Syrie: Les frappes aériennes s'intensifient sur la province d'Idlib

BEYROUTH/ANKARA (Reuters) - Des avions syriens et russes ont mené des raids mardi dans la province d'Idlib, dernier grand bastion rebelle dans le nord-ouest de la Syrie, contre laquelle l'armée gouvernementale syrienne prépare une offensive qui fait craindre à la communauté internationale un désastre humanitaire.

Les présidents russe, turc et iranien, Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan et Hassan Rohani, se rencontreront vendredi à Téhéran pour examiner la situation dans cette région de Syrie, et le président syrien Bachar al Assad pourrait attendre les résultats de cette réunion pour lancer son offensive terrestre contre Idlib.

Les appels se multiplient dans le monde pour dissuader les forces syriennes et leurs alliés de lancer une attaque majeure dans la province où vivent quelque trois millions d'habitants, dont la moitié ont déjà fui d'autres régions du pays, selon l'Onu.

Mardi, les avions russes ont mené des frappes dans la région pour la première fois depuis la mi-août. Des raids autour de Jisr al Choughour, à la limite occidentale de l'enclave rebelle, ont fait 13 morts dans la population civile, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé mardi que la région d'Idlib était un "nid de terroristes" qui servait de base arrière pour préparer des attaques contre les forces russes en Syrie.

Une source proche de Damas a déclaré la semaine dernière que le gouvernement syrien préparait une offensive graduée pour reprendre la province mais la Turquie, dont l'armée occupe une série de postes d'observation en lisière du territoire tenu par les rebelles, a mis en garde contre une telle campagne militaire.

Le quotidien turc Hurriyet rapporte que la Turquie a envoyé des chars M-60 en renfort près de l'enclave d'Idlib.

PLUS DE 20.000 DJIHADISTES À IDLIB

Lundi soir, le président américain Donald Trump a appelé la Syrie et ses alliés, l'Iran et la Russie, à ne pas mener d'offensive "imprudente" contre Idlib.

Moscou a balayé cette mise en garde en soulignant "le danger que la situation (à Idlib) fait peser sur la Syrie tout entière". "Nous savons que les forces armées syriennes se préparent à régler ce problème", a déclaré Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin.

La principale force combattante à Idlib est Tahrir al Cham, une alliance djihadiste dominée par l'ancienne branche syrienne d'Al Qaïda, le Front Al Nosra.

La semaine dernière, l'émissaire de l'Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura, avait estimé à 10.000 le nombre de djihadistes armés dans la province d'Idlib.

Mardi, le chef d'état-major interarmes américain, le général Joseph Dunford, a jugé que le nombre des djihadistes sur place était plutôt de 20.000 à 30.000.

Il a mis en garde lui aussi contre une grande offensive qui entraînerait "une catastrophe humanitaire" et a plaidé pour des opérations ponctuelles et ciblées contre les positions islamistes qui épargneraient la population civile.

Staffan de Mistura a estimé mardi que les discussions en cours entre la Russie et la Turquie étaient essentielles pour éviter un bain de sang à Idlib. Damas se donnerait jusqu'au 10 septembre avant d'attaquer, pour laisser une chance à la diplomatie, a-t-il ajouté.

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, a révélé que des discussions étaient en cours avec les Russes à propos d'opérations ponctuelles contre les groupes terroristes dans la province, afin d'éviter ainsi une offensive de grande envergure.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a affirmé à la télévision iranienne qu'il fallait "chasser les terroristes d'Idlib avec le moins de pertes possibles" pour la population civile.

(Angus McDowall et Tulay Karadeniz, avec Babak Dehghanpisheh, Tom Miles, Tom Balmforth, Phil Stewart et Suleiman al-Khalidi in Amman; Eric Faye et Guy Kerivel pour le service français, édité par Tangi Salaün)