction. Et ça s’est emballé avec l’IA qui a écrit les premiers dialogues, très crédibles. Presque trop sensibles et conscients. Mais ça ne m’a pas effrayé, au contraire ça m’a excité. Toutes ces possibilités... Il est vrai que compte tenu des circonstances, j’aurais dû faire se dérouler mon intrigue en 2024 et pas 50 ans plus tard.

L’IA au cinéma peut-elle concrètement accompagner les réalisateurs ?

Vraiment, oui. Il y a par exemple un outil incroyable qui s’appelle Midjourney. Cela crée des art works à partir d’idées écrites. Cela permet de mettre en images une projection, un premier jet. Mais c’est un artiste qui n’en fait un peu qu’à sa tête et le résultat est souvent loufoque. Mon meilleur ami dont c’est le métier, de créer ces art works, a paniqué au début en me disant « oh mon dieu, je n’aurai plus jamais de travail ». Mais il a appris à s’en servir lui-même pour aller plus vite.

Une collaboration entre l’homme et l’IA, c’est donc possible, même dans le monde « artistique » du cinéma ?

Comme l’électricité, ou internet, au début ça fait peur, mais ça va ne rester qu’un outil, si on se débrouille pour cadrer les choses avec les professionnels du milieu. J’espère qu’on va trouver un moyen , parce que ça peut être très utile. L’IA peut imiter les voix des acteurs, et ça, on peut s’en servir en post-production pour changer des dialogues par exemple. Tous les acteurs que je connais détestent revenir en studio pour enregistrer des dialogues supplémentaires, l’IA pourrait le faire à leur place. Si tout le monde y trouve son compte, je ne vois pas le problème.

Vous comprenez malgré tout la peur de l’IA avancée par les professionnels à Hollywood ?

Bien sûr. Mais s’il y a des problèmes avec l’IA dans un futur proche ou moins proche, ce sera parce que quelqu’un a décidé de s’en servir de la mauvaise manière. C’est valable pour un avion, ou une arme à feu. N’importe quel outil peut être dangereux s’il est mal utilisé. Je pense qu’il y a plusieurs phases. Aujourd’hui, l’IA n’est qu’un miroir de ce que l’humanité a pu créer artistiquement, intellectuellement. Et elle va piocher dans le monde entier, pour livrer un résultat complet, mais elle n’invente rien, ne crée rien de nouveau. Ce sera peut-être la prochaine phase. Dans 50 ans ou dans 3 mois, ça, personne ne le sait.

Les robots IA comme Alphie dans The Creator, c’est de l’ordre du fantastique ?

Je l’espère (rires). Sincèrement, si un jour il y a des IA aussi développées que dans mon film, je les plains. J’espère que les IA n’auront jamais de conscience. Ce serait une punition terrible, être obligé de réaliser toutes ces tâches subalternes pour quelqu’un d’autre. Ce serait de l’esclavage finalement.

The Creator de Gareth Edwards, avec John David Washington, Gemma Chan, Ken Watanabe, Allison Janney et Madeleine Yuna, sort en salle le mercredi 27 septembre.

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