Tennis : Novak Djokovic désormais aussi fort que Rafael Nadal après sa victoire à l'Open d'Australie
Aussi fort que Rafael Nadal. Novak Djokovic a remporté dimanche à Melbourne son dixième Open d'Australie, égalant le record de 22 titres du Grand Chelem détenu par Rafael Nadal, et redeviendra n°1 mondial lundi.
Le Serbe de 35 ans a battu en finale le Grec Stefanos Tsitsipas 6-3, 7-6 (7/4), 7-6 (7/5). Ce dernier redeviendra 3e mondial lundi, derrière l'Espagnol Carlos Alcaraz qui était absent à Melbourne en raison d'une blessure.
Une fois la victoire assurée sur une ultime faute de son adversaire, Djokovic est monté dans son box embrasser son équipe dont son coach Goran Ivanisevic et sa mère Dijana et s'y est effondré en sanglots.
Il a été dominateur tout le match et n'a pas semblé du tout gêné par sa blessure à la cuisse. Il a d'ailleurs joué pour la première fois du tournoi sans son énorme bandage.
Comme Nadal à Roland-Garros, Djokovic n'a jamais perdu en finale à Melbourne où il détient désormais le record de dix titres.
Course aux titres du Grand Chelem
Expulsé d'Australie l'an dernier avant le début du tournoi, Djokovic n'avait pu que constater, impuissant, le retour en force de Rafael Nadal qui avait pris une longueur d'avance dans la course aux titres du Grand Chelem avec un 21e sacre majeur (20 pour Djokovic et Federer). Quelques mois plus tard, l'Espagnol poussait son avantage à Roland-Garros.
Vainqueur ensuite à Wimbledon mais interdit d'entrée aux Etats-Unis pour l'US Open, le Serbe a donc dû attendre le Majeur australien pour revenir à hauteur de Nadal dimanche.
Ces impossibilités de jouer et l'absence de points distribués à Wimbledon lui ont fait perdre l'an dernier sa place de N.1.
Il l'a récupérée dimanche et va entamer lundi sa 374e semaine au sommet de la hiérarchie mondiale, nouveau record. Depuis 2021, il détient également le record du nombre de saisons terminées en N.1.
Pour sa part, Tsitsipas jouait sa deuxième finale de Grand Chelem après Roland-Garros en 2021 où il avait déjà été battu par Djokovic, mais en cinq manches et après avoir remporté les deux premières.
Les 22 titres de Djokovic et Nadal, les 20 de Federer
Novak Djokovic a égalé dimanche à Melbourne le record de 22 titres du Grand Chelem détenu jusque-là par Rafael Nadal, laissant désormais Roger Federer à deux longueurs (20). Voici la liste des titres majeurs de chacun des trois:
Novak Djokovic (né le 22 mai 1987)
Premier titre en Australie en 2008, dernier en Australie en 2023
Open d'Australie: 10 titres (2008, 2011, 2012, 2013, 2015, 2016, 2019, 2020, 2021, 2023)
Roland-Garros: 2 titres (2016, 2021)
Wimbledon: 7 titres (2011, 2014, 2015, 2018, 2019, 2021, 2022)
US Open: 3 titres (2011, 2015, 2018)
Rafael Nadal (né le 3 juin 1986)
Premier titre à Roland-Garros en 2005, dernier à Roland-Garros en 2022
Open d'Australie: 2 titres (2009, 2022)
Roland-Garros: 14 titres (2005, 2006, 2007, 2008, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2017, 2018, 2019, 2020, 2022)
Wimbledon: 2 titres (2008, 2010)
US Open: 4 titres (2010, 2013, 2017, 2019)
Roger Federer (né le 8 août 1981)
Premier titre à Wimbledon en 2003, dernier en Australie en 2018
Open d'Australie: 6 titres (2004, 2006, 2007, 2010, 2017, 2018)
Roland-Garros: 1 titre (2009)
Wimbledon: 8 titres (2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2009, 2012, 2017)
US Open: 5 titres (2004, 2005, 2006, 2007, 2008)
Novak Djokovic, l'homme des trophées et des polémiques
Novak Djokovic a beau égaler le record de titres en Grand Chelem avec Rafael Nadal, beaucoup se refuseront toujours à voir en lui le plus grand joueur de tennis de tous les temps, à cause de l'accumulation des polémiques qu'il suscite.
C'est son père, et non lui directement, qui a été le protagoniste de la dernière en date, à Melbourne Park, où on a vu Srdjan Djokovic poser avec un homme portant un drapeau russe à l'effigie de Vladimir Poutine, en pleine guerre contre l'Ukraine.
