Le temps du tout voiture est révolu : comment Paris encourage-t-elle la marche et le vélo ?
C'est une belle journée. Le soleil illumine les carrés blancs de la toile de pique-nique qui va de l'Arc de Triomphe à l'avenue George V. Les feux tricolores passent encore du rouge au vert, mais personne ne s'en soucie.
Elodie et son compagnon font partie des 4 000 heureux détenteurs d'un billet pour le grand pique-nique gratuit des Champs-Élysées du 26 mai. Ils apprécient le fait de se détendre sur une rue qu'ils empruntent habituellement à vélo pour se rendre au travail, en évitant les voitures et les touristes adeptes du selfie.
"Nous sommes parisiens, et c'est un endroit dont nous avons été chassés", explique l'écrivain de 51 ans. "Ce n'est pas un musée, ni Emily à Paris, ni Disneyland.
Avant que des milliers d'invités ne prennent place, le chef cuisinier pose fièrement pour les photographes dans un blanc immaculé, tandis que des membres du comité des Champs-Élysées expliquent aux journalistes que les pique-niques sont un passe-temps national précieux.
Parmi eux, Anne Hidalgo, la maire écologiste de Paris, sourit et serre la main des chefs des food trucks. Le conseil municipal qu'elle dirige n'a pas organisé cet événement, mais il correspond à sa vision de la ville : lutter contre la pollution et réimaginer les rues pour les piétons et les cyclistes.
L'Arc de Triomphe a servi de toile de fond à plusieurs événements de ce type au fil des ans, notamment la journée annuelle sans voiture que Mme Hidalgo a inaugurée en 2015. La ville accueillant les Jeux olympiques cet été, la municipalité cherche à mettre en valeur ses initiatives écologiques.
"Nous voyons cela comme un moyen de montrer au monde une vision d'une nouvelle façon d'accueillir les jeux, et une vision de la vie dans la ville d'ici 2040 [dans le cadre du] changement climatique ", explique un porte-parole de la mairie à Euronews Green. Voici ce qui change dans la ville des lumières.
Les Parisiens se mettent au deux-roues
En entrant dans Paris depuis la gare du Nord, vous verrez de nombreuses pistes cyclables vertes qui longent la circulation, comme à Amsterdam.
Paris compte désormais plus de 1 300 kilomètres de pistes cyclables, dont 500 kilomètres ont été aménagés entre 2014 et 2020. Pour les Jeux olympiques, 30 km de nouvelles voies ont été ajoutées dans le centre-ville et à l'extérieur.
Cela a nécessité une réflexion commune de la part de la mairie - qui ne contrôle que le centre de Paris - et des maires de banlieues. Dans certains cas, il a fallu littéralement s'assurer que les pistes cyclables se poursuivent du même côté de la route.
La communication est essentielle, explique le porte-parole de l'équipe de l'adjoint au maire Emmanuel Grégoire. "La meilleure façon d'expliquer aux gens est de leur montrer que nous ne leur rendons pas la vie plus difficile", explique-t-il. Conduire une voiture à Paris demande beaucoup de patience ; en revanche, le vélo est rapide - et sûr, car l'augmentation du nombre de voies permet de ne pas se perdre dans un "océan de voitures".
"Nous devons aider les enfants à apprendre à faire du vélo dans les écoles et prendre le temps d'expliquer aux gens que le temps du tout voiture est révolu ", ajoute-t-il.
Le message semble être passé. Selon une étude récente de l'Institut Paris Île-de-France, les Parisiens sont désormais plus nombreux à circuler à vélo qu'en voiture dans le centre de la capitale.
Piétonnisation des rues et des places
La transformation de Paris en une ville entièrement cyclable pose encore beaucoup de problèmes. Mais avec ses arrondissements très proches les uns des autres, elle a toujours été une ville où l'on peut se déplacer à pied.
Ces dernières années, les piétons se sont vus accorder plus d'espace. En 2013 et 2016, la mairie a interdit la circulation sur les rives gauche et droite de la Seine.
