Tempête Ciaran, incendies… Brocéliande illustre le casse-tête d’adapter les forêts au changement climatique

Le hêtre de Ponthus de la forêt de Brocéliande est tombé dans la nuit du 1er au 2 novembre après le passage de la tempête Ciaran.
Philippe MANGUIN Photographies / Getty Images Le hêtre de Ponthus de la forêt de Brocéliande est tombé dans la nuit du 1er au 2 novembre après le passage de la tempête Ciaran.

ENVIRONNEMENT - Le hêtre de Ponthus, célèbre arbre ancré dans le sol de la forêt de Brocéliande depuis plus de 300 ans, a été déraciné par la tempête Ciaran le 1er novembre. Quelques mois plus tôt, en août 2022, un feu avait détruit 400 hectares de landes et de bois à Brocéliande en seulement quarante-huit heures. Entre la sécheresse et les incendies en été, puis les tempêtes en hiver, le massif forestier de Paimpont-Brocéliande subit de plein fouet les aléas du climat ces dernières années.

Tempête Ciaran : le hêtre de Ponthus, arbre légendaire de la forêt de Brocéliande, n’a pas survécu

Face au changement climatique, les forestiers font donc face à un double défi. Ils doivent à la fois trouver des essences d’arbres résistantes à des températures qui grimperont de +4 degrés dans l’Hexagone d’ici 2100, mais aussi capables de subir des intempéries et des vents violents en hiver.

Régénération naturelle, diversité des espèces

En effet, le réchauffement de la planète augmente la vulnérabilité des arbres aux tempêtes automnales, car « ils perdent leurs feuilles plus tard qu’il y a 30 ou 40 ans » et ont ainsi plus de prise au vent, expliquait il y a quelques jours Christophe Cassou, climatologue au CNRS, sur TF1. Par ailleurs, les fortes intempéries gorgent le sol d’eau, le rendant ainsi plus meuble, et les arbres ont plus de chances de tomber.

Depuis l’ouragan de 1987 qui a détruit un quart des forêts bretonnes, l’ONF a cherché des stratégies d’adaptation à ces tempêtes. Dans la forêt domaniale de Paimpont, qui représente 5 % des 11 hectares de Brocéliande, majoritairement privée, la « régénération naturelle » a été privilégiée après les tempêtes de 1987 et 1999.

« On sait désormais que les forêts pour lesquelles on a favorisé la régénération naturelle, c’est-à-dire une repousse spontanée des arbres, sont désormais plus résistantes aux tempêtes », explique Marie Dubois, directrice de l’ONF Bretagne, contactée par Le HuffPost.

Le hêtre, solide contre vent et tempête, fragile face à la chaleur

Afin d’augmenter la résilience des arbres aux rafales, l’Office national des forêts a aussi favorisé « la construction du massif forestier en différentes strates, étages, ce qui permet de ralentir le vent ». Pour cela, l’ONF encourage la repousse – voire replante si nécessaire – des arbres de différentes hauteurs, sachant que les essences plus trapues et moins hautes ont davantage d’ancrage au sol. Parmi elles, Marie Dubois cite notamment le chêne, le frêne, le châtaigner ou encore le hêtre, dont les racines sont étalées et profondes.

Problème : des arbres ancestraux solides comme des rocs face aux tempêtes ne le sont pas face à la hausse des températures, à l’image du hêtre de Ponthus qui n’a pas survécu à Ciaran. Le hêtre, amateur de fraîcheur et avide d’eau, « n’a pas d’avenir avec le changement climatique en mono-essence », note la directrice de l’ONF.

Concrètement, pour survivre en 2050, le hêtre aura besoin d’être associé à d’autres arbres, comme le pin ou le chêne, qui lui procureront de la fraîcheur et de l’humidité. En échange, avec ses racines profondes, il « permet de structurer le sol de la forêt » face aux tempêtes.

Le changement climatique rattrape les arbres

L’exemple du hêtre résume finalement tout le travail des forestiers de l’ONF : associer des espèces résistantes aux tempêtes avec d’autres résistantes à la chaleur, afin que chacune se rende des services. « Dans le massif de Paimpont, on travaille sur une forêt mosaïque », développe Marie Dubois, « l’idée, c’est d’avoir un mélange d’essences locales et diversifiées, et développer une forêt à plusieurs étages composées de différentes “ambiances forestières” ».

Malgré ces stratégies pour aider la forêt de Brocéliande à s’adapter, « le changement climatique va plus vite qu’on ne l’imaginait », déplore Marie Dubois. « Pour donner un ordre d’idée, un arbre peut migrer du sud vers le nord à un rythme de 4 km tous les dix ans. Avec la vitesse du réchauffement, il faudrait qu’il migre de 75 km en dix ans. » L’ONF fait ainsi de la « migration assistée », qui consiste à récolter des essences d’arbres plus au sud pour les planter auprès d’arbres de Brocéliande.

L’ONF créé également des « îlots d’avenir », où des arbres venus de Grèce ou de Turquie sont testés sur le sol breton. « On documente tout, pour que les forestiers qui vivront dans un climat plus chaud dans trente voire cinquante ans, comprennent quelles essences peuvent fonctionner », conclut-elle.

À voir également sur Le HuffPost :

Tempête Ciaran : au Relecq-Kerhuon, il photographie des planches de bois plantées dans un immeuble

Le Pas-de-Calais en alerte rouge, les images des inondations sont impressionnantes