Un mauvais service rendu à son fils, qui aurait voulu reconquérir le cœur des Australiens, un an après le rocambolesque épisode de son expulsion du pays pour défaut de vaccination contre le Covid.
La liste des mésaventures, des faux pas, des attitudes incomprises est devenue trop longue pour que le champion espère arriver un jour à la cheville de Rafael Nadal et de Roger Federer en popularité, hors Serbie et Balkans où il est sanctifié.
"Ces choses semblent s'empiler! Ça fait partie de ma vie, malheureusement, ces dernières années. J'essaie d'être plus résistant, plus fort. J'arrive à déconnecter. Je veux garder l'esprit aussi sain et serein que possible pour conserver l'énergie dont j'ai besoin sur le court", a expliqué Djokovic après la demi-finale à Melbourne.
En principe, cet homme marié et père de deux enfants a tout pour être une idole : affable, respectueux, disponible, drôle, patriote mais ouvert sur le monde, intelligent, cultivé, polyglotte. Et pourtant.
Durant sa carrière, il lui est arrivé d'être hué par une minorité des spectateurs. Trop mécanique ? Trop prévisible ? Trop défensif ? Un peu comédien ? Un peu arrogant ? Peut-être trop fort, tout simplement.
"Le fait est que 90% du temps, voire plus, je joue contre mon adversaire et aussi contre le stade. J'ai l'habitude, mais je suis humain, j'ai des émotions, et il m'arrive d'être agacé quand on me provoque", a-t-il dit un jour à Wimbledon.
Efforts infructueux
Le champion s'est pourtant donné de la peine pour inverser cette tendance, par exemple en envoyant des signes de gratitudes aux quatre tribunes après chacune de ses victoires ou en s'adressant au public local dans sa langue (notamment en français, en italien, en allemand et dans un excellent anglais).
Le soutien reçu en finale de l'US Open 2021 où, après s'être imposé à l'Open d'Australie, à Roland-Garros et à Wimbledon, il a échoué face à Daniil Medvedev à un match de l'exploit ultime du tennis, le Grand Chelem, aurait pu marquer le tournant tant attendu.
Mais ce moment de grâce avec le public a été très éphémère. Quelques semaines plus tard, il était rattrapé par les polémiques lorsque la question de la vaccination obligatoire pour entrer en Australie est revenue sur le tapis et qu'il n'a opposé qu'un silence d'abord mystérieux, puis agaçant.
Plusieurs fois il a sabordé ses efforts par des initiatives malheureuses, comme l'organisation d'une tournée en ex-Yougoslavie en pleine pandémie qui a viré au foyer épidémique.
Il y a eu aussi sa disqualification en 8e de finale de l'US Open 2020 pour avoir, involontairement, touché une juge de ligne avec une balle dans un geste de colère. Ou encore des jets de raquette, aux Masters de 2016 et ailleurs.
Moisson en cours
S'il a échoué à conquérir les cœurs, sa moisson de titres, en cours à 35 ans, a comblé ses ambitions, hautes depuis toujours: à sept ans il déclarait à la télévision serbe vouloir devenir N.1 mondial.
Djokovic a remporté 22 titres du Grand Chelem (comme Nadal), 93 tournois sur le circuit de l'ATP, dont 38 Masters 1000 (record) et six Masters (record codétenu avec Federer). Lundi il commencera sa 374e semaine au premier rang mondial (record).
Ses gains financiers sont bien sûr à la hauteur de ces succès avec plus de 165 millions de dollars amassés uniquement en "prize money" (les prix distribués par les tournois), sans compter les revenus publicitaires et autres. Un sort heureux qui ne lui était pas garanti par la naissance.
Car Djokovic, né à Belgrade le 22 mai 1987, n'a pas grandi dans un cocon. À 12 ans, pour échapper aux bombardements de l'Otan pendant la guerre dans les Balkans, il a passé pendant deux mois et demi ses nuits dans des abris antiaériens et ses journées sur un court de tennis, car l'école était fermée.
Puis sa famille, qui tenait une pizzeria dans une petite station de ski, a fait de gros efforts financiers pour envoyer le prodige dans une école de tennis pendant trois ans en Allemagne, avant qu'il devienne professionnel en 2003.
La recette de son succès sportif est un mélange d'ingrédients évidents comme le talent et le travail, de composants plus recherchés (régime sans gluten pour la résistance, yoga pour la souplesse et le relâchement mental) et d'autres plus ou moins étrange s: une chambre à oxygène pour la récupération, un gourou pour le mental, des visites à une mystérieuse "pyramide" en Bosnie pour l'"énergie".
Autant de grain à moudre pour ses adversaires.