Le tarif de la consultation chez le médecin, une question loin d’être réglée

Alors qu’il dure déjà depuis des mois, le conflit entre les médecins libéraux et l’Assurance maladie est enlisé (photo prise le 5 janvier à l’occasion d’une manifestation de généralistes à Paris).
Alors qu’il dure déjà depuis des mois, le conflit entre les médecins libéraux et l’Assurance maladie est enlisé (photo prise le 5 janvier à l’occasion d’une manifestation de généralistes à Paris).

SANTÉ - C’est un conflit qui s’enlise. Depuis des mois, les médecins libéraux, qu’ils soient généralistes ou spécialistes, militent pour obtenir une revalorisation du tarif de la consultation. Une question qui aurait dû être tranchée dans le cadre de négociations avec l’Assurance maladie. Sauf que dimanche 26 février au soir, les principaux syndicats ont annoncé avoir refusé « à l’unanimité » la proposition qui leur a été faite.

Résultat, et alors qu’il reste normalement jusqu’au mardi 28 pour négocier, plus personne ne croit en un compromis. « Il n’y aura pas d’accord d’ici demain soir, c’est à peu près certain, même si je veux toujours croire au bon sens », a déclaré le ministre de la Santé François Braun sur France Inter ce lundi matin.

Des médecins pas « responsables » pour François Braun

Et de tacler au passage les médecins libéraux, qui refusent selon lui une proposition d’accord jamais vue : « Arrêtons de dire que le gouvernement méprise les médecins, c’est insupportable d’entendre ça. Je suis petit-fils, fils et neveu de médecin généraliste, alors oser prétendre que je méprise les médecins généralistes, c’est inacceptable. »

À l’heure actuelle, la proposition de la Cnam (Caisse nationale d’assurance maladie) prévoit que pour les cinq prochaines années, toutes les consultations médicales soient revalorisées de 1,50 euro. Pour les généralistes, cette revalorisation sans condition porterait la consultation de base à 26,50 euros, contre 25 euros depuis 2017. En plus de cela, d’autres revalorisations sont prévues pour les médecins qui accepteraient par exemple de prendre davantage de patients, de participer aux gardes ou d’exercer dans un désert médical.

Au total, cela représenterait un effort de l’État de 1,5 milliard d’euros, « plus que ce qu’on a jamais fait dans une convention médicale », a tenu à insister François Braun. Et le ministre de rappeler : « 26,50 euros, ce n’est pas du tout la valeur de la consultation. Un médecin a plus de 20 % de son revenu qui est fait de forfait, payé par l’assurance maladie, ce qui fait une consultation de base à 36,50 euros. »

Ce qui fait dire à François Braun : « Nous faisons un effort important. Je constate que les syndicats de médecins ne font pas le même effort. » Le ministre a même ajouté ne pas comprendre « une position aussi fermée » chez les médecins et regretté qu’ils ne soient pas « responsables ».

Les médecins veulent de la « reconnaissance »

Sauf que les intéressés sont sûrs de leur force et font front commun. « Il y a eu 98 % de participation et 100 % ont dit non à la signature. Un vote négatif à l’unanimité » qui « doit être de nature à faire réfléchir les politiques », a ainsi déclaré lors d’une conférence de presse Agnès Giannotti, la présidente de MG France, le plus important syndicat de généralistes.

Même résultat chez les spécialistes de l’union Avenir Spé-Le Bloc, réunis en assemblée générale dimanche : « Pas de signature, à l’unanimité », a indiqué à l’AFP le président d’Avenir Spé, Patrick Gasser. « On a fait ce qu’on a pu, c’est un échec », a-t-il ajouté, mais « la responsabilité en incombe à d’autres, au gouvernement et au-dessus ».

Et pour cause : quand le ministre vante la proposition de revalorisation de l’Assurance maladie, les médecins libéraux lui répondent sur un autre terrain. Cette question du tarif a en effet été « marginale » dans l’issue du vote, a assuré Agnès Giannotti, expliquant que les praticiens souffrent surtout d’un « manque de reconnaissance ». « Dire qu’il faut qu’on s’engage, ça veut dire qu’on ne le fait pas et ça, c’est absolument inaudible pour la profession », a-t-elle ajouté.

Vers un arbitrage qui prendra des mois ?

Pour les spécialistes, les contreparties exigées pour obtenir la revalorisation n’étaient tout simplement « pas admissibles », a expliqué Patrick Gasser. D’autant que ce dernier a comparé l’enveloppe globale de 1,5 milliard d’euros avancée par la Cnam aux « milliards injectés dans les établissements de santé, publics et privés » depuis le Covid et le Ségur de la santé, ces états généraux qui ont vu l’hôpital et ses personnels bénéficier de revalorisations salariales.

Avec ce rejet de la proposition de la Cnam par ces deux organisations pesant plus de 30 % chacune parmi les généralistes et les spécialistes, le projet d’accord soutenu par le gouvernement est donc en passe de tomber à l’eau.

À défaut d’une improbable alliance entre au moins deux des quatre syndicats restants d’ici à la fin du délai de négociation, les nouveaux tarifs seront fixés par un « arbitre », c’est-à-dire en l’occurrence, une haute fonctionnaire désignée par l’exécutif. Celle-ci aura « trois mois pour proposer un texte qui s’imposera pendant au moins deux ans », a précisé François Braun. « On va perdre du temps », a-t-il déploré.

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