La « taxe carbone » aux frontières de l’Union européenne adoptée

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CLIMAT - C’est une étape importante pour la politique écologique de l’Union européenne. Les 27 ont adopté mardi 13 décembre un mécanisme inédit à leurs frontières pour verdir les importations industrielles en faisant payer les émissions carbones liées à leur production. Appelé communément « taxe carbone aux frontières », ce dispositif doit aussi signer la fin des « droits à polluer » gratuits alloués aux industriels européens.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une taxe proprement dite, ce mécanisme sans précédent consistera à appliquer aux importations de l’UE les critères du marché du carbone européen, où les industriels de l’UE sont tenus d’acheter des quotas couvrant leurs émissions polluantes. L’idée est d’éviter un « dumping écologique » qui verrait les industriels délocaliser leur production hors d’Europe, tout en encourageant le reste du monde à adopter les standards européens.

Ce dispositif d’« ajustement carbone aux frontières » (CBAM en anglais) « sera un pilier crucial des politiques climatiques européennes (...) pour inciter nos partenaires commerciaux à décarboner leur industrie », explique l’eurodéputé Mohammed Chahim (S&D, sociaux-démocrates). En pratique, l’importateur déclarera les émissions liées au processus de production, et si celles-ci dépassent le standard européen, devra acquérir un « certificat d’émission » au prix du CO2 dans l’UE. Si un marché carbone existe dans le pays exportateur, il paiera seulement la différence.

Une période test commencera en 2023

« Le message à nos industries est clair : inutile de délocaliser car nous avons pris les mesures nécessaires pour éviter les concurrences déloyales » en garantissant « un traitement équitable » entre producteurs européens et marchandises importées, a observé Pascal Canfin (Renew, libéraux), président de la commission Environnement au Parlement.

Le mécanisme, administré pour l’essentiel de façon centralisée au niveau de l’UE, visera les secteurs jugés les plus polluants (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité), comme le proposait la Commission européenne. Les eurodéputés ont obtenu d’y ajouter l’hydrogène, certains produits dérivés. Bruxelles devra ensuite étudier l’éventuelle extension à la chimie organique et à certain plastiques. Les revenus pourraient dépasser 14 milliards d’euros annuels et alimenteront le budget général de l’UE.

Une période test commencera dès octobre 2023, durant laquelle les entreprises importatrices devront simplement rapporter leurs obligations. Le calendrier du démarrage effectif dépendra de pourparlers en fin de semaine sur le reste de la réforme du marché carbone européen. Commission et États défendent une application progressive du mécanisme sur dix ans à partir de 2026. Les eurodéputés, eux, demandent une mise en œuvre graduelle entre 2027 et 2032.

« L’aboutissement d’une idée vieille de trente ans »

Actuellement, les industriels européens se voient allouer des quotas gratuits couvrant une partie de leurs émissions, pour soutenir leur compétitivité face aux concurrents étrangers. À mesure que montera en puissance l’« ajustement aux frontières », les quotas gratuits distribués aux secteurs concernés seront supprimés progressivement.

Mais le calendrier de suppression des quotas gratuits, âprement discuté, ne sera abordé que vendredi et samedi dans les pourparlers sur la réforme du marché carbone. « La réglementation sur le CBAM ne pourra être formellement adoptée qu’après avoir résolu ces autres éléments », avertit le Conseil européen. Autre point controversé restant à négocier : le Parlement veut que les sites industriels européens, sous certaines conditions, continuent de recevoir des allocations gratuites pour leur production destinée aux exportations vers des pays hors-UE.

Le CBAM est « l’aboutissement d’une idée vieille de trente ans, mais il n’a de sens qu’en supprimant toutes les allocations gratuites », observe Geneviève Pons, directrice générale de l’institut Europe Jacques-Delors. Alternativement, elle plaide pour que les recettes du mécanisme soient utilisées pour aider les pays en développement à se décarboner.

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