Les tests Covid à l'école, un "fiasco" qui dure depuis neuf mois

Jean-Michel Blanquer voulait 600.000 tests salivaires chaque semaine. Mais à peine un tiers seulement sont réalisés.

COVID-19 - Le ministère de l’Éducation a-t-il vu trop grand? Afin de mieux “tracer, tester, protéger” les écoliers, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer avait annoncé lors de sa conférence de rentrée un objectif de 600.000 tests salivaires réalisés par semaine sur tout le territoire dans les écoles maternelles et primaires. Une stratégie qualifiée d’“ambitieuse” par le ministère sur son propre site.

Trop ambitieuse? Trois mois plus tard, l’objectif est en tout cas loin d’être atteint. Sur environ 400.000 tests déployés chaque semaine (alors que 600.000 sont bien disponibles), seule la moitié sont effectivement réalisés. Ces tests rapides restent pourtant indispensables avec l’arrivée de la 5e vague qui n’épargne pas les enfants (le taux d’incidence chez les moins de 9 ans n’a jamais été aussi haut) et donc les écoles: 8000 classes étaient fermées ce jeudi (contre 6000 sur 527.000 mardi). Elles étaient 4000 seulement 4 jours plus tôt, et 1000 à la mi-novembre. Pour rappel, il suffit d’un élève positif au Covid-19 dans la classe pour la fermer.

Comment expliquer la difficile mise en œuvre de ces tests salivaires, que certains enseignants vont jusqu’à qualifier de “fiasco”, un terme déjà employé avant l’été? Élisabeth Allain-Moreno, secrétaire nationale du syndicat enseignant UNSA interrogée par le Huffpost, explique que “les parents sont réticents à donner leur accord, car on touche à la santé de leurs enfants”.

Un manque de communication

Également contacté, le ministère de l’Éducation n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet, mais Jean-Michel Blanquer partageait ce constat dans le Parisien : ”Même pour ce genre de tests indolores et simples, il n’y a pas une acceptation massive. C’est une difficulté qu’on a depuis le début.”

Il y a eu une certaine cacophonie qui n’a pas mis en confiance les parentsElisabeth Allain-Moreno, secrétaire nationale du syndicat enseignant UNSA

Élisabeth Allain-Moreno pointe toutefois la responsabilité du ministère dont le discours a été “flou”. “Il y a eu une certaine cacophonie qui n’a pas mis en confiance, détaille-t-elle. Au départ le matériel n’arrivait pas (ces tests sont déployés depuis le mois de février, NDLR), s’ajoute la difficulté de gérer les annonces des fermetures de classe faites au dernier moment, puis la question du masque à l’école qui n’a fait que changer... Sur le fond, les tests sont une bonne idée. Mais sur la forme, il y a eu un manque de communication et il y a désormais une forme de ras-le-bol chez les parents.”

Guislaine David, porte-parole du syndicat Snuipp-FSU, confirme au Huffpost: “Il n’y a pas eu de campagne de communication pour ces tests, alors qu’ils sont le seul moyen de protéger les enfants contre le virus et de les empêcher de le diffuser”, car les moins de 12 ans n’ont pas encore accès à la vaccination. Résultat: la semaine dernière, un peu moins de 50% des parents ont donné leur accord pour faire tester leur progéniture, que ce soit à la maison (test salivaire en autoprélèvement) ou directement à l’école -tout dépend du choix fait par le laboratoire ou le rectorat.

Des directeurs d’école trop sollicités

Autre problème pointé par les syndicalistes: le manque de moyens. “Certains laboratoires n’ont pas la main d’œuvre nécessaire, d’autres ont engagé du personnel, mais pas forcément formé”, regrette Élisabeth Allain-Moreno, qui pointe aussi le manque des médiateurs de lutte anti-Covid, vacataires parfois non formés à la santé qui avaient été déployés au printemps pour aider le personnel médical scolaire.

“Ils ont été prolongés jusqu’au 31 décembre, mais on aura encore besoin d’eux après, car la 5e vague sera toujours là”, insiste la secrétaire générale adjointe du syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU) UNSA Jocelyne Grousset. Celle-ci évoque également l’écart entre les territoires ruraux, souvent moins bien lotis que les territoires urbains et où la logistique devient plus compliquée: les laboratoires sont moins nombreux ou plus éloignés, le recrutement de médiateurs est parfois plus difficile.

De grosses responsabilités s’abattent de fait sur les directeurs et directrices des écoles, regrette Élisabeth Allain-Moreno: “Ils doivent gérer la mise en place du protocole qui évolue souvent, assurer le lien avec les familles, avec la mairie, et en plus ils doivent dans de nombreux cas faire classe puisqu’ils sont aussi professeurs des écoles.”

L’arrivée de la 5e vague et de la multiplication des cas de Covid-19 ne risque pas d’alléger leur charge de travail, surtout si comme croit savoir BFMTV, la règle en vigueur dans les écoles changent: les classes pourraient ne plus fermer au premier cas de Covid. Mais il faudrait pour cela arriver réellement à tester plusieurs centaines de milliers d’enfants chaque semaine.

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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