La place de la Nation, qui était autrefois un rond-point à huit voies, est aujourd'hui avant tout un "jardin" où les enfants peuvent jouer et apprendre à faire du vélo à une distance sûre de la route. La place de la Bastille, un espace important pour les rassemblements publics et les manifestations, a également été libérée pour les personnes.
La rue de Rivoli, qui relie l'Hôtel de Ville au Jardin des Tuileries, n'est plus empruntée que par les véhicules d'urgence.
Les Parisiens ont également l'occasion de goûter à une liberté de circulation plus étendue lors de journées particulières. Outre les journées sans voiture organisées une fois par an, le programme Paris Respire prévoit la fermeture de certaines parties de la capitale à la circulation automobile un dimanche par mois.
"S'occuper" des SUV
C'est peut-être moins visible pour le flâneur moyen, mais Paris a pris des mesures sévères à l'encontre des véhicules les plus polluants.
En février dernier, les Parisiens ont voté le triplement des frais de stationnement pour les conducteurs de SUV venant de l'extérieur de la ville.
"Vous avez le pouvoir de vous réapproprier nos rues" avait affirmé Anne Hidalgo avant le référendum.
Créer des "forêts urbaines"
La place de Catalogne, près de la gare Montparnasse, est un autre rond-point qui bénéficiera d'une cure de jouvence encore plus verte.
Le maire a l'ambition d'en faire la première "forêt urbaine" de Paris, en transformant une zone de béton uniforme en une zone plantée de 478 arbres. Une grande partie herbeuse est réservée aux personnes qui voudront s'asseoir, manger et jouer.
La politique de la ville considère désormais, qu'avec autant de pierre et de béton, la l'on doit s'efforcer d'adoucir et d'ombrager les rues avec davantage de végétation.
La ville investira dans plus de 400 000 mètres carrés de nouveaux espaces verts d'ici à 2026, indique son porte-parole.
Les rues des écoles ont fait l'objet d'un effort particulier : nombre d'entre elles sont devenues piétonnes et ont été adaptées aux températures plus élevées induites par le changement climatique.
Vers une "ville du quart d'heure"
Ce modèle de ville, est un concept d'urbanisme dans lequel les gens vivent à distance de marche ou de vélo de tout ce dont ils ont besoin. Il a été adopté par Anne Hidalgo il y a plusieurs années.
Paris étant déjà très accessible à pied, ce modèle peut sembler peu pertinent par endroits. Mais des progrès ont été réalisés pour concrétiser cette vision.
En vertu de nouvelles règles d'urbanisme, les propriétaires d'immeubles sont tenus de s'assurer qu'ils accueillent à la fois des commerces en rez-de-chaussée, des logements et des bureaux, explique le porte-parole de la Mairie.
Les Jeux pour accélérer la transition
L'approche de Paris à l'égard des Jeux Olympiques met également l'accent sur la proximité. Pour la première fois, les Jeux se déroulent en grande partie au cœur même de la ville, et 26 "fan zones" réparties dans les différents quartiers permettront aux habitants de ne pas avoir à se déplacer pour regarder les Jeux avec leurs amis et leur famille.
"C'est un moyen de rendre les épreuves accessibles à tous et de montrer qu'à l'heure du changement climatique, nous pouvons continuer à organiser des évènements dans la ville d'une manière différente", explique la Mairie. "Plus écologique, car il est possible de se rendre sur les sites de compétition à pied, en transports publics et à vélo.
De plus en plus de zones sont piétonnes pour les Jeux Olympiques, principalement pour des raisons de sécurité. Une voie du périphérique qui fait le tour de la ville sera réservée au trafic olympique.
Mais la municipalité souhaite qu'elle soit exclusivement réservée au covoiturage par la suite, un exemple de l'utilisation des Jeux olympiques pour "accélérer la transformation de Paris", précise la Mairie de Paris.